Dissertation sur Racine
Publié le 12/04/2018
Extrait du document


«
Connus de tous pour être un tyran, c’est également ainsi qu’il est dépeint dans la pièce.
Il est l’auteur
de l’enlèvement de Junie, la contraint à mentir à Britannicus, tends à vouloir être craint par son
peuple car lassé de lui plaire, veut évincer sa propre mère, etc.
Or, cet aspect tyrannique entre en
contradiction avec son aspect tyrannisé : en effet, au-delà du pouvoir et de l’autorité qu’il exerce,
l’amour se fait le tyran du cœur de Néron.
Néron en tant que tyran est lassé de vouloir être aimé par
son peuple, ou même sa mère Agrippine mais ne cesse de souhaiter être aimé par Junie, ainsi
apparaît une sorte d’altérité au sein de son identité sociale.
Cette recherche d’amour, de séduction au
travers du personnage de Junie illustre parfaitement notre maxime ; sa fonction d’empereur est mise
à mal par l’empire qu’exerce l’amour sur lui, il est d’une certaine façon destituée de sa fonction et de
son rang social et ainsi, différent de lui-même d’une certaine manière.
Cette identité sociale, ce rôle qui est celui des personnages passent par les liens familiaux et
relationnelles.
En effet, dans Mithridate , celui-ci porte l’identité du père, Pharnace et Xypharès,
celles du fils, Monime celle d’épouse ; et c’est par leur états différents de ces identités qu’ils se
retrouvent parfois différents de ce qu’ils sont, différents d’eux-mêmes.
Dans la pièce, ceci est
particulièrement visible dès l’Acte I : on peut y voir Pharnace et Xypharès discuter de la (fausse) mort
de leur père en faisant part de leur amour pour celle qui est donc leur belle-mère, ou doit le devenir.
Cet amour pour Monime, de la part des deux frères vient induire une différence en eux-mêmes.
Sous
couverts d’être des figures de fils, et donc implicitement fidèles à leur père, ceux-ci sont en réalités
des traîtres puisqu’ils aiment la même femme comme le souligne Xypharès en quelques répliques :
« Cette belle Monime/Qui du Roi notre père attira tous les vœux, /Dont Pharnace après lui se déclare
amoureux […] Je l’aime, et ne veux plus m’en taire ».
Ainsi, en convoitant un amour qui est celui de
leur père, les deux fils dérogent à leur figure, trahissent les liens familiaux : ce que Mithridate
dénonce lui-même à l’Acte II en leur appliquant les qualificatifs de « Fils ingrats » (v.
462) puis en
désignant particulièrement Pharnace comme un « Traître ! » et un « criminel » (respectivement v.495
et v.521).
De même, de par son amour pour Xypharès alors qu’elle est Reine, et fiancée – bien que le
terme soit quelque peu anachronique – à Mithridate, Monime se retrouve aussi étrangère à
elle-même, étrangère à sa fonction, à son lien, à son rang, en un mot : à son identité sociale.
Nous
pouvons également observer tout au long de la pièce en quoi le roi déroge également à son rôle et sa
figure de père : bien qu’affirmant être un père aimant : « un Père qui vous aime » (v.427), Mithridate
n’a de cesse de considérer ses enfants comme des traîtres, de vouloir exiler Pharnace et le fait saisir
par des gardes ; il tente également de piéger Xypharès, monte des stratagèmes, etc.
Dans Britannicus , on observe des situations similaires : en effet, Agrippine, figure de la mère,
a tout fait pour mettre son fils Néron au pouvoir…mais elle est tout à fait différente d’une véritable
mère, puisque son but in fine est de conserver le pouvoir, d’avoir main mise sur les affaires de
l’empire.
Agrippine est ainsi différente d’elle-même, mère aimante, elle devient une mère obsédée
par le pouvoir et trahi son propre fils.
Elle qui avait tout fait, qui était aux côtés de son fils, elle se
place dans la pièce aux côtés de Britannicus, demi-frère et rival de Néron : elle est par là donc
différente d’elle-même en tant que mère, mais également au niveau de ses engagements.
Dans un
même temps, Néron déroge aussi à ses devoirs en tant que fils, il refuse d’écouter ou de se trouver en
présence ou de lui accorder quelque crédit ; il bafoue l’autorité de celle qui lui a tout donné, il rompt
ainsi le contrat tacite de ce qu’est un fils, il est différent de lui-même : Agrippine exprime ceci dans le
dialogue entre Agrippine et Albine, ainsi que la tirade qui débutent la pièce : « Tout lui parle,
Madame, en faveur d’Agrippine : / Il vous doit son amour » « Il me le doit, Albine » plus loin mis à mal
par « Mais qu’il songe un peu plus qu’Agrippine est sa mère ».
Plus loin dans la pièce, Néron mentira
à sa mère en acceptant faussement de se réconcilier avec Britannicus, et brisera donc la promesse.
Néron est différent de lui-même, c’est là tout le sel de notre tragédie : la naissance d’un tyran, d’un
homme qui devient différent de lui-même en étouffant la figure de mère qu’est Agrippine.
A quelques occasions, également, cette différence est personnelle, au sein même de l’identité
et du for intérieur ; les personnages sont soumis à des changements qui les rendent différents
d’eux-mêmes : par exemple, dans Mithridate, le roi décrit comme victorieux, puissant et heureux :
2.
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