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Dom Juan: Va, va, je te le donne (ce louis d’or) pour l’amour de l’humanité. Molière

Publié le 19/03/2020

Extrait du document

juan

«Je te suis bien obligé, mon ami, et je te rends grâce de tout mon cœur. »

«Je crois que deux et deux sont quatre, Sganareile, et que quatre et quatre sont huit. »

«DON JUAN. — Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise?
le pauvre. — Hélas, Monsieur, je suis dans la plus grande nécessité du monde.
don juan. — Tu te moques : un homme qui prie le Ciel tout le jour ne peut pas manquer d’être bien dans ses affaires.
le pauvre. — Je vous assure, Monsieur, que le plus souvent je n’ai pas un morceau de pain à mettre sous les dents.
don JUAN. — Voilà qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins. Ah ! ah ! je m’en vais te donner un louis d’or tout à l’heure, pourvu que tu veuilles jurer. le pauvre. — Ah! Monsieur, voudriez-vous que je commisse un tel péché?
don juan. — Tu n’as qu’à voir si tu veux gagner un louis d’or- ou non : en voici un que je te donne, si tu jures. Tiens, il faut jurer.
le pauvre. — Monsieur!...
don juan. — A moins de cela tu ne l’auras pas. sganarelle. — Va, va,, jure un peu, il n’y a pas de mal.
don juan.— Prends, le voilà; prends, te dis-je; mais jure donc.
le pauvre. — Non, Monsieur, j’aime mieux mourir de faim.
don juan. — Va, va, je te le donne pour l’amour de l’humanité. Mais que vois-je là ? Un homme attaqué par trois autres ? La partie est trop inégale, et je ne dois pas souffrir cette lâcheté. »

► Don Juan prétend faire don du louis d’or au pauvre moyennant rétribution. Contrairement au Ciel qui, suppose-t-il, ne donne rien en échange des prières qui lui sont adressées, Don Juan, quant à lui, se montrera généreux et charitable, non pas «pour l'amour de Dieu», comme il est permis de le supposer suivant la formule chrétienne courante, mais «pour l’amour de l’humanité», formule qui supplante parodiquement la précédente. Le blasphème exigé («jure un peu») en retour de l’offre faite du louis d’or et, en conséquence, du morceau de pain convoité qui en est la promesse, souligne donc la rivalité qui, par pauvre interposé, met aux prises

juan

« 210 / LIBERTINAGE (et amour de l'humanité)• 27 religion, sans obtenir aucune réponse déterminante, hor­ mis la fameuse dérobade : « Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit.

» On ne saisit, en fait, la portée de cette phrase qu'à la lumière de la scène 2 qui nous occupe.

Quand il s'agissait seulement d'une conversation à bâtons rompus avec son valet Sganarelle, Don Juan demeurait évasif et peu lo­ quace; Sganarelle faisait les frais de la conversation à sa manière, bavarde et chaotique mais truculente et bouf­ fonne : sa chute, geste qui accompagne involontairement sa parole, coïncide avec la «chute» de son raisonnement boîteux («Bon, voilà ton raisonnement qui a le nez cassé», observe flegmatiquement Don Juan).

La rencontre du pau­ vre, vagabond qui erre au milieu de la forêt où s'égarent le maître et le valet, se prête, de toute évidence, à une démonstration par l'exemple du point de vue soutenu par Don Juan qui, d'emblée, se veut provocant.

Cette rencontre survient à point nommé, d'abord du fait que le pauvre indique aux voyageurs égarés le chemin de la ville, mais aussi parce que le Ciel, visiblement, signifie ses intentions de pousser l'impie à un examen de conscience.

Les scènes 3 et 4, qui suivent, contraignent, en· effet, Don Juan à une confrontation avec les frères d'El­ vire, bientôt suivie d'une rencontre avec le mausolée du Commandeur, et l'on se persuade aisément que Je rôle de justicier, dévolu au Commandeur, confère opportunément à la rencontre le sens d'un avertissement du Ciel.

Don Juan obtient donc du pauvre le renseignement at­ tendu; très obligeamment, il est averti du risque encouru d'être molesté par les voleurs qui rôdent dans la forêt.

Don Juan remercie chaleureusement Je pauvre: « Je te suis bien obligé, mon ami, et je te rends grâce de tout mon cœur.

» Les bonnes paroles ne suffisant pas à rétribuer le service rendu, le pauvre se hasarde à demander l'aumône, ce qui lui vaut aussitôt cette réponse cinglante : « Ah ! ah ! ton avis est intéressé, à ce que je vois.

». »

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