Entretien sur le Fils naturel: Quel est l’objet d’une composition dramatique?... C’est, je crois, d’inspirer aux hommes l’amour de la vertu, l’horreur du vice. Diderot
Publié le 19/03/2020
Extrait du document
« Quel effet cet art [il s’agit de la pantomime], joint au discours, ne produirait-il pas? Pourquoi avons-nous séparé ce que la nature a joint? A tout moment, le geste ne répond-il pas au discours ? »
(« Second entretien »)
«la bonté nous est plus indivisiblement attachée que la méchanceté et... en général, il reste plus de bonté dans l’âme d’un méchant, que de méchanceté dans l’âme des bons. »
(« Deuxième entretien »)
«MOI — Ainsi vous voudriez qu’on jouât l’homme de lettres, le philosophe, le commerçant, le juge, l’avocat, le politique, le citoyen , le magistrat, le financier, le grand seigneur, l’intendant.
dorval. — Ajoutez à cela toutes les relations : le père de famille, l’époux, la sœur, les frères. Le père de famille ! Quel sujet, dans un siècle tel que le nôtre, où il ne paraît pas qu’on ait la moindre idée de ce qu’est un père de famille!
Songez qu’il se forme tous les jours des conditions nouvelles. Songez que rien, peut-être, ne nous est moins connu que les conditions, et ne doit nous intéresser davantage. Nous avons chacun notre état dans la société; mais nous avons affaire à des hommes de tous les états.
Les conditions ! Combien de détails importants, d’actions publiques et domestiques, de vérités inconnues, de situations nouvelles à tirer de ce fonds ! Et les conditions n’ont-elles pas entre elles les mêmes contrastes que les caractères? et le poète ne pourra-t-il pas les opposer?» («Troisième entretien»)
«dorval. — Pour juger sainement, expliquez-vous. Quel est l’objet d’une composition dramatique?
moi. — C’est, je crois, d’inspirer aux hommes l’amour de la vertu, l’horreur du vice.
dorval. — Ainsi, dire qu’il ne faut les émouvoir que jusqu’à un certain point, c’est prétendre qu’il ne faut pas qu’ils sortent d’un spectacle trop épris de la vertu, trop éloignés du vice. Il n’y aurait point de poétique pour un peuple qui serait aussi pusillanime. Que serait-ce que le goût, et que l’art deviendrait-il, si l’on se refusait à son énergie, et si l’on posait des barrières arbitraires à ses effets?»
«
13 • DRAME BOURGEOIS (et moralité) / 99
que Dorval transpose cette réalité dans son drame
Le Fils
naturel.
L'intérêt de ces Entretiens est surtout, pour nous
autres modernes, l'éloge qui est fait de la pantomime
utilisée pour rendre plus expressif
Je dialogue.
Bien que la
pièce de Diderot,
Le Fils naturel, ne remplisse pas vrai
ment les promesse énoncées dans
Je manifeste, des remar
ques comme celles qui suivent préfigurent le
« théture to
tal»
d'un Jean-Louis Barrault:
« Quel effet cet art [il s'agit de la pantomime], joint au
discours, ne produirait-il pas? Pourquoi avons-nous sé
paré ce que la nature a joint? A tout moment, le geste
ne répond-il pas au discours?
» («Second entretien»)
Le troisième Entretien met l'accent sur l'originalité de ce
nouveau genre dramatique, par opposition avec les genres
traditionnels comme la tragédie, la tragi-comédie
et la ·
comédie.
Genre intermédiaire entre tragédie
et comédie,
le
«drame», selon la nomenclature adoptée par Diderot,
se caractérise comme une
« comédie dans le genre sé
rieux»,
susceptible de déclencher un « comique sérieux»;
mais Diderot désigne ce drame aussi bien comme une
« tragédie domestique» ou encore une « tragédie bour
geoise».
Comme on le voit, la terminologie demeure quel
que peu flottante mais se conçoit mieux selon que l'on
penche du côté de la comédie ou de la tragédie pour
envisager l'un ou l'autre versant du drame.
Ce drame se démarque de la tragédie classique pour au
tant que sa fonction n'est nullement de provoquer les
effets, sur
Je spectateur, qu'Aristote, Je philosophe grec
qui en a fait la théorie au
IVe siècle avant notre ère,
signale comme
étant la crainte et la pitié; quant à la tragi
comédie, Diderot-Dorval lui reproche son défaut
d'unité:
elle se borne à conjoindre des contraires sans les unir; le
rire bruyant et grossier de la comédie n'est pas non plus
du goût de Dorval.
De fait, le modèle qui se propose est
celui du poète comique latin Terence (lie siècle avant
Je
Christ), appréciable par sa finesse et son bon goût.
Le Fils
naturel de Diderot comporte un sous-titre significatif:
l'épreuve de la vertu.
Diderot précise encore que l' « on.
»
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