DUBILLARD Roland : sa vie et son oeuvre

DUBILLARD Roland (ne en 1923). La passion du théâtre a investi Roland Dubillard dès son plus jeune âge. Il s’y consacra sitôt après une licence de philosophie; en partie grâce à Pierre-Aimé Touchard. ancien critique de la revue Esprit et directeur de la Maison des lettres, un des rares foyers étudiants où s'élaborent, en pleine Occupation, tou es les résistances et où Roland Dubillard s'essaie à de petits mélodrames, textes qu'il réutilisera plus tard, dans les Bains de vapeur (1976).

Marqué par Artaud, par Dullin. par Jouvet, mais renonçant très vite aux poètes qui, tels Claudel ou Maeterlinck, avaient influencé sa première pièce jouée — par des amateurs —, les Noces de Catherine, c'est dans de petits sketches commandés par Jean Tardieu pour la radio qu’il se révèle un grand humoriste (« Grégoire et Amédée », 1953). On est alors en plein « théâtre de l'absurde ». L'exemple de Ionesco, de Beckett. de Boris Vian mais aussi la dérision répandue alors dans les petits théâtres de la R ve gauche — où Dubillard fait jouer en 1953 Si Camille me voyait, une « opérette parlée » — lui permettent de créer les personnages de « Grégoire et Amédée » qu'ur nombreux public écoute sur Paris-Inter. Leurs dialogues désopilants seront d'ailleurs repris — avec d'autres de la même veine — dans des spectacles donnés sur plusieurs scènes de la capitale sous les titres de Diablogues, le Gobe-douille ou / Eau en poudre, avec de merveilleux interprètes tels que Claude Piéplu, Jacques Seiler ou Roland Dubillard lui-même. Car il est aussi un acteur exceptionnellement doué. Sa diction embarrassée, son visage lunaire, ses gestes inachevés de rêveur en font .me sorte de clown moderne, qui colle admirablement à un texte visiblement écrit pour lui-même, et auquel il est le seul à pouvoir donner ses prolongements mélancoliques.

Cette subjectivité prend toute sa valeur dans sa pièce la plus connue. Naïves Hirondelles, donnée en 1961 au Théâtre de poche, avec ses amis Arlette Reinerg, Tania Balachova et Bernard Fresson. Remarquée par André Roussin, qui clame son enthousiasme en première page du Figaro, la pièce, souvent reprise depuis, connaît un immense succès. Velléitaires, marginaux, les personnages de Naïves Hirondelles parlent pour ne rien dire, tentent de vivre, sans y parvenir, se livrant à des activités dérisoires — par exemple, des pièces montées de morceaux de porcelaine —, cependant que passe entre eux une tendresse toujours voilée d'humour. Le style est plein de naturel, jusque dans ses trouvailles les plus inattendues.