EEKHOUD Georges : sa vie et son oeuvre
Publié le 06/12/2018
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EEKHOUD Georges (1854-1927). Romancier belge. « J’exalte mon terroir, ma race et mon sang, jusque dans leurs ombres, leurs tares et leurs vices ». S’adressant aux « civilisateurs, moralistes, utilitaires », cette déclaration pleine de défi met en évidence tout ensemble la thématique choisie et le biais particulier que l’écrivain entend lui donner. L’œuvre d’Eekhoud s’inscrit, en principe, dans le courant régionaliste : sans cesse, elle retourne au pays natal, la lande campinoise et les polders anversois, terre alors ingrate et âpre travaillée par des manants au sarrau bleu, râblés, sanguins et taciturnes; pétrie dans la glaise, leur nature est fruste et farouche, leur parler lourd et rocailleux, leurs plaisirs et leurs émois élémentaires. Peintre à la plume doué d’une imagination plastique, Eekhoud semble fasciné par la chair mâle — les musculatures robustes entrevues ou devinées sous la splendeur du velours côtelé : qu’il y ait dans cette appétence besoin esthétique ou fantasme suscité par l’interdit, le topique d’« Antinoüs charretier » traverse l’œuvre entière.
C’est sans doute l’influence de son compatriote Lemonnier qui a déterminé l’évolution de l’écrivain à
«
partir
de son premier roman.
Histoire d'un amour bafoué,
au terme de laquelle le héros égorge son rival à coups de
lierrois, Kees Doorik ( 1883) présente déjà bien plus
qu'une simple tranche de la vie paysanne: l'enfant
trouvé, marqué par sa naissance, sera le premier d'une
longue série de « pas-de-chance ».
Les préceptes de l'école de Médan se feront sentir
surtout dans les études de cas : la Faneuse d'amour (nou
veau titre d'un roman publié en 1888) consacre le pou
voir de la race terrienne sur le sang aristocratique; Escal
Vigor ( 1899) aborde le thème encore tabou des amours
masculines.
Dans l'ensemble toutefois, la démarche
naturaliste est mise au service de l'engagement ou de la
sympathie du narrateur, témoins, au demeurant, d'une
vision manichéenne : le mépris du bourgeois hypocrite
et cupide fonde une apologie souvent passionnée des
déshérités.
Ainsi dans la Nouvelle Carthage ( 1888),
vaste fresque trois fois reprise et amplifiée qui se donne
à lire comme le portrait d'une ville et d'une époque :
c'est, autour du personnage central, hypostase de 1' au
teur, le tableau tumultueux d'Anvers, la cité trépidante
du négoce et de 1' industrie où se côtoient et s'opposent
les classes sociales.
La grande pitié d'Eekhoud pour la foule des opprimés
participe beaucoup moins d'un appel au renouveau social
que d'une «religion de la souffrance» qui l'apparente
au roman russe.
Dans les contes et nouvelles (la série
des Kerme sses, 1884; le Cycle patibulaire, 1892; les
Voyous de velours ou l'Autre Vue, 1904), des vagabonds
et des escarpes se trouvent campés avec une tendresse
teintée d'admiration: vision romantique de la
transgression qui procède d'un choix esthétique et indi
vidualiste.
Les ratés et les hors-la-loi, tous ceux que
mènent 1' instinct et le goût de la marginalité sont magni
fiés à l'égal des « pacants » : ils apparaissent comme
l'expression d'une humanité primitive, libre et impul
sive, fixée ici en une image quasi nostalgique.
Souvenir de l'écriture artiste comme du style de Cla
de!, le phrasé d'Eekhoud porte la marque du temps.
Le
récit se suspend volontiers pour faire place aux descrip
tions, aux plaidoyers ou aux épanchements : il y a du
lyrisme chez cc prosateur.
Friand de réalités crues et de
sensations fortes, peintre des ruts et des rixes, il sait
dépasser son sujet par l'émotion : ses colères généreuses
et son amour haineux laissent une œuvre souvent tendue,
toujours excessive, foncièrement pessimiste.
[Voir aussi
BELGIQUE.
Littérature d'expression française].
BIBLIOGRAPHIE
Œuvres.
-Georges Eekhoud, les meilleures pages.
prés.
par
G.
Yanwelkenhuyzen, Bruxelles.
1954; la Nouvelle Carthage,
prés.
par R.
Trousson.
Paris-Genève.
Slatkine, 1982; Escal
Vigor, préf.
de J.
Bre nn er.
Paris.
Persona, 1982.
ttudcs.
-J.
D•:ladoes, Georges Eekhoud.
romancier.
Bruxel
les, Goesmaere.
1956; P.
Vernois.
le Roman rustique de G.
Sand
à Ramuz.
Paris.
Nizet, 1962; P.
Bay, le Style coruscant, Bru xel
les, Éd.
des Cinquante, 1969; P.
Delsemme et R.
Trou sson, le
Nawralisme et les Lettres françaises de Belgique, Bruxelles,
1984.
H.
BRAET.
»
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