« Et les descriptions! Rien n’est comparable au néant de celles-ci! » s’écrie André Breton dans le Manifeste du Surréalisme en 1924. Que pensez-vous de cette attitude?
Publié le 07/10/2011
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André Breton est un auteur français du XX ème siècle. Il est surtout connu pour son œuvre Nadja (1928) et son Manifeste du Surréalisme (1924). Dans ce dernier, Breton définie ce qu’est le Surréalisme, mouvement littéraire qui succède au dadaïsme . Il y revendique également les droits de l’imagination, et plaide pour le merveilleux, l’inspiration, l’enfance et pour le hasard objectif. Dès les premières pages de ce Manifeste, nous observons qu’André Breton se révèle être contre les descriptions: « Et les descriptions! Rien n’est comparable au néant de celles-ci! «Dès lors on peut affirmer que le poète désire s’affranchir du courant phare du siècle passé : le Réalisme.
«
Cependant, on peut se demander si qualifier les descriptions de « néant » n’est pas un peu exagérer.
En effet, lesauteurs réalistes tels que Maupassant, Flaubert ou encore Balzac sont tout de même lus dans le monde entier.
Celanous montre bien que même si les descriptions peuvent paraître longues et ennuyeuses, le lectorat les « supporte »et peut être même, les apprécie.
Les périodes qui peuvent retarder l’action et donc, provoquer une certainefrustration du lecteur comme nous l’avons vu ci-dessus, peuvent au contraire, provoquer un rythme, apporter unsuspense et tenir le lecteur en haleine jusqu’au dénouement de l’intrigue.Puis, nous pouvons contredire l’avis de Breton, qui nous pousse à penser qu’une description n’est composée que depassages purement et strictement descriptifs, et donc lourds et ennuyeux.
Une description peut être, par exempleprise en charge par un des personnages du récit, ce qui nous amène à réfléchir sur la façon de penser de celui-ci,sur ses sentiments etc.
Plus simplement, une description peut s’avérer utile pour connaitre le milieu social danslequel ils évoluent: la description de Dostoïevski citée plus haut, nous informe que cette pièce appartient à unpersonnage ayant des soucis d’argent.
Dans le roman de Flaubert , Madame Bovary, nous pouvons « subir » delongues périodes de description, de longs passages où il y a très peu d’actions.On peut comprendre ceci par le faitque le personnage de Mme Bovary elle-même s’ennuie.
L’auteur voudrait donc nous faire éprouver les sentiments deson personnage.Même si les auteurs réalistes se servent souvent d’illusions référentielles qui par définition, est un résultat d'un actede langage qui vise à faire paraître vrai, pour renforcer l’impression de réel, les descriptions sont tout de mêmesignifiantes.
En effet, rappelons que la description est utilisée depuis le début de la littérature : on décrivait deschoses, les plus souvent belles, dans le seul but de prouver que l’on savait bien écrire, c’est-ce qu’on appelle l’ekphrasis.
Mais les auteurs réalistes, en utilisant des représentations communes, ce qui peut provoquer cetteimpression de « carte postale » et en insistant sur les détails, créent un véritable effet de ressemblance: endécrivant une robe, ils peuvent nous faire comprendre que la femme qui la porte est riche et stupide.Un des autres moyens des réalistes pour imposer cette vraisemblance est d’utilisé des symboles à travers ladescription.
Prenons pour exemple Le Lys dans la vallée de Balzac : on assiste à l’élaboration de bouquets par leprotagoniste : les fleurs sont décrites précisément par de riches et longues descriptions durant plusieurs pages.
Unlecteur averti, qui arrive à passer outre la longueur de cette description peut alors voir le double sens qu’ellecomporte: au-delà de n’être qu’un simple bouquet, c’est en fait le symbole de la profonde sensualité de la relationqui unit les deux personnages principaux.
Ce symbolisme renforce non seulement le réel mais les descriptionspeuvent aussi évoquer, annoncer des indices utiles à l’intrigue du récit ou au dénouement.
La description ne seraitalors plus étrangère et « détachable » du reste du récit, s’harmonisant alors parfaitement avec la narration.De plus, le fait que Breton assimile les descriptions à une réalité brute peut être contredit.
En effet, elles peuventêtre, par leur symbolisme ou plus simplement par leurs termes, leurs rythmes, très poétiques.
Il existe même denombreuses descriptions dans la poésie, comme par exemple dans Le Dormeur du Val de Rimbaud : « C’est un troude verdure où chante une rivière/ Accrochant follement aux herbes des haillons/ D’argent; où le soleil, de lamontagne fière,/ Luit: c’est un petit val qui mousse de rayons.
» Les descriptions ne seraient donc pas « néant »puisqu’elles seraient vectrices d’émotions.Ensuite, nous pouvons démontrer une fonction didactique de la description, c’est-à-dire qu’elle pourrait transmettreun savoir.
En effet, les auteurs réalistes font souvent de nombreuses recherches pour rendre leurs romans plusvraisemblables: ainsi, Zola s’est beaucoup renseigné sur les mines, les habitudes des mineurs etc.
pour pouvoir nousdécrire avec la plus grande précision ce milieu dans son livre Germinal.Les descriptions permettraient alors de transmettre un savoir, que ce soit scientifique, historique etc.
De plus,certaines descriptions qui peuvent nous paraître superflues car trop techniques, trop détaillées, peuvent intéresserdes lecteurs étrangers : en lisant par exemple Maupassant, ils peuvent avoir un aperçu des us et coutumes deFrançais de l’époque.
Bien au-delà de n’avoir qu’une fonction ornementale, la description comporte aussi une fonction expressive, poétiqueet didactique.
Elle semble pouvoir s’insérer parfaitement à la narration et en être d’ailleurs un fidèle allié puisqu’ellepeut l’enrichir et imposer un rythme différent au récit.
Elle peut être agréable au lecteur qui se plairait à découvrirles sens qu’elle peut cacher.
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Dès lors, nous voyons bien qu’il existe un fort conflit autour de la description.Breton trouve la description inutile mais cependant, nous venons au contraire de prouver qu’elle avait des fonctionsdiverses.Breton tente alors de remédier à ce conflit en trouvant un compromis: la photographie, qu’il cite dans son Manifeste: « La photographie? Je n’y vois pas d’inconvénient ».En effet, dans son œuvre Nadja, il ajoute une cinquantaine dephotos à son récit, qui ont pour but « d’éliminer toute description », selon l’avant-dire .
La photographie s’avèrealors un bon substitut aux descriptions, elle semble objective et reflète évidemment la réalité.
Il les veut prise « surle vif » pour aboutir à une « analyse médicale […] qui tend à garder trace de tout […] sans s’embarrasser quant austyle ».Cependant, cette alternative montre tout de même bien l’importance de décrire, que ce soit avec des images ou desmots.
De plus, cette solution n’est bien sûr valable qu’à partir du moment où la photographie a fait son apparition,les descriptions du siècle passé semblent donc toujours inévitables.De plus, même en utilisant des photographies, Breton, dans Nadja utilise quand même des descriptions: « cesrondeaux de bois se présentent en coupe, peints sommairement par petits tas sur la façade, de part et d’autre del’entrée […] » Cette description qui est donc très réaliste prouve donc bien que la description est inévitable : ellepermet de ne perdre ni le lecteur ni l’auteur en les rattachant à des référents..
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