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ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE. — Influence de la littérature nord-américaine anglophone sur la littérature française

Publié le 06/12/2018

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ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE. — Influence de la littérature nord-américaine anglophone sur la littérature française. Si « l’événement le plus important depuis la création du monde [...] est la découverte des Indes » — notre Amérique — selon Francisco Lopez de Gomara en 1552, on dut pourtant attendre quelques siècles pour que se créent au nord du Nouveau Monde une civilisation originale, une personnalité nationale et une littérature anglophone nouvelle où des nourrissons enfin détachés de girons européens pourraient en retour allaiter, d'un lait coupé parfois de bourbon ou de Coca-Cola, des enfants bien de chez nous. Après des débuts balbutiants et coloniaux, la littérature anglophone d’Amérique ne s’épanouit qu’aux XIXe et XXe siècles; alors seulement commence à s’exercer une influence féconde sur une intelligentsia avide de renouveau. Mais le succès de cette réception proprement littéraire fut bien préparé par le

 

charme d’une mythologie exotique dont la séduction semble un cas unique dans l’histoire de nos lettres. Mythologie ambiguë comme les passions qui la nourrirent puis qu’elle fit naître en retour et qui, ru tantôt et tantôt Niagara, circule dans nos œuvres dès le xvie siècle. Il convient d’en rappeler l’essentiel pour mieux suivre ensuite les étapes d’une influence aux choix fantasques où l’amour étonné et l’aveuglement fertile président aux coups de foudre, où les coïncidences de l’histoire violente des hommes jouent autant que les réflexions calmes en quête de richesse à exploiter rationnellement. Mais que ferait la raison dans le rêve littéraire « américain » des écrivains français?

 

Une Amérique mythologique

 

Caractéristique déjà d’une image forte, l’hypallage courante qui assimile le plus puissant pays occidental à tout le continent ouvre sur une mythologie cristallisée autour de ces terres découvertes comme un monde fabuleux, terres d’indiens exterminés, de pionniers audacieux, de puritains déterminés, de Noirs déportés, d’immigrants faméliques, pragmatiques ou idéalistes. Dès le temps de Montaigne naît de l’aventure coloniale dans ce « monde enfant » le mythe si fécond du « bon sauvage »; les fameux « cannibales » américains, bien différents du Caliban de Shakespeare, s’avèrent pour le Français si pleins de loyauté et de liberté, de clarté d’esprit naturelle, de hardiesse et de résolution devant la faim ou la mort : quels modèles de relativisme et de philosophie! Ainsi pose-t-on, en même temps que de nouveaux jalons pour le scepticisme, les marques optimistes d’un rêve humaniste, retour à l’âge d’or de peuples plus heureux et plus sages à la fois. La France des xviie et xviiie siècles ne manque pas de reprendre un fantasme aussi brillant, une utopie aussi révolutionnaire et poétique, de Fénelon au P. du Tertre et à Rousseau. Avant même que le Huron de Voltaire débarque sur nos rivages pour y parler en vrai polyglotte d’or et de raison mais toujours ingénument (1767), avant l’énorme succès du ballet héroïque les Indes galantes (1735), l’abbé Prévost offre le tableau pathétique de deux amants régénérés par une Louisiane mythique {Manon Lescaut, 1733). Moins il la connaît, plus il l’idéalise en Paradis pour son Ève-Manon-Madeleine. Traces persistantes du rêve américain dans les « Lumières »...

 

