Etude les Feurs du Mal de Charles Baudelaire
Publié le 02/05/2013
Extrait du document
«
Possédé”, “Obsession”, “le Goût du néant”, “Alchimie de la douleur”, etc.).
Le cheminement de cette
première section obéit donc à une progression tragique — là encore, certains titres sont éloquents:
“l’Irréparable”, “l’Irrémédiable”.
À l’image de l’ensemble du recueil, elle se termine par la mort: «Meurs,
vieux lâche! il est trop tard!» (“l’Horloge”).
L’expérience urbaine des «Tableaux parisiens» semble alors offrir la possibilité d’échapper à
l’enfermement solitaire du spleen.
Toutefois, elle instaure surtout une fraternité douloureuse avec la
misère des exclus: «une mendiante», «sept vieillards», «les petites vieilles», «les aveugles».
De plus, la
ville approfondit encore l’isolement car la multiplicité des rencontres qu’elle promet n’est qu’un mirage.
L’idéal amoureux, un instant aperçu dans “À une passante”, s’efface aussitôt: «Un éclair...
puis la nuit!»
La ville est donc magique et fascinante car elle dispense des scènes variées, inattendues, propices au
déploiement des rêves et des visions du poète «architecte de [ses] féeries» (“Rêve parisien”) mais elle est
aussi cruellement trompeuse.
L’ivresse du vin puis des sens et la révolte (dans les sections suivantes)
constituent de nouvelles tentatives pour conjurer la souffrance, mais seule la mort apporte finalement la
véritable évasion.
Le dernier poème qui lui est consacré, “le Voyage”, en donne une image euphorique, en
fait la vraie promesse: elle est départ «au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau».
Cette linéarité narrative oriente le recueil, mais n’en épuise pas la polysémie.
Car la poésie baudelairienne
manie les contraires dans la simultanéité plutôt que dans la succession.
Ainsi, la femme ange, rédemptrice
idéale, et la «femme impure», démoniaque «reine des péchés», sont les deux faces d’un unique imaginaire,
les deux pôles d’un univers poétique placé sous le signe de la «réversibilité» (c’est là le titre d’un poème).
Vénérée et insultée, bienfaitrice et destructrice, la femme est tout cela en même temps.
Ainsi, les
“Femmes damnées” éveillent la compassion et la reconnaissance fraternelle: «Pauvres sœurs, je vous aime
autant que je vous plains.» À l’inverse, la sainte «Madone» fait l’objet d’une prière idolâtre qui se termine
par une agression sanglante et profanatrice: «des sept Péchés capitaux, / Bourreau plein de remords, je
ferai sept Couteaux [...] / Je les planterai dans ton Cœur pantelant, / Dans ton Cœur sanglotant, dans ton
Cœur ruisselant!» (“À une Madone”).
Les références biographiques, qui mettent des noms précis sous
telle ou telle figure, sont éminemment réductrices car cette poésie refuse la transparence et l’épanchement
d’un lyrisme personnel hérité d’un romantisme qui a précédé Baudelaire et dont il veut à tout prix se
démarquer.
Ainsi la souffrance, si présente dans les Fleurs du mal, est indépendante des circonstances anecdotiques.
Elle est, répétons-le, inhérente à une lucidité poétique qui la subit tout autant qu’elle la crée, comme pour
mieux la contempler: «Je suis la plaie et le couteau! [...] Et la victime et le bourreau!»
(“l’Héautontimorouménos”).
Le regard du poète, inséparable de la «vorace Ironie», débusque la dérision
sous l’idéal et l’aspiration à l’absolu contenue dans toute misère, unissant ainsi la plus vibrante sensibilité
au plus froid cynisme.
En dépit de ce que l’on a pu parfois dire ou écrire à ce sujet, la conscience
malheureuse qui domine les Fleurs du mal est dépourvue de complaisance: elle s’exhibe orgueilleusement
mais sans effusion.
Certes le poète peut dresser de sa destinée un tableau tragique: “l’Albatros” nous le
montre par exemple voué à une pitoyable infirmité, martyrisé par la foule, «Exilé sur le sol au milieu des.
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