Etude d'une scène des FAUSSES CONFIDENCES de Marivaux
Publié le 22/02/2012
Extrait du document


«
temps, nous observerons l'importance du portrait d'Araminte que Dorante à peint et enfin, la vérité qui est dévoilée.
Toute l'histoire de cette pièce tourne autour de l'amour de Dorante pour sa maîtresse, Araminte.
Dans cette scène,Dorante paraît encore plus touché, ému et sensible.
Cet aveu tenté ici par Dorante est inédit, il prend pour Aramintela forme d'une révélation, qu'il lui faudra accepter ou refuser : aucune alternative n'est possible.
Dès sa premièreréplique, il semble hésitant face à sa bien-aimée : « Je n'ose presque paraître devant vous.
» Ses phrases sontindécises, car ses émotions le guident et ils n'osent pas les dévoiler directement.
Nous percevons ce doute grâce àune ponctuation abondante et omniprésente : « Madame...j'ai autre chose à dire...
[...] », « Oui, Madame...il estvenu.» C'est un échange de paroles très brèves, qui apporte du dynamisme à la scène et du réalisme.
Les discoursdes deux personnages s'équivalent en longueur, s'équilibrent et surtout se complètent : « Araminte : Je n'en doutepas.
Dorante : Et j'ai de l'argent à vous remettre.
Araminte : Ah ! De l'argent !...
[...] » Cependant, nous nousapercevons qu'au fil du dialogue, Dorante semble plus confiant et s'exprime alors plus clairement.
En effet, leshésitations du début s'effacent et laissent paraître des expressions convaincues : « De tout le reste de ma vie [...]serait précieux.
» Il joue également ici sur l'antithèse entre le temps long de sa vie, et le jour précieux d'être auxcôtés de sa maîtresse.
Par ces paroles amoureuses, Dorante est présenté au lecteur comme un langoureux,romantique.
Le registre pathétique est utilisé pour mettre en valeur ses émotions.Le personnage d'Araminte, au premier abord, se montre plus froid.
A l'inverse de Dorante qui lui expose ses penséessans retenue, cette femme est plus distante.
Elle souhaite cacher son affection : « Araminte, à part : Ah ! Je n'aiguère plus d'assurance que lui.
(Haut) Pourquoi [...] » Car en effet, le destin de la jeune maîtresse est en principetout tracé : veuve d'un opulent financier, elle est à peu près vouée, comme tant d'autres dans son cas, à épouseren secondes noces un grand seigneur.
On la perçoit ensuite comme très émue et indécise.
Les didascalies nousrenseignent bien sur son état d'esprit : « à part avec émotion.
», « émue.
», « toujours émue.
» Elle entretient ici,un dialogue très tendre avec Dorante qui lui aussi est « ému.
» Le lecteur est pris de compassion pour ces deuxpersonnages qui enfreignent les règles pour avouer leur amour.
Jusqu'à la déclaration d'Araminte, le lecteurs'interroge pour savoir si celle-ci va enfin se rendre à l'évidence de son amour pour Dorante.
Enfin cette femme,juste à travers une phrase, exprime toute l'intensité de ses émotions : « Et voilà pourtant ce qu'il m'arrive.» Laforme que prend cet aveu distingue assez nettement Araminte de la plupart des héroïnes du théâtre de Marivaux.
LaMarquise de la seconde Surprise de l'amour, Lucile des Serments indiscrets et la Comtesse du Legs se contentaientd'acquiescer à la confession de leurs soupirants.
Elle s'exprime ici, d'un ton « vif et naïf », comme pour avouer sonamour le plus rapidement possible et ne pas hésiter à le formuler.
Elle ne peut alors se dédire.La réaction de Dorante se fait violente et est perçue comme désespérée par le lecteur : « Je me meurs ! ».
Cetteexpression brève, condense toute la joie de l'homme, qui après tant de mensonges et de manipulations, voit sonrêve prendre vie.