Mais voici que l’influence littéraire rejoint et conforte l’imaginaire grâce à ce métis culturel et politique, Saint John de Crèvecœur, Normand voyageur, cultivateur et écrivain en Virginie, consul de France à New York et Boston, trait d’union entre les jeunes États-Unis et son pays natal [voir Crèvecœur]; traduisant en français (1784-1787) ses Letters from an American Farmer (1782), il les enrichit — ou les falsifie! — de tableaux idylliques, de rhétorique philosophique et de sentimentalité rousseauiste; le « sauvage américain » — pour reprendre le mot de Mmc d’Houdetot — subit en effet l’influence des salons français et leur envoie, avec l’air d'authenticité de qui a vécu l’utopie, les idées de l’abbé Raynal (Histoire des deux Indes, 1770) dont il était déjà imprégné; il annonce ainsi d’autres échanges littéraires alternatifs à travers l’Atlantique. Dans ces Lettres de Crèvecœur, on retrouve donc l’illustration d’idées prérévolutionnaires, mirage d’une société agricole unissant la tolérance religieuse à la liberté civile, idéalisation de la vie sauvage, beaux Peaux-Rouges ou bons Nègres, critique de la traite et de l’esclavage. Le livre eut un succès d’autant plus considérable qu’il reflétait, à l’usage de l’Europe, tous les clichés sur l’Amérique alors même qu’on prenait parti pour les Insurgents, et Crèvecœur aida donc à créer le mythe triomphant de la Révolution américaine; son influence se retrouve dans toute la littérature révolutionnaire, chez Brissot de Warville, Mme Roland et Roland de La Platière qui, par une étonnante intuition, prévoit en 1785 l’universalité de la langue américaine! Des aristocrates rêveront d'un exil idyllique en Amérique et en feront l’expérience... amère. Mme de Staël s’inspire de Crèvecœur dans ses premiers textes contre l’esclavage, B. Constant songe à se faire « farmer dans la Virginie », Chénier médite un poème sur l’Amérique et Chateaubriand réalise bientôt ces deux désirs en traversant l’Atlantique pour écrire l’histoire d’Atala qui, moins vécue que les récits de Crèvecœur, fixe encore mieux ce rêve toujours vivace du sauvage beau, sensible, libre et vertueux. Le vulgarisateur virginien, précurseur de Thoreau ou Melville, est alors bien dépassé par son disciple le plus brillant.

 

Les choix du xixe siècle

 

Mêlant dans son inspiration des « chimères » tenaces, le délire de la liberté, des lectures cosmopolites et l’aventure vécue sur des rivages lointains et décevants ou dans des paysages exotiques et grandioses, François-René de Chateaubriand, s’il remet en cause le mythe trop optimiste avec les Natchez ( 1800), « saga indienne de la déchéance », illustre magnifiquement l’exotisme poétique et l’utopie idyllique par Atala (1801) et sa communauté évangélique d’indiens laboureurs sur les rives du Meschacébé. Qu’il ait pillé récits et fictions de Charlevoix [voir Charlevoix], Carver, Crèvecœur, Bartram, Imlay ou Mrs. Morton importe peu à ses lecteurs mais illustre bien pour nous combien la réception d’œuvres littéraires mineures peut féconder l’imaginaire d’un grand écrivain par le métissage heureux d’une culture, d’un rêve poétique et d’un génie esthétique. Ainsi naît le « cycle américain » dans l’œuvre de Chateaubriand, hymne romanesque qu’illustreront d'autres auteurs fascinés à leur tour par ces États-Unis toujours à découvrir.

 

Là-bas cependant l’émergence d’une identité nationale s’accompagne de la lente naissance d’une littérature originale dégagée peu à peu de l’emprise britannique. Les réflexions de Tocqueville (De la démocratie en Amérique, 1835-1840), dont la lucidité est étonnante, analysent pour les Français les promesses d'un développement fantastique; il voit se lever du sein d’une culture de masse une littérature libre et forte, pleine de variété et d'enthousiasme, au style « bizarre, incorrect, mélangé » mais « presque toujours hardi et véhément ». Son analyse prémonitoire annonce donc le développement d’échanges littéraires qui resteront ponctuels au xixc siècle; mais l’irruption d’un héros mohican, le cas étrange du maître Poe, le cousinage confidentiel d’un Whitman symboliste annoncent au XXe siècle le triomphe du roman nord-américain.

 

« Fécondité singulière dans ses produits », prévoyait de cette jeune littérature l’historien français, et des filiations bâtardes voient déjà le jour en France. Les Mohi-cans de Fenimore Cooper (1789-1851) engendrent les chouans d’une Vendée de fiction et les chourineurs d'un Paris souterrain. Le Dernier des Mohicans traduit en 1826, Cooper prend bientôt la place de Walter Scott dans le cœur du public, lecteurs de romans ou spectateurs du Boulevard, et dans l’inspiration d’écrivains romantiques, Balzac, Sue, Hugo peut-être. Le premier a découvert dans l’enthousiasme cette nouvelle Amérique, et les Chouans, d’abord intitulé le Dernier Chouan (1829) en référence trop transparente, Une ténébreuse affaire (1841), les Paysans (posth., 1855) en témoignent; on y voit des Vendéens révoltés émules d’indiens résistants, des paysans aussi rusés que des Peaux-Rouges. On peut même se demander si les dimensions épiques données par Cooper à la lutte des Blancs et des Rouges n’ont

