en quoi Pasolini, revisite-t-il le personnage d'Oedipe dans son film ?
Publié le 04/02/2016
Extrait du document
«
est « le meilleur des humains » aux dires du Prêtre.
Durant quinze ans, il est le roi
légitime, incontesté de Thèbes, qui le considère comme son « sauveur ».
Il est l’époux de
Jocaste, Œdipe est enfin un mari heureux avec quatre enfants auxquelles il fait des
adieux pathétiques au dénouement.
Compatissant envers les malheurs de son peuple,
Œdipe se montre conscient de ses devoirs et de ses responsabilités.
Lorsque la maladie
frappe Thèbes de plein fouet, ses sujets lui font comprendre que cette punition divine
vient du fait que l’assassin de Créon n’a pas été puni.
Ses qualités font de lui un héros
ainsi sa chute n’en sera que plus rude.
Alors que dans le montage du film, on lie
l’apparition de la peste à son mariage incestueux.
Œdipe n’en est donc qu’au début de
son règne.
Son union avec Jocaste le rend manifestement heureux, du moins jusqu’à la
découverte de la vérité.
En revanche, Pasolini ne fait pas de lui un père : il n’y a pas la
moindre allusion à ses quatre enfants.
Dans l’épilogue, c’est Angelo, qui n’a aucun lien de
parenté avec lui, qui prend la place d’Antigone.
Comparé à l’Œdipe de Sophocle, le
personnage de Pasolini ne possède donc pas de qualités particulières.
À l’inverse de son
lointain ancêtre, il est un anti-héros.
Le film montre un tout autre personnage.
Tant dans la pièce que dans le film, Œdipe est un homme en quête de ses
origines.
Mais si cette quête est la même dans son principe et dans son dénouement, elle
diffère dans ses modalités et peut-être même dans ses motivations.
Le dramaturge dote
son héros d’une inquiétude existentielle.
« De qui suis-je le fils ? » -t-il à Tirésias, qu’il
force littéralement à parler.
Œdipe mène son enquête contre l’avis de Jocaste, qui fait
tout pour l’en détourner : « Ah ! Puisses-tu jamais n’apprendre qui tu es », lui dit-elle.
Lui-même d’ailleurs se trompe sur ses intentions : « Eh ! Qu’éclatent donc tous les
malheurs qui voudront ! Mais mon origine, si humble soit-elle, j’entends, moi la saisir.
Dans son orgueil de femme, elle rougit sans doute de mon obscurité : je me tiens, moi,
pour fils de la Fortune ».
C’est cet orgueil qui le fait rechercher les témoins de l’assassinat
de Laïos.
Son obstination à connaître la vérité provoque sa perte : « Je me révèle le fils de
qui je ne devais pas naître, l’époux de qui je ne devais pas l’être, le meurtrier de qui je ne
devais pas tuer ! » Face au Sphinx, il était l’homme qui savait et ce savoir lui procura la
puissance.
Par un retournement de situation propre à la tragédie, ce même savoir le
précipite dans l’abîme.
Chez Pasolini, le processus est inverse.
Longtemps son Œdipe fait
tout pour ne pas savoir.
Le Sphinx lui pose une question radicalement différente de celle
fixée par la tradition : « Il y a une énigme dans ta vie.
Quelle est-elle ? » La question ne
porte plus sur les caractéristiques de la condition humaine mais porte sur la seule
personne d’Œdipe.
Celui-ci lui répond qu’il ne veut rien savoir, qu’il ne veut rien
entendre.
Par la suite, il ne croit ni Tirésias ni Créon, qui brandit un carton sur lequel est
écrit qu’Œdipe veut ignorer sa culpabilité.
Créon lui dira : « Ce qu’on ne veut pas savoir
n’existe pas.
Ce qu’on veut savoir existe ».
C’est clairement laisser entendre qu’Œdipe
enfouit ses soupçons au plus profond de lui-même, qu’il veut mener son existence
comme si de rien n’était.
Quand, dans la seconde partie de l’histoire d’Œdipe, Pasolini
suit la pièce de Sophocle, Œdipe se trouve certes contraint de mener l’enquête sur ses
origines.
Mais il aura tout fait auparavant pour l’éviter.
Le savoir le rattrape en quelque
sorte.
Le personnage de Pasolini mène une enquête en ne voulant pas connaître la vérité.
Dans les deux œuvres, Œdipe est incestueux, et parricide.
Œdipe l’est
obligatoirement : la parole oraculaire le condamne inexorablement à le devenir.
Est-il
pour autant coupable ? La question se pose aussi bien dans la pièce que dans le film.
Le
dramaturge et cinéaste y apportent des réponses différentes.
Chez Sophocle, parricide,.
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