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Enjeux du recueil Alcools La structure de l'oeuvre

Publié le 28/12/2020

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Les enjeux du recueil Le premier enjeu STRUCTURE ET COMPOSITION Le recueil d’Alcools compte quarante-deux poèmes. A titre de comparaison, on en compte cent quarante-six dans Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire (1821-1867), édition 157, et vingt et un dans Les Yeux d’Elsa d’Aragon. : on peut donc faire plus expansif mais aussi plus resserré. Si l’on cherche une logique ou une structure au recueil, il convient de d’abord de définir son angle de lecture, qui, à la manière d’un tableau cubiste, peut se regarder de plusieurs points de vue et avec plusieurs champs de profondeur possibles. A. Une structure inversée On pourrait être tenté d’abord par une construction en miroir :à la chronologie de la parution individuelle de chaque poème- dans diverses revues littéraires, comme nous l’avons vu- correspond l’ordre quasi inverse de la hiérarchisation du recueil, comme si de deux ordres, celui du temps vécu et celui du temps symbolique, le lecteur était mis en demeure de choisir. Alors on pourrait en déduire que le recueil s’ouvre sur le poème qui est chronologiquement le plus proche du lecteur « Zone », »Le Pont Mirabeau », poèmes de la contemporéanité avec le lecteur— pour aller creuser au fil de la lecture de plus en plus profond, dans l’archéologie émotionnelle du poète, jusqu’à »Clair de lune », premier poème du recueil primitif et jusqu’aux « Rhénanes »,pourtant aux prémices de ce qui deviendra notre recueil. Ainsi, plus on s’avance dans le recueil, plus on s’éloigne du présent. Cette première structure paradoxale nous ferait commencer aujourd’hui par la fin, rendant cette dernière vite caduque, au fil de la lecture. A l’inverse, l’éloignement de la chronologie ne signifie pas l’amnésie ni la relégation, et la poésie se confond ainsi avec le projet mémoriel qui se fait fort de réconcilier l’individu avec son expérience vécue. La poésie, en tant que retranscription, sauve de l’obsolescence des poèmes de jeunesse, « l’ermite », « Rhénanes », « clair de lune », « vendémiaire », sur lequel se clôt le recueil. En fin de recueil, loin d’être caduque, la jeunesse, serait finalement retrouvée. La drôle d’architecture du recueil, en forme de tour de passe-passe, permet ce qu’un contemporain fameux d’Apollinaire appelera « Le temps retrouvé ». Il s’agit de Marcel Proust, naturellement. B. Une structure variable La construction du recueil présente une subtilité supplémentaire, le décompte des poèmes qui va de quarante-deux à soixante-cinq diverge selon qu’on prend en compte les sections ou, autrement dit, les poèmes qui eux-mêmes constituent un attelage de plusieurs pièces : »La chanson du mal-aimé », « Le brasier », « Rhénanes », « Fiançailles » qui se présentent respectivement comme des parenthèses de sept, trois, neuf et neuf poèmes. Qu’on y voie un cache cache ludique(sous forme de jeu, ludus, ludi, m en latin) avec le lecteur qui peut trouver des poèmes supplémentaires dans le poème annoncé, en un recouvrement pudique de certains poèmes dans un intitulé, deux observations s’imposent : d’une part, les poèmes groupés se forment à l’occasion des publications les plus primitives- « La Chanson du mal –aimé », « Rhénanes » apparaissant dès les premiers projets du recueil, et il semble par ailleurs que l’effet de tiroir, c’est-à-dire de poèmes dans le poème, s’intensifie, au fil du recueil composé. La lecture du recueil est alors plus que jamais cubiste : tout dépend du point de vue adopté par le lecteur , qui choisira de s’en tenir au titre du poème ou bien d’aller plus profondément à l’intérieur des poèmes où il choisira soit d’en faire de simples composantes d’un même poème décliné, par exemple lire toutes »Les Rhénanes « comme une seule-ou bien d’autonomiser chaque texte pris comme un poème chaque fois. Le lecteur sera tantôt fort d’un poème disloqué, tantôt fort de neuf poèmes agglomérés.

