DOLET Étienne : sa vie et son oeuvre
Publié le 22/11/2018
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DOLET Étienne ( 1509-1546). Humaniste, philologue et poète, Étienne Dolet est définitivement passé à la légende en montant sur le bûcher de la place Maubert, à trente-sept ans. On n’arrachera plus ce personnage complexe à sa réputation, assurément justifiée, de « martyr de la Renaissance ». Né en 1509 à Orléans, ville universitaire où les juristes ont souvent été d'esprit frondeur, Dolet commence à douze ans des études à Paris. A dix-sept ans, dans l’enthousiasme, il part pour l’Italie étudier à l’université de Padoue, l'un des centres les plus effervescents de réflexion philosophique, philologique et médicale : Pomponazzi vient d’y mourir, Bembo y règne, Vésale, le cardinal Pôle y séjournent... Dolet y rencontre sans doute beaucoup de monde et suit les cours de l’humaniste français Simon de Neufville. Dolet songera toujours à Padoue, où il situe son premier grand texte, le Dialogus de imitatione Ciceroniana (1535); de sa première prison, il pense à revenir à Padoue.
Le récit de sa courte vie pourrait être celui de ses prisons. Prison en 1533, à Toulouse (trois jours); dans ce siège de l’inquisition, très agité à ce moment, il a prononcé deux discours devant ses compatriotes étudiants; il est alors en pleine bataille intellectuelle, à la fois contre la superstition bigote et contre Érasme... L’intervention du puissant ami de Marguerite de Navarre, l’évêque de Rieux, l’en délivre.
Prison en 1536-1537, à Lyon (trois mois), pour avoir tué un peintre qui l'agressait. Mais l’affaire n'est pas claire. Dolet se rend à Paris pour se défendre; il y est emprisonné; Marguerite de Navarre obtient sa grâce du roi. Sa libération est fêtée par un banquet à la mode antique. Les invités : Budé, Rabelais, Marot, Macrin, Boyssonné, etc. On y évoque Érasme, qui vient de mourir, et les auteurs italiens qu’aime Dolet : Bembo, Sado-let, Vida, Sannazar. Dolet rapporte fièrement l’anecdote dans ses Carmina de 1538; pourtant, il se fâchera avec la plupart de ces amis.
Prison en 1542-1543 (quinze mois), à Lyon, puis à Paris, pour avoir publié un Cato christianus jugé insuffisamment orthodoxe. En fait, ses activités d’imprimeur (il a obtenu le privilège du roi en 1538) lui font encourir la haine de ses concurrents, qui publient à peu près les mêmes ouvrages que lui; et il est fragile.
Prison en janvier 1544 (trois jours), et pour les mêmes raisons (une sorte de provocation montée contre lui? des livres prohibés ont été expédiés sous son nom à Paris). Il s’évade de l’hôtel lyonnais et raconte l’aventure dans une épître au roi, drôle et émouvante, à la façon de Marot, dans le Second Enfer, pendant qu’il fuit en Piémont et qu’on brûle ses livres sur le parvis de Notre-Dame. Il revient en France avec l’armée d’Italie, se fait arrêter à Troyes (août 1544), après avoir pris le risque de passer voir sa famille à Lyon et d’y faire publier dans son atelier son recueil de poèmes. Il y a préparé deux traductions de Platon qui seront invoquées contre lui au cours de son procès.
Ce sera sa dernière prison (septembre 1544-août 1546 : deux ans). La France est alors agitée par les querelles religieuses. Ses grands protecteurs n’ont plus les mêmes pouvoirs; d’autres se sont sans doute lassés d’un personnage trop fougueux et tourmenté. On a attendu la Saint-Étienne pour le brûler avec ses derniers manuscrits, le jour de son anniversaire, sur la paroisse Saint-Étienne (« rencontres mémorables », dira La Croix du Maine). Rien de ses desseins, de son œuvre n’était achevé. Pendant plusieurs années, des continuateurs plus ou moins imprévisibles, courageusement fidèles à son travail, vont faire allusion à ses textes disparus (?) : Du Bellay, dans la Deffence et Illustration, trois ans après sa mort, Barthélemy Aneau, Des Autels.
