En étudiant les scènes de Britannicus dans lesquelles parait Narcisse, vous montrerez par quel travail de création psychologique et dramatique Racine, en modifiant ses sources, a inventé l'un des personnages essentiels de sa pièce.
Publié le 17/02/2011
Extrait du document

Racine passe souvent pour un excellent imitateur des anciens auteurs tragiques ou historiens, et il s'est donné pour tel. Mais il tient aussi à défendre la liberté du dramaturge à l'égard de l'histoire : il lui suffit que dans la tragédie les personnages célèbres apparaissent « conformes à l'idée que nous nous en faisons «. Quant aux personnages peu connus de l'histoire comme Hermione, ou du public, comme Narcisse, ils sont pour lui une occasion de manifester son génie créateur. Ce sont souvent ses plus belles réussites.

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Du moment que Néron veut secouer le joug de ses anciens conseillers et protecteurs, tout en étant encoreincapable de gouverner seul, il y a une place à prendre pour un favori ambitieux.
Avec Agrippine Narcisse ne peutruser.
Mais auprès du naïf Britannicus, il se comporte en agent provocateur et en espion cynique.
III.
- L'AFFRANCHISSEMENT DE NÉRON PAR NARCISSE (II, 2)
Néron ne sait pas qu'il peut facilement s'affranchir de ses craintes : peur de sa femme Octavie, de sa mèreAgrippine, de son précepteur Burrhus, de l'opinion des Romains, du jugement de sa conscience.
Mais Narcisse voit le parti qu'il pourra tirer de cette toute-puissance encore latente, à condition de la libérer.Au début de la scène, il est un peu surpris par l'annonce que « Néron est amoureux » (382).
Mais un bon courtisandoit toujours se conformer aux humeurs du maître pour détourner ces forces à son profit.
Pi abord Narcisse se tait,ou questionne sans se compromettre.
Puis il sent qu'en excitant la jalousie amoureuse (et politique) de Néron contreBritannicus, il tiendra son maître à sa merci.
Il a gagné lorsqu'il s'écrie :
Vous? Et de quoi, Seigneur, vous inquiétez-vous? (446)
puis :
Quoi donc! qui vous arrête? (460)
Maintenant c'est lui le maître : il présente le vice sous un aspect facile, aimable; il balaye avec assurance lesobjections d'un indécis.
Tenu par sa peur, Néron se livre à son confident qui lui suggère les solutions :
Que tardez-vous, Seigneur, à la répudier? (474)
Un bon raisonnement à la manière de Tartuffe vaincra tous les scrupules.
Mais la puissance d'Agrippine inquièteencore Néron.
Narcisse n'aura rien fait s'il ne brise pas cet obstacle.
Il pique l'amour-propre de Néron :
N'êtes-vous pas, Seigneur, votre maître et le sien? (490)Vous verrons-nous toujours trembler sous sa tutelle?Vivez, régnez pour vous : c'est trop régner pour elle.Craignez-vous...Mais, Seigneur, vous ne la craignez pas.
Les points de suspension qui suivent « Craignez-vous, » et qui correspondent à un geste de Néron, montrent queNarcisse a gagné la partie parce qu'il a su s'adapter (congruere) en flattant, en guettant toutes les nuances dessentiments de Néron.Narcisse est devenu plus influent qu'Agrippine.
Une fois de plus, son ambition criminelle et cynique se donnera librecours :
La fortune t'appelle une seconde fois, (757)Narcisse ; voudrais-tu résister à sa voix?Suivons jusques au bout ses ordres favorables ;Et pour nous rendre heureux, perdons les misérables.
Ce dernier vers exprime bien la psychologie du criminel endurci qui ne connaît que sa passion et méprise sesvictimes.
Toutefois, dans la réalité, les méchants s'expriment peut-être d'une façon plus brutale, plus brève etinstinctive.
IV.
- LE CHEF-D'ŒUVRE DE NARCISSE
A la scène 4 du quatrième acte, Narcisse a affaire à forte partie : Agrippine et Burrhus, malgré leur maladresse, ontrepris l'avantage.
Narcisse se trouve ramené à son point de départ.
Il est même menacé de disgrâce s'il échoue.Par son arrivée l'atmosphère est renouvelée :
Seigneur, j'ai tout prévu pour une mort si juste (1391).
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