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Une structure logique ? Il est tentant de chercher une logique transversale à l’intérieur de notre ensemble de poèmes : des périodes amoureuses – comme on a pu parler, pour les Fleurs du mal (1857) d’un « cycle Madame Sabatier », l’on parlerait d’un cycle Marie Laurencin chez l’Apollinaire d’ Alcools : à Marie Laurencin la modernité de « Zone » ou d’un » Pont Mirabeau » et à Annie Playden la mélancolie de « La Chanson du mal-aimé », d’ »Annie » et de « L’émigrant de Landor Road » ? Mais alors, il faut interpréter, au moment de constituer le recueil, le choix du poète de dissocier ce qui semblait mû par la même veine : dans le recueil »La Chanson du mal-aimé »puis « Annie » arrivent très vite, tandis qu’il faut atteindre sa seconde moitié, peu avant « Les Rhénanes »pour trouver « L’ émigrant de Landor Road » :est-il pertinent de parler encore de « cycle » quand les éléments censés le former se trouvent ainsi dispersés ? Passées ces deux premières tentatives, visiblement vaines, de schématisation du recueil, il faut alors penser à une autre structuration encore.

Certains ont tenté des associations thématiques pour esquisser des « périodes » :l’Apollinaire de la période mélancolique, d’inspiration symboliste verlainienne (-« La Chanson du mal-aimé », « Crépuscule », « automne », puis la période allemande » Rhéananes » ? Cela semble peu tenable quand on sait le goût d’Apollinaire pour les syncrétismes (combinaisons, mélanges d’éléments disparates)- comme dans « Marizibill » d’apparence germanique- évoquant la ville de Köln/Cologne- mais qui dans le deuxième quintil nous amène à Shanghaï.

D’autres ont engagé une mise en ordre thématique , en ne retenant que les annonces faites dès les titres, distinguant ainsi les poèmes spatiaux « « Le pont Mirabeau », « La Sant é », « palais, « la maison des morts », des titres en forme de prénoms féminins ou bien se référant à des figures féminines, réelles ou mythologiques – « Annie », « Marie », « Clotilde », « Salomé », « Marizibill », « la tzigane », « Rosemonde », « la dme », « La Lorelei » .Qu’en déduire, sinon que plus on avance dans le recueil, moins l’onomastique se maintient au profit de groupes nominaux au référent de plus en plus légendaire »Annie », « Clotilde » et « Marie » devenant »la tzigane », « la Lorelei » ou « la dame », pourtant démenti immédiatement au plan des localisations- : l’effet de réel »le Pont Mirabeau »se retrouve en toute fin de recueil avec « A la santé », centre pénitentiaire de Paris dont le nom parle à tous les Parisiens au moins, capables dès le titre d’en cartographier le contenu là encore.

Le réel que l’on croyait comme recouvert par le légendaire n’a pas même vraiment disparu. Autre exemple de leurre qui coupe court à une structuration du recueil : se fonder sur l’énonciation pour distinguer les poèmes et croire trouver u ne période du »je » explicite où le poète s’assumerait : » Je flambe dans le brasier », « Je n’ai plus même pitié de moi », »J’ai le courage », « J’observe le repos du dimanche » qui donne l’impression de s’imposer en fin de recueil, succédant à une période supposée plus objective et plus distanciée où les notions et les circonstances auraient été comme propulsées, mues par elles-mêmes seulement : »Zone, »chantre », « crépuscule », « automne » sans même un article pour former le groupe nominal.

Et pourtant, même dans ces poèmes censément débarrassés du « je » du poète, l’introspection personnelle ne manque pas de surgir très vite : vers 15 »J’ai vu ce matin ». D.

La gageure d’une structure libre Il semble que c’est l’impasse pour qui voudrait séquencer : Alcools ne contient certes pas les six sections bien pratiques auxquelles Baudelaire nous avait habitués : »Spleen et idéal », »Tableaux parisiens », « le vin », « les Fleurs du mal », « Révolte », « la mort ».Pourtant, le recueil, sans comporter de rubrique, n’en est pas pour autant exempt de logique. Discerner des séquences thématiques, des cycles et des phases au sein de ce recueil très densément construit permet paradoxalement d’en faire ressortir la cohérence insoupçonnée : en fait, dès le départ, dans chaque poème, et ce durablement, différentes thématiques et différentes. »

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