 

pas influencé la conception de la société moderne selon Balzac, force contre ruse, les puissants écrasant le peuple. Fécondée elle aussi par les récits américains d’aventures sur terre et sur mer, l’œuvre d’Eugène Sue transpose ses titres et ses thèmes. Le Corsaire rouge de Cooper inspire Kernok le pirate (1830) — et Balzac projette un Corsaire algérien; mais surtout le Paris de Sue [voir Sue] n’est-il pas, comme celui des Misérables (1862) d’Hugo ou des Mohicans de Paris (1854-1855) d’A. Dumas, un champ de bataille où s’affrontent les espèces humaines ainsi que dans les forêts américaines, où l’homme chasseur, traître ou héros, est un loup pour l’homme, où la traque sans pitié et le duel sauvage scandent une épopée primitive et moderne à la fois?

 

Mais la plus importante révélation américaine au xixc siècle fut celle d’Edgar Allan Poe (1809-1849); ce maître du récit et ce génie de la poésie fut découvert grâce aux traductions et analyses de Baudelaire [voir Baudelaire] (1845-1865), son interprète passionné. La France reçut l’œuvre de Poe conteur, conjuguée à celle d’Hoffmann, comme un alliage étonnant de réalisme et de surnaturalisme, de logique et de fantastique, d’humour et d’hallucination. Les Goncourt voient en lui le père du « roman de l’avenir » et des romanciers du vertige mental tels Villiers de L’Isle-Adam, Huysmans, Maupassant, M. Schwob ou Barbey d’Aurevilly prennent pour maître E. Poe qu'admirent aussi Gaboriau, créateur de notre roman policier, et Jules Verne, initiateur de l’anticipation. Encore plus essentielle fut l’influence de Poe sur la poésie française, et n’est-ce point justice que Mallarmé lui ait consacré — entre deux stèles à Baudelaire et Verlaine — un « Tombeau » si admirable, hommage au poète américain le plus lucide et le plus visionnaire du xixe siècle? Banville avait devancé les principes de Poe en 1845 mais fit référence lui-même à l’Américain quand il les approfondit plus tard. L’œuvre de Poe, peu à peu « digérée » par l’auteur des Fleurs du mal, alimente l’esthétique de Baudelaire qui, pénétré de son spiritualisme, le prend pour guide vers la Beauté et interprète sa poétique savante : « magique contact de deux esprits », notera Paul Valéry. Ainsi Baudelaire appliquc-t-il par une maturation intime les principes de Poe et réalise-t-il, en rupture avec le Parnasse comme avec le romantisme sentimental, l’alliance de la volupté et de la sagesse, « de la mysticité avec le calcul ». Uni à Poe, il inspire à son tour Mallarmé, Verlaine, Rimbaud, Rollinat ou Dierx; l'œuvre de Mallarmé illustre particulièrement cette recherche poétique d’une littérature totale et sacralisée. Enfin l'auteur de Charmes [voir Valéry] achève peut-être provisoirement la lignée qui, partant de l’imaginaire de Poe lié à une « méthode si puissante et si sûre », aboutit à la poésie française du xxc siècle. Quelle variété dans cette réception qui met d’abord l’accent sur la fascination de l’hallucination et enfin sur la rigueur intellectuelle et la consistency\\ Découvreur et ordonnateur de ce triomphal échange entre l’Amérique et la France, Baudelaire est le vrai frère spirituel de Poe, lui offrant une terre où épanouir sa fleur « éclatante et nette » (Mallarmé) dans le pays où fut le mieux reconnue sa « synthèse des vertiges » comme l’écrivait Valéry à Gide (1892) à propos du « seul écrivain — sans aucun péché ».

