Don juan commentaire
Publié le 09/02/2017
Extrait du document
«
Mlle Grilli Séquence 3 : Théâtre et représentation Premières
2
En effet le personnage se présente tout dabord comme une victime de lamour.
Il ne peut donc être con sidéré coupable des
manquements dont laccuse son valet.
On remarque que de nombreuses phrases mettent en av ant dautres sujets que lui : « toutes les belles ont droit de nous
charmer,...
»(l.47), « la beauté me ravit...
» (l.5 0), « un beau visage me le demande...
» (l.57) Dans toutes ces phrases Don Juan est
objet (« nous », « me », « me ») et ne semble pas p rendre une part active au processus de séduction.
Il semblerait que tout se
déroule un peu malgré lui.
De même dans la phrase « où la nature nous oblige » (l.56) se présente-t-il comme la victime dune loi
le dépassant et le contraignant à linfidélité.
On remarque que les phrases où il est sujet grammatica l mettent également en avant
une forme de faiblesse : « je cède »(l.51) ou encor e une incapacité dans « je ne puis refuser mon coeu r » (l.56).
Ainsi, Don Juan
accusé par son valet retourne la situation pour se présenter comme une victime de lamour frappé dabo ulie face aux femmes.
Son désir de justification se manifeste également à travers lemploi de termes propres au vocabulaire du droit.
Il sagit de
couvrir ses méfaits dun voile honorable, presque l égal.
On peut relever un véritable champ lexical : « dro it » (l.47) l« avantage » (l.48) « juste » (l.49), « injustice » (l.53).
Le séducteur se présente ici comme un objet du dési r, victime de lamour et soucieux détablir une justice entre les femmes.
Il va
donc encore plus loin et passe de la position de vi ctime à celle de juge impartial.
Enfin, il est intéressant de remarquer quil justif ie également les méthodes quil emploie avec les fe mmes.
Pour se
disculper aux yeux de Sganarelle il évoque à plusie urs reprises la douceur de ses procédés.
Ladjectif revient de très nombreuses
fois dans ce texte.
On trouve tout dabord « On goû te une douceur extrême...
» (l.61) puis sous une forme adverbiale « mener
doucement »(l.67), enfin « il nest rien de si doux » (l.74) Il évoque également sa méthode en parlant de « larmes et soupirs »
(l.64) alors que lon sait quil a enlevé Done Elvi re dun couvent et que lon apprendra quil sapprê te à enlever une jeune femme
mariée qui lui a résisté.
Ainsi il y a dans cette t irade une justification de ses méthodes.
Don Juan c herche à adoucir des procédés
qui sont brutaux, à embellir la réalité qui nest p eut-être plus aussi riante quil la dépeint.
En cette dernière journée de sa vie Don
Juan ressent le besoin de se justifier devant son v alet.
Sil était aussi confiant quil le laisse entendre il naurait pas besoin de parler
autant.
On le voit cette justification a un intérêt dramati que pour la pièce.
Elle nous montre un séducteur pe ut-être affaibli qui
ressent le besoin de faire son plaidoyer.
Cependant cette tirade permet également à Molière de brosser un portrait du héros
éponyme en ce début de pièce qui doit remplir les f onction dune exposition.
Les intrigues sont multiples dans la pièce et il
importe de présenter le personnage de Don Juan qui confèrera son unité à lensemble.
Don Juan illustre à merveille la figure du libertin du XVIIème siècle.
Cependant on pourrait remarquer que cette tirade
nen fait pas un révolté pur.
Il ne concentre pas s a parole sur la critique, ne cherche pas à remettre en question la religion et cest
dailleurs Sganarelle qui bien souvent le pousse à sexprimer sur les sujets polémiques tout au long d e la pièce.
Don Juan, certes,
soppose mais il ne vit pas en opposition systémati que.
Par rapport au portrait brossé par Sganarelle on constate que les aspects
polémiques sont donc absents et que Don Juan insist e surtout sur son libertinage de murs et sur son côté esthète.
