En quoi le valet est-il le maître du jeu au théâtre ?
Publié le 26/09/2010
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Au début du XVIIème siècle, des troupes italiennes voyagent à travers l’Europe et diffusent leur art théâtral, un art fondé sur l’improvisation. Ce nouveau genre, qui repose principalement sur le comique burlesque, est particulièrement apprécié par le public français. Certains écrivains français comme Molière, vont d’ailleurs collaborer avec la troupe de Tiberio Fiorelli au théâtre du Palais-Royal, troupe inventrice du célèbre personnage Scaramouche, un valet vantard et fanfaron. Molière, Marivaux, ou encore Beaumarchais vont s’inspirer de ce personnage et faire apparaître dans leurs pièces maître et valet. La relation entre ces deux personnages au statut hiérarchique opposé va s’avérer ambiguë : le valet va prendre l’avantage sur un maître souvent rendu ridicule. Ainsi, en quoi le valet est-il le maître du jeu au théâtre ? Dans une première partie, nous étudierons le jeu scénique du disciple ainsi que son rôle majeur dans l’intrigue. Puis, nous étudierons le personnage du valet subversif, qui toutefois accepte sa condition. Enfin, nous analyserons l’image du serviteur révolutionnaire, révolté contre sa condition, et porte parole des idées socio-politiques de l’écrivain.
«
vengeance de son maître.
Humilié devant tout un auditoire, Géronte laisse sa place de maître à son valet et devient ridicule aux yeuxdu spectateur. Le personnage du valet conseiller, et du valet subversif ridiculisant son maître, ne remettent pas en cause l'ordre social et neprotestent pas contre leur condition de serviteur qu'ils acceptent, certains d'entre eux sont plus agitateurs.
Certains domestiques inversent les rôles de manière plus explicite et affrontent directement leur maître : les valetsrévolutionnaires.Personnage ambivalent, le valet adopte parfois un comportement d'esclave mal soumis, faisant clairement ressentir à son maitre sasoif de liberté.
Souvent oppressé par le pouvoir abusif et tyrannique de son maître, il arrive au disciple de se rebeller vivement contreun supérieur jugé trop autoritaire.
On retrouve cette caractéristique du valet indocile dans la pièce intitulée Une tempête d'Aimé Césaire, réécriture de la tempête de William Shakespeare.
Aimé Césaire met en scène un esclave prénommé Caliban, qui va littéralement se révolter contre son maître Prospero, maître le privant bien évidemment de toute liberté.Oubliant les châtiments qu'il encoure, Caliban va prendre la place du dominant, notamment dans la scène V de l'acteIII.
Son désir d'émancipation se manifeste tout le long de sa tirade.
N'hésitant pas à critiquer ardemment tous lestraits de caractère du mage dont il est victime, Caliban va établir l'éducation de Prospero et extérioriser sa rage,rage conséquente de son envie immédiate de liberté.
Dépassant toutes limites, l'esclave va même user desimpératifs comme le démontre l'expression ‘'tiens, regarde !'’ pour soumettre son supérieur hiérarchique à ses ordres.Cette image paradoxale d'esclave-dominateur est également présente dans l'île des esclaves de Marivaux.
L'île dont il est question est un lieu utopique où peut avoir lieu l'inversion sociale qui donne la parole aux opprimés, et permetdonc à l'esclave Arlequin d'établir une leçon moralisatrice à son maître.
Les paroles du nouveau maître sontcaractérisés par la présence du champ lexical de l'autorité : ‘'je veux te faire le commandement'’, et par l'usagerépété d'injonctions exagérées.
Dans la scène IX, Arlequin va profiter de la situation et parodier l'autorité abusive deson maître. Cette inversion des rôles maître-esclave est surtout un moyen pour l'auteur d'exposer ses différentesopinions socio-politiques et de militer contre les injustices dont son personnage le valet est victime.
Le serviteurprend alors la place de représentant idéologique de l'écrivain.
L'opprimé permet par exemple à Aimé Césaire d'exposerles valeurs de la négritude : la revendication de l'identité noire et sa culture.
En effet, par l'intermédiaire du révoltéCaliban, Césaire peut émettre une critique virulente de l'esclavage, et exposer ses idées liées à l'anticolonialisme.Prospero est le stéréotype même du colon tyrannique, colon qui incarne les valeurs contre lesquelles va se souleverCaliban.
Au cours de sa longue tirade, le ton polémique et vindicatif du disciple dénonce la colonisation, pratiquequ'il va d'ailleurs remettre en cause.
Des expressions comme ‘'mon île'’ ou ‘'ma liberté'’, marquées par l'usage dupossessif, soulignent la propriété de l'esclave, une propriété injustement volée par les colonisateurs qu'il vafortement blâmer par la suite.
L'appellation péjorative ‘'mecs'’ précédé du démonstratif ‘'ces'’ révèle l'avis dépréciatifde Caliban envers les colons.
Enfin, il va ordonner à son maître de ‘'rentrer en Europe'’ et de ‘'foutre le camp'’.
Cettefonction de porte parole des idées de l'écrivain est également présente dans le mariage de Figaro de
Beaumarchais.
Figaro, personnage inventé par Beaumarchais, est un valet vif,
provocateur, insolent, et défiant son maître d'égal à égal.
Dans l'acte V scène 3,
Figaro s'élance dans le plus long monologue de l'histoire du théâtre français et
va
se rebeller contre sa condition de valet, une condition qu'il n'accepte plus.
Cette
longue tirade retrace la vie de Figaro et informe le lecteur sur les différents
métiers exercés par le personnage en dehors de celui du valet, comme la
profession de barbier puis de concierge.
Ce signe d'émancipation s'ajoute à
celui du mariage souhaité du valet, qui représente une nouvelle fois l'auto
affranchissement de Figaro.
Le valet va construire son discours autour d'une
ponctuation très expressive, qui traduit son incontestable colère, et remettre en
cause son injuste situation hiérarchique ainsi que celle de son maître.
Il va faire
une critique du privilège de la naissance : ‘'vous vous êtes donné la peine de
naître, et rien de plus.'’ Le valet permet donc à Beaumarchais de contester la
société inégalitaire du XVIII siècle, et devient alors le miroir idéologique de
l'écrivain.
A travers notre analyse, nous avons étudié la place du valet au théâtre qui
s'impose incontestablement comme le maître du jeu.
Le serviteur, caractérisé
par son importante présence scénique en représentation théâtrale, le place au
devant de l'estrade et le fait personnage principal.
Son influence majeure sur
l'action nous a permis de soutenir notre argument exposé en première partie..
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