ELSKAMP Max : sa vie et son oeuvre
Publié le 06/12/2018
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ELSKAMP Max (1862-1931). Poète belge né et mort à Anvers, ville où il a passé toute son existence, en riche désœuvré, dilettante, amoureux de folklore et de poésie. Une grande partie de son œuvre est imprégnée de sa ville natale, transposée en paysage de l’enfance : c’est dans ce « décor » que se déroule la vie du petit peuple flamand, chantée pour la première fois dans nos lettres.
Dès 1892, Elskamp a trouvé son sujet et sa manière. Les titres de ses minces plaquettes, toutes publiées à très faible tirage, indexent d’emblée une écriture à la fois ingénue et raffinée. Ce seront successivement Dominical (1892), chant des beaux dimanches et des cœurs candides, Salutations, dont d'angéliques (1893) et ses litanies imagées, En symbole vers l'apostolat (1895), et Six Chansons de pauvre homme pour célébrer la semaine de Flandre (1895), hymnes des joies et des merveilles de la terre :
Un pauvre homme est entré chez moi Pour des chansons qu'il venait vendre, Comme Pâques chantait en Flandre Et mille oiseaux doux à entendre...
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décor » que se déroule la vie du petit peuple flamand,
chantée pour la première fois dans nos lettres.
Dès 1892, Elskamp a trouvé son sujet et sa manière.
Les titres de ses minces plaquettes, toutes publiées à très
faible tirage, indexent d'emblée une écriture à la fois
ingénue et raffinée.
Ce seront successivement Dominical
(1892), chant des beaux dimanches et des cœurs can�i
des, Salutations, dont d'angéliques ( 1893) et ses litames
imagées, En symbole vers l'apostolat (1895), et Six
Chansons de pauvre homme pour célébrer la semaine de
Flandre (1895), hymnes des joies et des merveilles de la
terre :
Un pauvre homme est entré chez moi
Pour des chansons qu'il venait vendre,
Comme Pâques chantait en Flandre
Et mille oiseaux doux à entendre ...
Enluminures, enrichi de miniatures de l'auteur, vient
couronner ce premier cycle en 1898.
II s'agit en effet
d'un ensemble très homogène, où chaque recueil forme
un long poème aux motifs étroitement entrelacés; c �tte
unité apparaîtra clairement lorsque les quatre premters
seront réunis, la même année, sous 1' enseigne évocatrice
de la Louange de la vie.
Elskamp se tait ensuite pendant vingt-trois années, se
vouant apparemment à ses seules études et collections
folkloriques; il publiera dans ce domaine l'Alphabet de
Notre-Dame la Vierge ( 1901 ), un admirable album de
bois gravés, ainsi que les Commentaires et l'Idéographie
du jeu de loto dans les Flandres (1914).
Dans les huit plaquettes qui paraissent coup sur coup
de 1921 à 1924, de larges pans, poétiques et graphiques
tout ensemble, remontent cependant aux années antérieu
res· ce sera le cas également des nombreux vers inédits
tro �vés à sa mort, imprimés en partie suivant ses derniè
res volontés.
Elskamp reste fidèle à la forme et à la
mélodie de sa première période, encore que l'inspiration
se révèle cette fois plus composite; on perçoit également,
à côté de beaucoup de thèmes repris et d'images déjà
familières, un aveu plus direct.
Les Chansons désabusées
(1922) et Maya ( 1923) expriment la lassitude de vivre et
l'amertume des déceptions, en faisant re vi v re entre
autres les souvenirs nostalgiques d'un amour de jeu
nesse.
D'autres volumes continuent la thématique ini
tiale, mais en la particularisant : les Délectations moro
ses ( 1923), Chansons d'amures (1923), Remembrances
(1924), Aegri somnia (1924).
Il faut mentionner à part la
Chanson de la rue Saint-Paul (1922), imprimée pour
quelques intimes seulement, sorte d'album de famille,
plein de tendresse, où le poète parle sans apprêt de son
amour pour les siens, qui ont disparu, de la maison où il
a passé ses premières années et du Calvaire, tout proche :
Mon Dieu qui mourez à Saint-Paul
Un peu autrement que les autres ...
C'est vous là-bas dans les lointains
Des matins bleus de mon enfance ...