En effet la
sensualité prédomine et il se dépeint comme un amat eur de belles choses.
Pour évoquer cette importance de la beauté il utilise un
oxymore très expressif « douce violence » ( l.61) q ui illustre sa faiblesse face au beau.
La beauté est pour lui une force à laquelle il
répond par son pouvoir de séduction.
Le champ lexic al du beau est dailleurs omniprésent pour désigner par synecdoque les
femmes « les autres beauté » (l.45), « une jeune be auté » (l.62) , « une belle » (l.53).
La vue est un sens premier pour Don Juan
comme le montrent les références permanentes à la b eauté mais aussi au sens de la vue : « des yeux pour voir le mérite de toutes
« (l.54) ou encore « je vois » (l.57).
Dominé par s es sens le Don Juan de Molière reste fidèle au type qui naît avec Tirso de Molina.
Un autre aspect de la personnalité du séducteur se fait jour dans le texte : celui du conquérant.
Don Juan utilise pour
parler damour le langage de la guerre.
Il développ e une longue métaphore filée lui permettant de décr ire ses tactiques amoureuses.
Il sagit là dun emploi classique dun lieu commun depuis la poésie médiévale mais qui montre égaleme nt les excès du
personnage.
On peut relever un champ lexical du com bat qui émaille toute la tirade : « réduire » (l.61), « combattre »(l.63),
« rendre les armes »(l.65), « résistance »(l.66), « conquête » (l.73).
Le séducteur, par lemploi de c es termes militaires, révèle son
caractère actif démenti par ailleurs.
Il révèle le besoin dêtre dans une action, dans un mouvement pe rpétuel, la nécessité
compulsive de relever des défis.
Dailleurs la réus site ne constitue pas pour lui un achèvement satisf aisant.
On peut remarquer
langoisse du personnage au bord du gouffre lorsqu il dit « il ny a plus rien à dire, ni rien à souhaiter » (l.69).
La répétition du
pronom indéfini « rien » montre bien lanéantisseme nt qui menace Don Juan à chaque nouvelle conquête.
Don Juan en cela
ressemble aux héros antiques que sont Sisyphe et Pr ométhée voués aux éternelles répétitions.
Enfin un dernier aspect du personnage qui transpara ît dans cette tirade est celui du beau parleur.
Le personnage se
caractérise en effet par sa faconde et ses excès la ngagiers.
Les hyperboles sont nombreuses qui montre nt assez que Don Juan
déborde la réalité.
On trouve tout dabord « si je n avais dix mille » (l.58) ou encore « aimer toute la terre »(l.79) et enfin on
remarque quil évoque dans une espèce de fantasme d élirant « dautres mondes » (l.80) Le héros fait ici preuve dun hybris
(démesure) verbal où il se compare même à Alexandre (l.79).
Il souhaite rejoindre une condition supérieure de héros historique ou
encore de demi-dieu et cela nest pas sans provoque r le sourire.
On retrouve le goût de Molière pour la peinture satirique des
caractères excessifs.
Don Juan rappelle également l e héros espagnol Matamore dans Lillusion comique de Corneille.
* * * * * * *
Ainsi nous avons pu voir dans une première partie q ue ce texte présentait un éloge de linconstance puis nous avons
étudié le plaidoyer que fait Don Juan pour évoquer son comportement enfin nous nous sommes intéressés au portrait du
personnage qui est brossé à travers cette tirade.
Don Juan reste un personnage complexe menacé par se s excès qui le rendent
quelque peu tragique - il semble victime de sa natu re mais également caricatural en raison de ces mê mes excès.
Molière aimait à
peindre des personnages extravagants, décalés par r apport à leur milieu, dominés par leur vice et lon peut se demander sil ne
voulait pas en faire un personnage comique.
Alors D on Juan est-il Matamore ou Prométhée ? la richesse de luvre, la profondeur
du texte a laissé aux metteurs en scène la place à linterprétation..
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