Dom Juan ou la démesure ?
Publié le 22/12/2012
Extrait du document

Le châtiment de Dom Juan peut paraître exemplaire : un homme qui défie toutes les lois sociales et la
puissance divine ne peut survivre. Pourtant le comique de cette réplique finale annule l’effet voulu : Dieu
n’a pas le dernier mot. La pièce se finit sur une note bouffonne et le valet Sganarelle énonce une morale.
Et le châtiment n'est peut-être pas si fatal à Dom Juan, qui n'a cessé de provoquer Dieu durant toute la
pièce : maintenant sûr du fait que ce dernier existe, le dernier cri du séducteur peut alors être perçu
comme un cri d'orgasme final, et fatal. Le dénouement de Dom Juan ne peut être vraiment appelé
dénouement tant celui-ci est ambigu.
Le ciel emploie tous les moyens possibles afin de convaincre Dom Juan, et doit se résoudre à utiliser la
violence. Finalement, Dom Juan ne va jamais se repentir, personne ne réussira à le convaincre et à
vaincre sa logique.

«
des choses que Dom Juan meure.
Il n'en est pas moins fasciné par cet homme d'exception, qui, par sa
personnalité, par sa transgression, prend une dimension monstrueuse.
Sans doute se demande-t-il
jusqu'où Dom Juan peut aller...
Ainsi Sganarelle ne souhaite pas vraiment que Dom Juan meure.
Pourtant à la mort de ce dernier, il ne le regrettera que parce qu'il lui devait de l'argent, "mes
gages ! mes gages", tandis que le Sganarelle "social" justifiera et acceptera la mort de Dom Juan.
Ainsi, loin de s'effacer devant le personnage de Dom Juan, Sganarelle est aussi problématique.
Les rapports maître-valet
Dans la première scène, Sganarelle dresse un portrait très péjoratif de son maître, un blâme, à Gusman,
valet d’Elvire.
Il le critique vivement en le qualifiant de « pourceau d’Epicure », « vrai Sardanapale », «
hérétique »… Il présente son maître comme un libertin sans aucune morale : « rien n’est trop chaud ni
trop froid pour lui ».
Il a tenté de raisonner son maître à propos de ses mœurs qu’il n’approuve pas : «Il
me réduit à applaudir ce que mon âme déteste », mais en vain.
De plus, Sganarelle croit en Dieu et craint la fureur divine si Dom Juan ne se repent pas.
On peut affirmer
que Sganarelle craint son maître : « la crainte en moi fait l’office du zèle ».
Par exemple, à la scène 4 de
l’acte II avec les paysannes : « mon maître est un fourbe […] elles se gardassent de le croire ».
En effet,
il se rattrape lorsqu’il voit Dom Juan revenir : il a peur des représailles.
Néanmoins, il participe à la moindre aventure entreprise par le grand seigneur méchant homme.
Sganarelle remplit ses fonctions de domestique
et même plus.
Il entretient une relation presque fraternelle avec son maître car il représente son confident
et la seule personne toujours à ses côtés.
Il est son unique interlocuteur.
Il demeure presque toujours là
dans les moments graves : avec M.
Dimanche, les paysannes… Dom Juan semble être le double
utopique de Sganarelle.
En effet, il incarne presque tout ce qu’il aurait voulu être.
Le valet éprouve une
profonde admiration pour l’audace et le pouvoir rhétorique de son maître : « Ah quel homme ! Quel
homme ! » (après la visite de Dom Juan chez son père).
Cependant, dans la dernière scène Sganarelle
est triste mais ce qui importe le plus à ses yeux, ce sont ses gages non payés : « Mes gages ! mes gages
! ».
Sganarelle est d'autre part, en tant que valet de comédie (un artefact propre à la comédie), l'intercesseur
du public, c'est-à-dire un intermédiaire entre le public et le personnage de Dom Juan.
Dans la scène 1 de
l'acte I, il présente Dom Juan comme la bienséance l'oblige, en le critiquant vivement, mais si
maladroitement que le personnage peut garder quelque charme lorsqu'il présentera lui -même sa passion
de la conquête amoureuse (acte I, scène 2).
C'est Sganarelle aussi qui pousse Dom Juan à avouer son
athéisme ou son
rationalisme (assimilés par les dévôts) : " je crois que deux et deux sont quatre...".
Et surtout qui révélèra
au public l'hypocrisie de Dom Juan envers Don Louis, alors qu'elle aurait pu duper le spectateur.
C'est
pourquoi il aura le dernier mot, en tirant la morale de la pièce, même si cette morale est encadrée par
"Mes gages ! Mes gages !" : il importe qu'il reste un bouffon.
Dom Juan ne peut pas se séparer de son valet, ils sont d'ailleurs l'un pour l'autre une sorte de faire valoir
réciproque.
Ce premier représente le côté sombre de la pièce tandis que Sganarelle est l’amuseur, celui
qui détend l’atmosphère, mais aussi l'intercesseur du public.
Rôle que se réservait d’ailleurs Molière, car
le plus théâtral de tous..
»
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