Son émoi est si imposant qu'il se « [jette] à ses genoux ».
Le dialogue prend alors un autretournant et semble s'accélérer.
Cette situation bien exposée laisse le lecteur en suspend.
Il ressent alors l'envie depoursuivre sa lecture, pour connaître la suite des évènements.
L' opposition est frappante entre les paroles déjàdites par les personnages et cette péripétie de l'histoire.
En effet, au début de la scène, le discours est exprimétendrement.
La réaction de Dorante face à l'aveu de sa maîtresse est énergique et « réveille » le lecteur habitué àêtre dans une situation paisible.
Un contraste très fort est sensible entre ces deux changements d'états d'esprit.Araminte, pourtant, ne souhaite pas accélérer les choses et lui répond : « Je ne sais plus où j'en suis : modérezvotre joie [...] » Dorante est alors épris d'un emballement frénétique : « cette joie me bouleverse ; je ne la méritepas.
» Nous observons à travers ses réponses, l'excitation et le désir de venir à bout de ses manigances.
L'amourest perçu dans la gestuelle et les paroles des deux personnages.
Le rôle du portrait d'Araminte, peint par Doranteest également un moyen efficace pour souligner l'affection de l'homme pour sa maîtresse.
Dorante, croyant son congé venu et refusant d'adoucir son mal, réclame le portrait qu'il a peint de la jeune femme.C'est une pièce originale, qui est personnalisée par le travail patient et passionné de l'amoureux.
Au moment del'élaboration du portrait, la ferveur de Dorante s'est insinuée dans cet objet.
De même que ce dernier, par saprésence, infuse maintenant de l'amour à qui le regarde.
La représentation et le coeur de l'homme portent tous lesdeux l'image d'une femme idéale : ils sont lourds d'une parole refoulée qui ne demande qu'à s'exprimer.
Cettepeinture qui réjouit cet honnête homme se substitue à la vision directe de l'aimée pour alimenter les règles del'amoureux.
La dénonciation publique de ce regard interdit, suscité par une image, est une autre marque dessentiments de Dorante.
Celui-ci réclame donc sa peinture, désespérément : « J'ai tout perdu ! J'avais un portrait etje ne l'ai plus.
» Il considère celui-comme très « cher » à ses yeux et lui porte tant d'affection, que le lecteur estsurpris d'entrevoir un amour si puissant.
Dorante semble vivre une relation forte avec ce portrait, à défaut de lavivre avec Araminte.
Le portrait est le symbole du refoulement et signe du désir.
Il supplie alors celle-ci de luirendre, l'interjection « Ah », souligne son désarroi.
Araminte ne se souscrit pas à le lui remettre, ayant peur desréactions : « songez-vous que ce serait avouer que je vous aime ? »L'objet joue également un autre rôle.
En effet, il est aussi médiateur et ressort dramatique.
Nous le savons protégépar sa boîte, gardant ainsi un anonymat précieux.
Cette atmosphère dramatique s'en ressent ici.
Elle suscite uneémotion née de la conviction qu'il n'existe plus d'issue.
Dorante se montre pessimiste, et accentue l'idée d'unemarche inéluctable vers un destin inévitable : « Je ne pourrai longtemps m'en dédommager ».
Le registre pathétiquese développe également au cours de la discussion de ce portrait mystérieux.
Nous sentons le héros à fleur de peau.Le lecteur est touché par sa sensibilité et la gravité de son discours : « n'ajoutez rien à ma douleur ! » Le champlexical de la souffrance est exploité pour illustrer ces registres : « plaindre », « chagrins », « perdu ».
Laconversation autour de cet objet est un moyen efficace pour faire évoluer l'action.
C'est grâce à celle-ci que va sedéclencher la déclaration d'Araminte.
Le rythme va donc soudainement s'accélérer et le héros en est réduit à avouerses fausses confidences..
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