Etude de : Le rossignol de Verlaine

« Le décor nocturne est caractérisé par une "obscurité" (vers 18), plus symbolique que réaliste puisque le paysage est éclairé par la « lune » (vers 15) pouvant symboliser un rare moment où s'épanouit le chant du rossigno l.

La nuit est baignée d'une chaleur « lourde d'été » (vers 17) qui la rend vivante mais aussi oppressante, comme les « souvenirs » (vers 2) ; la « brise » est "moite" (vers 8), l'atmosphère " lourde" et le vent "doux" .

Pour suggérer le paysage, Verlaine ne fait preuve d'aucune volonté descriptive ou de recherches détaillées .

Il se limite à la mention de quelques éléments isolés comme l'arbre — un aulne — (vers 4) ou l'eau, qui ont par ailleurs tous les deux une valeur métaphorique : l'eau est celle des "Regrets" et l'arbre "au tronc plié" pourrait être vu comme l'âme ou le cœur même du poète, ce que dit explicitement le texte aux vers 4 et 5. 3 Les seules notations précises, les seuls vrais détails sont ceux des couleurs ( et des sons ) qui se caractérisent par une évolution parallèle au fil du poème .

Les couleurs sont d'abord vives et éclatantes .

Le "jaune" (vers 3) du feuillage peut amener à surprendre le lecteur dans un poème clairement situé en été, le jaune connotant l'automne .

Il répond ici au "violet" (vers 5) de l'eau .

Il existe en effet une harmonie d'abord picturale, même si le violet est aussi la couleur du deuil .

Puis les teintes s'éteignent, s'estompent peu à peu à mesure que les souvenirs s’obscurcissent pour laisser place à "l'azur" (vers 19) du ciel et à la teinte "blafarde" (vers 16) de la lune, toujours en accord avec la mélancolie qui baigne le paysage, l'esprit du poète et le ton du poème .

De même les sons, d'abord criards et violents, vont en s'apaisant pour laisser place au calme profond de la nuit , "pleine de silence et d'obscurité".

Seule s'élève la voix pure de l'oiseau dont les sonorités en [r] imitent, dans les derniers vers, font penser aux roucoulements du rossignol .

Dépourvu de détails précis et perdant progressivement sons et couleurs, le paysage se caractérise surtout par sa "splendeur triste" (vers 15) .

Comme le chant de l'oiseau, il est voué au culte du souvenir de "l'Absente", sa beauté mélancolique est "solennelle" comme celle de la cérémonie qu'il "célèbre". Mais le paysage exprime aussi les sentiments du poète, la puissance de ses émotions et la douceur de sa "mélancolie".

Ce terme qui occupe à lui seul la moitié du vers 17 , voire plus quand il s'agit de l'adverbe « mélancoliquement » comme au vers 6, est repris deux fois et amplifie l'impression donnée par le paysage.

Toutes les notations visuelles et sonores convergent pour faire de ce décor doux et triste le reflet de l'âme du poète , perturbée par l'irruption du souvenir avant qu'il ne trouve la « paix » passagère, un certain apaisement . La célébration du souvenir devient alors l'unique recherche d'une harmonie mélodieuse, soit la seule possibilité de faire échec à ce désordre des émotions .

4 Finalement, seule la voix du souvenir se fait entendre .

Cette voix qui. »