Élévation de Charles Baudelaire - Analyse Littéraire

« La terre, elle, fait partie du monde du dessous.

Elle est marquée par des termes fortement négatifs comme «miasmes morbides », qui font intervenir les notions d'ordure et de malpropreté.

Les vers : « Derrière les ennuis et les vastes chagrins / Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse » font s'entremêler les thèmes de la tristesse, de l'opacité et de la densité.

On voit donc que la terre est le lieu que fuit le poète, en s'élevant vers l'azur dumonde de l'art. Les verbes de mouvement (« sillonnes », « s'élancer », « plane ») indiquent qu'il existe une tension entre le haut et le bas : le poète ne ressent pas seulement l'attrait des cieux, il connaît aussi une répulsion envers tous les aspectsmalsains du monde terrestre.

Il éprouve le besoin de se purifier parce que ce monde le salit.

Il se sent souillé lorsqu'ilest confronté aux vicissitudes de « l'existence brumeuse ».

Cette existence lui pèse.

Elle vampirise à la fois sa puissance vitale (« aile vigoureuse ») et sa force virile (« mâle volupté »). A l'inverse, les hautes sphères vers lesquelles il s'évade lui procurent un sentiment d'ivresse et de liberté,perceptible dans le rythme de la longue phrase qui compose les deux premières strophes.

Cette phrase, comme lacourse de l'esprit dans l'univers du rêve poétique, semble ne pas devoir finir.

C'est là une représentation de l'infiniqui s'oppose à la finitude humaine, marquée par les « ennuis » et les « chagrins » du quotidien.

Dans le rêve poétique, l'homme est semblable à Jupiter sur Le mont Olympe, qui se nourrit de nectar et d'ambroisie, cette « divine liqueur » qui le conduit à la béatitude.

Mais peut-on être constamment ivre ? La réalité peut-elle être toujours évitée ? La tension, ainsi mise en évidence (entre deux pôles résidant au sein de l'âme du poète), organise un espace àpartir duquel nous pouvons concevoir une introduction à sa poétique.

Le monde inférieur est celui de la tristesse, del'ennui, de l'angoisse et du remords.

Baudelaire a regroupé lui-même cet ensemble de sensations négatives sous leterme anglais de « spleen ».

Le spleen se vit au présent, il s'accompagne d'une impression d'impuissance et d'une pesante mélancolie (« les vastes chagrins / Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse »). Fuir le spleen est une entreprise ardue qui nécessite de nombreuses expériences : pour ce faire, on peut utiliser le rêve, la poésie, le vin, les drogues, mais chacun de ces procédés a ses limites et le retour douloureux au quotidienfade et morne succède toujours à l'ivresse.

Alors reste La Mort qui constitue la dernière partie des Fleurs du mal, partie au terme de laquelle le poète se prépare pour Le Voyage. Elévation est l'un des premiers poèmes du recueil.

Baudelaire, dans la dernière strophe, annonce le début de sa quête de l'idéal.

L'idéal s'opposant au spleen de manière radicale.

La première tentative du poète pour rejoindre la région supérieure sera d'utiliser un procédé permettant de comprendre « sans effort / Le langage des fleurs et des choses muettes ! » Il s'agit des Correspondances.. »