 

Vers l'« âge du roman américain » (C.E. Magny)

 

Bien secondaire après Poe — et avant la gloire en France des romanciers américains des années 20 et 30

 

apparaît l’influence soit de Walt Whitman (1819-1892) pour la poésie, soit de Mark Twain (1835-1910)

 

qui inspire pourtant des humoristes tel A. Allais —, soit même de Henry James (1843-1916); est-ce parce

« littérature révolutionnaire, chez Brissot de Warville, Mme Roland et Roland de La Platière qui, par une étonnante intuition, prévoit en 1785 l'universalité de la langue américaine! Des aristocrates rêveront d'un exil idyllique en Amérique et en feront l'expérience ...

amère.

Mme de Staël s'inspire de Crèvecœu( dans ses premiers textes contre l'esclavage, B.

Constant songe à se faire « farmer dans la Virginie », Chénier médite un poème sur l' Amé­ rique et Chateaubriand réalise bientôt ces deux désirs en traversant l'Atlantique pour écrire l'histoire d'A tala qui, moins vécue que les récits de Crèvecœur, fixe encore mieux ce rêve toujours vivace du sauvage beau, sensible, libre et vertueux.

Le vulgarisateur virginien, précurseur de Thoreau ou Melville, est alors bien dépassé par son disciple le plus brillant.

Les choix du x1xe siècle Mêlant dans son inspiration des «chimères » tenaces, le délire de la liberté, des lectures cosmopolites et l'aventure vécue sur des rivages lointains et décevants ou dans des paysages exotiques et grandioses, François­ René de Chateaubriand [voir CHATEAUBRIAND], s'il remet en cause le mythe trop optimiste avec les Natchez ( 1800), « saga indienne de la déchéance», illustre magnifique­ ment l'exotisme poétique et l'utopie idyllique par Atala ( 1801) et sa communauté évangélique d' lndiens labou­ reurs sur les rives du Meschacébé.

Qu'il ait pillé récits et fictions de Charlevoix [voir CHARLEVOIX], Carver, Crè­ vecœur, Bartram, Imlay ou Mrs.

Morton importe peu à ses lecteurs mais illustre bien pour nous combien la réception d'œuvres littéraires mineures peut féconder l'imaginaire d'un grand écrivain par le métissage heu­ reux d'une culture, d'un rêve poétique et d'un génie esthétique.

Ainsi naît le« cycle américain » dans l'œuvre de Chateaubriand, hymne romanesque qu'ii)ustreront d'autres auteurs fascinés à leur tour par ces Etats-Unis toujours à découvrir.

Là-bas cependant l'émergence d'une identité natio­ nale s'accompagne de la lente naissance d'une littérature originale dégagée peu à peu de l'emprise britannique.

Les réflexions de Tocqueville (De la démocratie en Amé­ rique, 1835-1840), dont la lucidité est étonnante, analy­ sent pour les Français les promesses d'un développement fantastique; il voit se lever du sein d'une culture de masse une littérature libre ct forte, pleine de variété et d'enthousiasme, au style «bizarre, incorrect, mélangé» mais « presque toujours hardi et véhément >>.

Son analyse prémonitoire annonce donc le développement d'échan­ ges littéraires qui resteront ponctuels au x1x• siècle; mais l'irruption d'un héros mohican, le cas étrange du maître Poe, le cousinage confidentiel d'un Whitman symboliste annoncent au xx< siècle le triomphe du roman nord­ américain.

« Fécondité singulière dans ses produits », prévoyait de cette jeune littérature 1 'historien français, et des filia­ tions bâtardes voient déjà le jour en France.

Les Mohi­ cans de Fenimore Cooper ( 1789-1851) engendrent les chouans d'une Vendée de fiction et les chourineurs d'un Paris souterrain.

Le Dernier des Mohicans traduit en 1826, Cooper prend bientôt la place de Walter Scott dans le cœur du public, lecteurs de romans ou spectateurs du Boulevard, et dans l'inspiration d'écrivains romantiques, Balzac, Sue, Hugo peut-être.

Le premier a découvert dans l'enthousiasme cette nouvelle Amérique, et les Chouans, d'abord intitulé le Dernier Chouan (1829) en référence trop transparente, Une ténébreuse affaire (1841), les Paysans (posth., 1855) en témoignent; on y voit des Vendéens révoltés émules d'Indiens résistants, des paysans aussi rusés que des Peaux-Rouges.

