En analysant cette page de « Madame Bovary », vous tenterez d'apprécier le talent de Flaubert romancier.
Publié le 11/09/2014
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«
FLAUBERT 205
reproduire dans sa vérité pittoresque le spectacle quotidien de la vie courante.
A travers les gestes, les attitudes, les propos des personnages, il nous fait entrevoir leur caractère, les sentiments
qui les animent et qui éclairent leur conduite.
Cette page si
banale à première vue présente ainsi un triple intérêt : pittoresque,
psychologique et dramatique.
1.
LA PEINTURE PITTORESQUE
Écrivain réaliste, Flaubert s'attache à observer et à décrire
des détails, insignifiants en apparence, que beaucoup de romanciers
jugeraient bon de passer sous silence.
Il énumère les voyageurs
qui successivement descendent de la diligence.
li s'attarde sur tout à décrire Madame Bovary qui, dans la cuisine de l'auberge,
présente à la flamme du foyer ses pieds transis.
Mais à ces détails
insignifiants il donne une valeur pittoresque : il met en valeur la
qualité originale que prend chez un être le comportement le
plus banal.
Il nous fait voir le geste d'Emma qui de l'extrémité
de ses deux doigts, avec une élégance qui n'est pas dénuée de
recherche, relève délicatement sa robe : pour en suggérer la
lenteur il en évoque les temps successifs ; le rythme de la période
qui progresse sans hâte, avec des pauses régulières à chaque virgule, contribue fortement à accuser la même impression.
Ce dessinateur est aussi un coloriste.
Voilà pourquoi il évoque
avec justesse la grande clarté que projette sur la jeune femme le foyer qui s'embrase sous l'effet d'un souffle de vent.
Il en note à la
fois l'intensité et la nuance (c'est une «grande couleur rouge»), le caractère intermittent.
li précise surtout la crudité de cette
lumière frisante qui vient de bas en haut et qui en frappant ainsi obliquement accuse tous les reliefs : la trame de la robe
et les pores de la peau.
La note discrète de caricature n'est pas non plus absente du tableau.
L'écrivain note la dissonance
entre le geste un peu précieux d'Emma et le cadre prosaïque où elle fait des grâces : c'est au-dessus du gigot qui tourne qu'elle tend élégamment son pied à la flamme.
II.
L'INTÉRÊT PSYCHOLOGIQUE
Mais la qualité pittoresque du tableau est inséparable chez
Flaubert de l'intérêt psychologique.
S'il restitue avec tant d'exac
titude et de relief Je comportement des personnages, c'est que
ce comportement révèle leur caractère et leurs sentiments.
On aurait pu trouver superflu le soin qu'apporte !'écrivain à nous.
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