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Etude de l'incipit : « Aujourd'hui, maman est morte ... pour n'avoir plus à parler. » - L'Etranger de CAMUS

Publié le 29/07/2010

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* I. L'originalité de ce début de roman

* Traitement du temps : Pas de moments antérieurs à l'histoire, le passé est dans le flou. On n'a pas vraiment d'avant. Par exemple, on annonce l'enterrement de sa mère mais on ne sait pas de quoi elle est morte. L'avenir va jusqu'à demain voire après-demain, il est extrêmement limité. On a le sentiment d'une quasi-simultanéité de la narration et de son contenu. Meursault raconte les faits les uns après les autres comme dans un journal, le récit est chronologique. * Traitement des lieux : C'est nous lecteur qui supposons qu'on est à Alger (l. 8). Le paysage est complètement gommé, on a l'impression qu'on se déplace sur une ligne géométrique. C'est purement narratif. * Traitement des personnages : On n'a aucune description, aucun portrait de son patron. Le restaurateur et Emmanuel ne sont pas décris non plus. Camus a écrit sobrement, sans aucun portrait psychologique. * Le point de vue : La situation narrative est celle de la focalisation interne : la perception de l'univers du récit se fait par le regard ou la conscience de Meursault. Le narrateur ne rapporte que ce que voit le personnage-témoin, et ainsi personnage et narrateur se confondent. Les « je « sont prédominants au fil du récit et, comme dans un discours, on a l'utilisation de « aujourd'hui «, « hier «, « demain «, « après-demain «, « pour le moment «qui nous situent par rapport à Meursault, le narrateur aurait très bien pu employer des expressions comme ce jour-là, la veille, le lendemain ou le surlendemain. Les temps utilisés sont le futur, l'imparfait et le passé composé, temps qui se situent par rapport au temps du personnage, ceci montre que l'on colle pratiquement à l'histoire, le temps de la narration est tout près du temps de l'histoire. Meursault n'a donc pas beaucoup de recul par rapport à l'histoire, cela lui permet de ne pas faire part de ses sentiments mais uniquement des évènements, de ses pensées, de ses sensations qui à divers moments occupent sa conscience. On épouse le point de vue du narrateur.

* II. Qui est cet homme ?

Meursault marque un extrême détachement à l'égard de la mort de sa mère. L'expression du télégramme est l'expression de ce détachement. Lorsque l'on est avant l'enterrement de sa mère, c'est comme si elle n'était pas morte pour lui, Meursault semble ne pas en prendre conscience. Ce qui frappe ensuite, c'est que Meursault fait de l'enterrement une simple formalité : « Après l'enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle. « Le deuil se fera par l'aspect extérieur, c'est-à-dire par son habillement. Cette mort peut passer pour une raison valable de prendre des congés : « excuse pareille «. Quelque part, c'est comme si cette mort était de la faute à Meursault. On a l'impression que la mort n'est pas grand chose pour lui, que cette mort est vécue comme un accident qui dérange le cours des choses : Meursault a recours au calcul pour préparer son voyage. Dans tout son récit, on n'a aucune marque du champ lexical de l'affection, donc pas de chagrin de la part de Meursault. Le seul terme utilisé est dit chez Céleste : « Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi «, la seule compassion vient de l'entourage de Meursault, qui a choisi de dire les choses telles qu'il les a vécues. Ses sensations l'emportent sur ses sentiments : Meursault est plus sensible à ce que produit le voyage sur ses sens qu'à l'émotion de la perte de sa mère. Cet état d'absence est lié à des évènements ponctuels qu'il vit. Ce personnage est étranger à des sentiments, à une émotion, qui vit dans la solitude et qui refuse la communication, il répond par monosyllabes : « J'ai dit "oui" pour n'avoir plus à parler «. Mais ce n'est pas un personnage blâmable pour autant : il fait ce qu'il faut à l'égard de sa mère, ce n'est pas de la provocation, c'est dans son être.

 

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« I) Un incipit déconcertant L’incipit dans un récit a souvent la même fonction qu’une scène d’exposition au théâtre : il s’agit d’informer le lecteur sur : Le lieu : en Algérie l.4 (le narrateur habite loin de l’hospice où il a placé sa mère).

Les autres repères spatiaux donnent des indications sur son cadre de vie : « au restaurant chez Céleste » l.15, « chez Emmanuel » l.18.

On a l’impression d’une vie bienréglée.Le temps : Un repère temporel conforte cette impression de routine : « comme d’habitude » l.15.

Les autres marqueurs de temps montrent que le narrateur a du mal à ordonner les événements chronologiquement : le « aujourd’hui » du début est mis en doutepar la 2° phrase du récit, reprise partiellement l.3.L’action : Les premiers mots du texte donnent une information capitale pour la suite du roman puisque Meursault sera condamné pour n’avoir pas pleuré à l’enterrement de sa mère.Les personnages : notamment le personnage principal, narrateur qui dit JE l.1. Il s’agit d’un incipit « in medias res » (au milieu des choses) car nous commençons par le récit de la mort de la mère du narrateur,mort qui intervient alors que celui-ci est déjà adulte.

Néanmoins, ce début est pour le moins étrange pour plusieurs raisons.

D’abordcette mort est rapportée d’une manière directe (sujet + verbe + attribut) et indifférente par le narrateur : le style quasimenttélégraphique évacue tout registre pathétique.

Il semble étranger au monde dans lequel il vit (il s’auto justifie devant son patron, comme s’il était coupable du décès de sa mère l.7-8-9 ; il n’arrive pas à réaliser la mort de celle-ci l.11-12 ; il est introverti et refuse lecontact humain l.24-25).

D’ailleurs le lecteur ne connaît aucun détail sur son mode de vie ni sur son entourage : l.15 « tous » renvoieaux clients habituels du restaurant.

Aucune précision n’est donnée sur Emmanuel, hormis le fait qu’il a subi lui aussi un deuil.

Ce quisemble intéresser le narrateur n’est pas les circonstances de ce décès mais la possibilité qui lui est offerte d’emprunter les accessoiresdu deuil l.18 « une cravate noire » et 19 « un brassard ».

Bien que le champ lexical de la mort soit très développé dans les 3 premiers§ (« morte » l.1, « décédée » et « enterrement » l.2, « veiller » l.6, « condoléances » l.10, « deuil » l.11, etc.), le narrateur n’exprimeaucun sentiment personnel, ce qui peut surprendre voire choquer le lecteur.. »

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