Enfin, 1 'œuvre graphique est couronnée par Je ?"ès
précieux Sept Notre-Dame des plus beaux métters
(1923), nouvelle célébration des labeurs paisibles et de
la vie sereine des anciens artisans.
Si Elskamp eut droit, de son vivant du moins, à si
peu de notoriété, ce fut surtout le résultat d'un choix
personnel.
Ne cherchant nullement la reconnaissance du
public, il s'adressait exclusivement à une élite, celle de ses
confrères; la vie solitaire qu' i 1 menait dans sa pro
vince, à J'écart des luttes esthétiques, en marge de l'évé
nement et de la faune littéraires de son époque, procède
d'une réserve naturelle.
De cet isolement de l'homme,
on est tenté de rapprocher le mouvement de retraite opéré
dans l'œuvre, refuge intemporel où transparaissent à
peine encore les tourments et les inquiétudes du siècle.
C'est ainsi qu'Anvers, une ville cosmopolite, puis
sante et opulente, devient sous sa plume « la cité très
port de mer » balayée par le vent du large, à la rade
peuplée de voiliers.
Elskamp, en effet, ne retient de sa
ville qu'une portion choisie, située tout près du fleuve,
et après l'avoir idéalisée comme un bourg ancien de
mille âmes : un où la vie s'assoupit, où
J'atmosphère est légendaire et comme ouatée.
Acte de
commémoration et retour aux sources de l'innocence,
la poésie va inscrire dans ce mirage la vie populaire,
empreinte d'amour et de paix évangéliques : au-delà des
philosophies, Elskamp se refait ainsi, non sans accents
mélancoliques, « une âme simple des anciens jours>>.
Convenons d'ailleurs, malgré les tentations d'un certain
biographisme, que la longue quête spirituelle de
l'homme et même sa rencontre avec le bouddhisme ne
semblent guère avoir la-issé de traces.
Aussi, l'enfantine
mythologie des anges et des madones votives apparaît
elle pour souligner les aspects pittoresques du culte; rites
et croyances reflètent l'humble ferveur du .
La langue d'Elskamp est une création unique.
Là où
l'on a souvent songé à des archaïsmes ou à des calques
du néerlandais, il y eut en réalité un style.
La musique
frêle reprise aux cantiques, aux vieilles complaintes, ron
des et ritournelles s'asservit un phrasé synthétique aux
effets inattendus : ablatifs absolus, inversions, ellipses
du déterminatif ou du verbe, particules d'attaque, che
vauchement de catégories grammaticales et autres tours
confèrent à l'expression une grande intensité.
L'ensem
ble donne une impression à la fois de spontanéité et de
dépaysement, participant du courant anti-intellectualiste
qui traverse la poésie de cette fin de siècle.
L'émotion
discrète qu'elle engendre n'en est pas moins Je fruit d'un
travail savant.
Elskamp, pour transformer ses livres en
de précieux bibelots, ne se faisait-il pas son propre ima
gier et typographe? L'artisan sait pourtant éviter l'arti
fice cultivé par nombre de ses contemporains, pour
atteindre au dépouillement véritable; le balbutiement
naïf de sa > prend ainsi sa valeur
de sa parfaite convenance au sujet de prédilection -Je
peuple, lui aussi avare de mots.
Enfin, attirons 1 'attention
sur le caractère visuel de l'œuvre : plutôt que de symbo
les ou d'analogies, le poète -comme Je graveur -
se sert d'emblèmes et d'images aux lignes claires, aux
contours bien tracés.
Elskamp, l'enlumineur lyrique,
chante plus qu'il ne dit, dit plus qu'il ne signifie.
[Voir
aussi BELGIQUE.
Littérature d'expression française.)
BIBLIOGRAPHIE Éditions.
-Œuvres complètes, Paris, P.
Seghers, 1967; Chan
sons et enluminures, Bruxelles, 1.
Anto ine , 1980; la Louange de
la vie [ch oix de poèmes] , La Différence/Orphée, 1990.
A con su lt e r.
- Jean de Bosschère, Max Elskamp, Paris, Biblio
thèque de l'Occident, 1914; Rob ert Guiette, Max Elskcmp, Paris,
P.
Seghers, 1955; Chr.
Berg , Max Elskamp et le bouddhisme,
Nancy, C.E.U., 1969; Pascal de Sadeleer, Max Elskamp, poète et
graveur.
Bruxelles.
Simonson, 1985..
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