Étudiez la temporalité et le schéma narratif dans Le Procès de Kafka.
Publié le 05/08/2014
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Étudiez la temporalité et le schéma narratif
Cadre d'une aventure dans le roman réaliste, ou grille de construction dans le Nouveau Roman, le temps romanesque peut être un révélateur des intentions de la composition et des recherches conscientes ou inconscientes de l'écriture. Apparemment simple, tendant vers l'effacement, la temporalité apparaît dans Le Procès comme une marque discrète. Que révèle-t-elle de la composition et du style ?
«
Il.
La répétition : mode de composition
Le processus d'écriture le plus récurrent semble la répétition, qui n'est peut-être
pas un phénomène caractéristique du
Procès, mais de l'œuvre de Kafka tout entière.
La scène obsessionnelle
En reproduisant des situations identiques, le romancier dissimule sous une
apparence de progression, un sous-texte qui dévoile que l'évolution n'est qu'une illu
sion.
La répétition est le marqueur de la stagnation ou du nœud obsessionnel.
Dans les
deux premiers chapitres,
K.
se rend quatre fois dans la chambre de Mlle Bürstner :
pour y rencontrer le brigadier, le soir avec Mme Grubach, puis avec sa voisine, et enfin
seul.
Cette redondance engendre deux formes de développement : le motif lyrique de
la lune et de la paix, repris lors de l'exécution, et le sentiment de culpabilité, comme
de violer un espace interdit.
Après la rupture des fiançailles d'août 1914, cette cham
bre concentre à elle seule ce qui pourrait donner la paix et ce qui la retire.
Les scènes traumatisantes
Dans l'itinéraire de K., les deux moments de blessure intime demeurent l'arresta
tion et le tribunal.
Kafka va exceller dans les jeux de miroir et d'échos.
La scène ini
tiale, vécue et jouée par
K.
dans le premier chapitre, est reconsidérée au tribunal dans
une double optique : la dramatisation et le pamphlet, exacerbés dans le film.
Cette
scène est donc revue trois fois par le héros, sous un angle différent : la victime, l'ac
cusateur, la victime devenue accusatrice.
La scène du tribunal est vécue par
K.
au
chapitre 3, elle est complétée par la laveuse au chapitre 4 -elle lui apprend ce qui
s'est passé après (p.
89)
-, puis elle est reprise par Block au chapitre 8 -celui-ci
apprend à
K.
ce qui s'est passé avant (p.
218).
L'expérience est envisagée par différents
regards, à différents moments.
Le roman se construit à partir de vérités fragmentaires,
suivant le prisme des subjectivités, dans l'esprit même de l'expressionnisme.
Ill.
Les caractéristiques de l'écriture
Ce type de composition ruine de l'intérieur la linéarité apparente du texte.
Kafka
travaille sur la discontinuité, l'intrigue progresse par ruptures, par failles insensibles.
Le mot semble toujours à la limite de ce qu'il laisse percevoir, plutôt en-deçà qu'au
delà.
Son expression relèverait d'une litote permanente, ce qui n'exclut pas quelques
traits incisifs.
Lors de sa méditation intérieure (p.
163),
K.
est d'une grande sobriété
pour évoquer ce qu'il a pu sauvegarder de son existence.
Une telle économie de
moyens est gage de densité.
Cette écriture qui ressasse le vécu s'apparente à celle du
Journal : même nécessité de reprendre pour circonscrire et tenter de comprendre.
K.
revient sur l'arrestation, comme Kafka revient sur la faute.
Et comme K.
change de
rôle, Kafka change de personnage.
Ils obéissent à ce même besoin de voir autrement
pour savoir.
L'enjeu est de comprendre pour se libérer.
En date
du 27 janvier 1922,
Kafka écrivait :
« Étrange, mystérieuse consolation donnée par la littérature, dan
gereuse peut-être, peut-être libératrice : bond hors du rang des meurtriers, acte-obser
vation.
».
»
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