Où situer Dolet? C’est un laïc, marié en 1538; la naissance de son fils, Claude, le ravit et le fait philosopher sur la conduite humaine dans un poème latin qu’il traduit lui-même, V Avant-Naissance (1539). C’est un humaniste, que le métier de correcteur, d’abord, chez le grand imprimeur Sébastien Gryphe, a formé et fait vivre (1534-1536). Enfin c’est un grand imprimeur lui-même, dont les publications participent aux querelles du moment, celle des Femmes, notamment : il publie Héroët, Guevara. Chez lui paraissent les œuvres de Marot (1538, 1542, 1543, 1544), dont l’Enfer; il réédite le Gargantua (1542, mais Rabelais le désavoue pour n’avoir pas corrigé ce qui provoque la censure...).
«
maniste
français Simon de Neufville.
Dolet songera tou
jours à Padoue, où il situe son premier grand texte, le
Dialogus de imitatione Ciceroniana (1535); de sa pre
mière prison, il pense à revenir à Padoue.
Le récit de sa courte vie pourrait être celui de ses
prisons.
Prison en 1533, à Toulouse (trois jours); dans
ce siège de l'Inquisition, très agité à ce moment, il a
prononcé deux discours devant ses compatriotes étu
diants; il est alors en pleine bataille intellectuelle, à la
fois contre la superstition bigote et contre Érasme ...
L'in
tervention du puissant ami de Marguerite de Navarre,
l'évêque de Rieux, l'en délivre.
Prison en 1536-1537, à Lyon (trois mois), pour avoir
tué un peintre qui l'agressait.
Mais l'affaire n'est pas
claire.
Dolet se rend à Paris pour se défendre; il y est
emprisonné; Marguerite de Navarre obtient sa grâce du
roi.
Sa libération est fêtée par un banquet à la mode
antique.
Les invités: Budé, �abelais, Marot, Macrin,
Boyssonné, etc.
On y évoque Erasme, qui vient de mou
rir, et les auteurs italiens qu'aime Dolet: Bembo, Sado
let, Vida, Sannazar.
Dolet rapporte fièrement l'anecdote
dans ses Carmina de 1538; pourtant, il se fâchera avec
la plupart de ces amis.
Prison en 1542-1543 (quinze mois), à Lyon, puis à
Paris, pour avoir publié un Cato christianus jugé insuffi
samment orthodoxe.
En fait, ses activités d'imprimeur
(il a obtenu le privilège du roi en 1538) lui font encourir
la haine de ses concurrents, qui publient à peu près les
mêmes ouvrages que lui; et il est fragile.
Prison en janvier 1544 (trois jours), et pour les mêmes
raisons (une sorte de provocation montée contre lui? des
livres prohibés ont été expédiés sous son nom à Paris).
Il s'évade de l'hôtel lyonnais et raconte l'aventure dans
une épître au roi, drôle et émouvante, à la façon de
Marot, dans le Second Enfer, pendant qu'il fuit en Pié
mont et qu'on brûle ses li v res sur le parvis de Notre
Dame.
Il revient en France avec l'armée d'Italie, se fait
arrêter à Troyes (août 1544), après avoir pris le risque
de passer voir sa famille à Lyon et d'y faire publier dans
son atelier son recueil de poèmes.
Il y a préparé deux
traductions de Platon qui seront invoquées contre lui au
cours de son procès.
Ce sera sa dernière prison (septembre 1544-août
1546 : deux ans).
La France est alors agitée par les que
relles religieuses.
Ses grands protecteurs n'ont plus les
mêmes pouvoirs; d'autres se sont sans doute lassés d'un
personnage trop fougueux et tourmenté.
On a attendu la
Saint-Étienne pour le brûler avec ses derniers manus
qits, le jour de son anniversaire, sur la paroisse Saint
Etienne ( « rencontres mémorables )), dira La Croix du
Maine).
Rien de ses desseins, de son œuvre n'était
achevé.
Pendant plusieurs années, des continuateurs plus
ou moins imprévisibles, courageusement fidèles à son
travail, vont faire allusion à ses textes disparus (?) : Du
Bellay, dans la Deffence et Illustration, trois ans après
sa mort, Barthélemy Aneau, Des Autels.
Où situer Dolet? C'est un laïc, marié en 1538; la
naissance de son fils, Claude, le ravit et le fait philoso
pher sur la conduite humaine dans un poème latin qu'il
traduit lui-même, l'Avant-Naissance (1539).
C'est un
humaniste, que le métier de correcteur, d'abord, chez le
grand imprimeur Sébastien Gryphe, a formé et fait vivre
(1534-1536).
Enfin c'est un grand imprimeur lui-même,
dont les publications participent aux querelles du
moment, celle des Femmes, notamment : il publie
Héroët, Guevara.
Chez lui paraissent les œuvres de
Marot (1538, 1542, 1543, 1544), dont l'Enfer; il réédite
le Gargantua (1542, mais Rabelais le désavoue pour
n'avoir pas corrigé ce qui provoque la censure ...