On peut même se demander si les dimensions épiques données par Cooper à la lutte des Blancs et des Rouges n'ont pas influencé la conception de la société moderne selon Balzac, force contre ruse, les puissants écrasant le peu­ ple.

Fécondée elle aussi par les récits américains d'aven­ tures sur terre et sur mer, l'œuvre d'Eugène Sue transpose ses titres et ses thèmes.

Le Corsaire rouge de Cooper inspire Kernok le pirate (1830) -et Balzac projette un Corsaire algérien; mais surtout le Paris de Sue [voir SuE] n'est-il pas, comme celui des Misérables (1862) d'Hugo ou des Mohicans de Paris (1854-1855) d'A.

Dumas, un champ de bataille où s'affrontent les espèces humaines ainsi que dans les forêts américaines, où l'homme chasseur, traître ou héros, est un loup pour l'homme, où la traque sans pitié et le duel sauvage scan­ dent une épopée primitive et moderne à la fois? Mais la plus importante révélation américaine au xix • siècle fut celle d'Edgar Allan Poe (1809-1849); ce maître du récit et ce génie de la poésie fut découvert grâce aux traductions et analyses de Baudelaire [voir BAUDELAIRE] (1845-1865), son interprète passionné.

La France reçut l'œuvre de Poe conteur, conjuguée à celle d'Hoffmann, comme un alliage étonnant de réalisme et de suroaturalisme, de logique et de fantastique, d'hu­ mour et d'hallucination.

Les Goncourt voient en lui le père du« roman de l'avenir>> et des romanciers du ver­ tige mental tels Villiers de L'Isle-Adam, Huysmans, Maupassant, M.

Schwob ou Barbey d' Aurevilly prennent pour maître E.

Poe qu'admirent aussi Gaboriau, créateur de notre roman policier, et Jules Verne, initiateur de l'anticipation.

Encore plus essentielle fut l'influence de Poe sur la poésie française, et n'est-ce point justice que Mallarmé lui ait consacré -entre deux stèles à Baude­ laire et Verlaine -un «Tombeau» si admirable, hom­ mage au poète américain le plus lucide et le plus vision­ naire du XIx • siècle? Banville avait devancé les principes de Poe en 1845 mais fit référence lui-même à l' Améri­ cain quand il les approfondit plus tard.

L'œuvre de Poe, peu à peu « digérée » par 1 'auteur des Fleurs du mal, alimente l'esthétique de Baudelaire qui, pénétré de son spiritualisme, le prend pour guide vers la Beauté et inter­ prète sa poétique savante : « magique contact de deux esprits », notera Paul Valéry.

Ainsi Baudelaire applique­ t-il par une maturation intime les principes de Poe et réalise-t-il, en rupture avec le Parnasse comme avec le romantisme sentimental, l'alliance de la volupté et de la sagesse, «de la mysticité avec le calcul».

Uni à Poe, il inspire à son tour Mallarmé, Verlaine, Rimbaud, Rollinat ou Dierx; l'œuvre de Mallarmé illustre particulièrement cette recherche poétique d'une littérature totale et sacra­ lisée.

Enfin l'auteur de Charmes [voir VALÉRY] achève peut-être provisoirement la lignée qui.

partant de l'ima­ ginaire de Poe lié à une « méthode si puissante et si sOre », aboutit à la poésie française du xx• siècle.

Quelle variété dans cette réception qui met d'abord l'accent sur la fascination de l'hallucination ct enfin sur la rigueur intellectuelle et la consistency! Découvreur et ordonna­ teur de ce triomphal échange entre 1 'Amérique et la France, Baudelaire est le vrai frère spirituel de Poe, lui offrant une terre où épanouir sa fleur « éclatante et nette » (Mallarmé) dans le pays où fut le mieux reconnue sa «synthèse des vertiges>> comme l'écrivait Valéry à Gide (1892) à propos du «seul écrivain -sans aucun péché».

Vers l'u âge du roman américain ,, (C.E.

Magny) Bien secondaire après Poe -et avant la gloire en France des romanciers américains des années 20 et 30 - apparaît l'influence soit de Walt Whitman (1819- 1892) pour la poésie, soit de Mark Twain (1835-1910) - qui inspire pourtant des humoristes, tel A.

Allais -, soit même de Henry James (1843-1916); est-ce parce. »

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