DORAT Claude-Joseph : sa vie et son oeuvre
Publié le 22/11/2018
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DORAT Claude-Joseph (1734-1780). Écrivain, Dorât l’est pour le meilleur et pour le pire. Issu d’une ancienne famille de robe, il ne resta longtemps ni au barreau ni chez les mousquetaires du roi. La bonne société parisienne où il répandit alors sa personne et ses vers lui permit de cultiver son goût du changement. Il joua le jeu de la littérature avec le plus grand sérieux, pratiqua tous les genres, ne manqua pas une polémique, se ruina à payer des dessinateurs pour ses poèmes et une claque pour ses pièces. Il donna à ses contemporains et laissa à la postérité l’image d’un fabricant d’agréables bagatelles, d’un rimeur de riens spirituels. Il a en effet multiplié les héroïdes, lettres en vers d’un héros ou personnage connu, les épîtres (à Mlle Clairon, à Catherine II), les contes en vers, volontiers égrillards (les Dévirgineurs, les Cerises ou la Double Méprise...). Ses héroïdes cherchent à utiliser les succès du temps : Abélard à Héloïse (1758) répond à la lettre d’Héloïse composée par Pope et Colardeau; le roman de Mme de Tencin inspire la Lettre du comte de Comminge à sa mère (1764); le souvenir des Lettres portugaises et péruviennes est sensible dans les lettres de Zéila, jeune sauvagesse, et dans celles d’une chanoinesse de Lisbonne. Des titres comme Bagatelles (1766) ou Mes fantaisies (1768) semblent corroborer l’impression de facilité et de dispersion. Dorât s’essaye pourtant à des œuvres de plus longue haleine.
«
Le
théâtre est une forme littéraire obligée pour un
homme de lettres du xvm• siècle.
Dorat transporte tour à
tour la scène de ses tragédies dans l'Antiquité romaine
(Régulus, 1765), grecque (Théagène, 1766), en Russie
(Pierre le Grand, 1779) et dans la France carolingienne
(les Deux Reines, 1770), sans séduire le public qui pré
fère ses comédies.
Le Célibataire (1776) et le Malheu
reux imaginaire (1777) poursuivent la veine postmolié
resque des portraits d'un caractère, tandis que les
Prôneurs ou le Tartuffe littéraire ( 1777), pierre jetée
dans la mare des milieux littéraires, stigmatise les copi
nages et les règlements de comptes.
Les discours préli
minaires de certaines pièces indiquent chez Dorat une
conscience des problèmes qui se posent alors au théâtre,
c'est-à-dire de la crise du classicisme.
Sa notion de
« drame héroïque >> participe aux multiples efforts de
rénovation de la scène qui ont lieu durant ces années.
Ce sont peut-être ses romans qui permettront aujour
d'hui une redécouverte de l'écrivain.
Laissons à Fanny
de Beauharnais le mérite de l'Abélard supposé ou le
Sentiment à l'épreuve (1780) auquel Dorat a sans doute
collaboré à la fin de sa vie : le sujet en est faussement
scabreux puisqu'il ne s'agit pas d'une impuissance réelle
qui devra attendre un demi-siècle pour inspirer à Mme de
Duras et à Stendhal Olivier et Armance.
Mais reconnais
sons le mérite des Sacrifices de l'amour (1771) et des
Malheurs de l'i11constance (1772) que certains n'ont pas
hésité à comparer aux Liaisons dangereuses, parues dix
ans plus tard.
Ces deux romans épistolaires exposent
le même drame, celui des incertitudes du cœur et des
tentations libertines.
Les héros des deux œuvres, jeunes
gens jetés dans le monde, quittent une femme pour une
autre à laquelle ils ne savent prouver leur amour qu'en
la violant.
Mais dans un cas, la femme abandonnée n'est
qu'une mondaine peu sentimentale et l'offense faite à la
femme élue peut être finalement réparée; dans l'autre, le
héros est déchiré entre deux femmes de mérite, il se
laisse manœuvrer par un roué de cour et le dénouement
ne peut qu'être tragique.
Tous les protagonistes de l'in
trigue voient leur vie brisée.
L'hésitation du héros, inca
pable de choisir, est à l'image d'une double postulation
entre mondanité et philosophie, libertinage et moralisme,
qui est aussi celle de l'œuvre de Dorat tout entière, entre
les petits et les grands genres, entre les séductions de la
mode et le souci de la durée, entre l'instant et l'histoire.
BIBLIOGRAPHIE Les Malheurs de l'inconstance, Desj on què re s, 1983, et dan s
Romans libertins du XVIII' siècle, Laff ont, « Bouquins >>, 1993.
A consulter.
-Pour la biographie, on consu lter a l'ou vra g e
anecdotique de D�snoiresterres, le Chevalier Dorat et les Poètes
légers au XVIII' siècle (P aris , Perrin, 1887), qui r eplace Dorat
dans son milieu e: évoque nombre de ses amis, en part iculi e r son
disciple et successeur dans le cœur de Fanny de Beauharnais, le
chevalier de Cub :.ères qui, sous la Révolmion, prend le nom de
Dorat -Cu bières.
l'o ur la poésie, voir Édouard Guinon, Jacques
Delille et le poème de la nature en France de 1750 à 1820,
K lin cks ieck , 197L, et W.
Moser,.
»
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