).
Sur
tout, il a fait passer en français des pans entiers de culture
antique (Platon, Cicéron, Sénèque, etc.) ou de savoir
médical : de bons spécialistes lyonnais, J.
Canappe, P.
Tollet, traduisent Galien pour lui; dans son esprit,
aucune discipline ne saurait se passer des bonnes lettres,
et sa défense du français est dans la ligne de la politique
royale, mais a dû blesser quelques spécialistes.
Elle est pourtant la conséquence de sa défense d'un
laf!n classique, «cicéronien )), contre les libertés
d'Erasme ou les thèses néo-platoniciennes.
Le débat est
italien et date du début du siècle.
Bembo semblait avoir
tout dit en 1512, dans son De imitatione; Érasme attend
1528 pour produire contre les « cicéroniens )> un texte
violent, attaquant Longueil, cher à Dolet.
En 1535, là
où le grand humaniste italien défendait sereinement sa
conception littéraire de la langue latine, Dolet, irrité
contre Érasme, met toute sa fougue d'itaEianisant à soute
nir sa thèse, dans le Dialogus de imitatione Ciceroniana.
Dialogue absurde d'une certaine manière puisqu'il fait
se rencontrer à Padoue, où Thomas More n'est jamais
allé, l'auteur de l'Utopie (déjà emprisonné au moment
où écrit Dolet) �t Longueil, déjà mort : l'Anglais prend
les coups pour Erasme, et Longueil parle pour Dolet.
La
préface, adressée au frère de Maurice Scève, est une
défense de la position religieuse de Dolet.
Mais qu'y
a-t-il en jeu dans ce texte? Dolet, certainement, sent tout
comme un frein au progrès tel qu'il le conçoit.
Si les
forces en présence nous échappent, lui en a une
conscience exacerbée et semble enrager de devoir être
polémiste.
Il représente en tout cas l'un des maillons
de la pénétration, des idées italiennes en France, ce qui
n'échappe pas à Erasme.
L'autre grand texte de défense du latin cicéronien
consiste dans les Commentarii linguae latinae, entre
prise gigantesque et «chef-d'œuvre» d'artisan.
Il a dû
se faire aider par de jeunes savants, en tout cas par Des
Périers.
Émule de Budé, à qui il adresse d'ailleurs deux
belles préfaces, il songeait à cet ouvrage avant même de
partir pour l'Italie, à seize ans.
Le premier tome paraîtra
en 1536, chez Gryphe; il doit travailler au second en
prison (dans quelles conditions?) et le publie, toujours
chez Gryphe, un an après sa libération, en 1538.
Dolet
prévoyait un troisième volume : à la pla-ce sortiront seu
lement, de son propre atelier en 1539, les Formulae lati
narum locutionum illustriorum.
En fait, il semble que
Dolet s'oriente alors dans une autre direction : le même
travail sur la langue française, qu'il projette d'appeler
l'Orateur françoys.
Les deux premiers volumes des Commentarii, modè
les de clarté dans la présentation, sont construits selon
un principe génial qui vise à la fois la réflexion sur la
langue et son apprentissage : les mots sont groupés par
vastes zones sémantiques ( « amüié )>, « lettres)>,
« action )), « pensée >>, etc.); chaque terme est défini dans
toutes ses nuances avec une densité philosophique, illus
tré par des emplois strictement issus de Cicéron, de Vir
gile et de quelques autres grands classiques, suivi de
commentaires qui vont de la simple remarque philologi
que à la digression la plus personnelle; c'est là que nous
trouvons les louanges des grands selon son cœur (Fran
çois I•', Marguerite de Navarre), les attaques contre
Erasme, les bilans sur la littérature et les sciences
contemporaines (il connaît parfaitement les productions
italienne et espagnole, française et anglaise, allemande
et flamande), les hymnes à la musique.
L'ouvrage témoi
gne de son agressivité à l'égard de l'hostilité des juges
et des marchands et c'est là qu'il formule la prière (pré
monitoire!) de ne devoir jamais dépendre d'un tribunal
humain ...
Par-dessus tout se manifeste son obsession de
la gloire, seule capable de défier la mort.
La vie du texte
(c'est, dit-il, plus une «histoire>> de la langue qu'un
commentaire), l'apologie qu'il fait de la parole -de sa
clarté et de son expressivité, de son «corps>> -, de la
transparence de tout ce qui est dit, la volonté de tout
amener à une connaissance simple et délimitée, de rap-.
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