Dissertation sur les Contemplations de Victor Hugo
Publié le 23/04/2023
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«
Introduction
Les poètes romantiques ont dû se défendre contre de nombreuses attaques.
Aussi Victor Hugo, dans la préface des Contemplations, répond-il à ceux qui
se plaignent « des écrivains qui disent moi ».
Il assure que le « moi » du poète
peut aussi se transformer en « nous ».
Mais peut-on aller jusqu'à affirmer que
le poète devient une « âme collective », comme le fait Baudelaire dans un
article consacré à Victor Hugo en 1861 ? Pour mieux comprendre les liens qui
unissent le poète et son lecteur, nous commencerons par analyser le rôle du «
je ».
Nous montrerons ensuite que le « moi » peut se faire le porte-parole de
ceux qui sont condamnés au silence.
Les mots du poète gagnent alors une
portée universelle.
« Un cri de l'âme »
Des voix singulières
Le « moi » occupe bien une place importante dans Les Contemplations.
Victor Hugo
nous propose par exemple une série de rêveries qui mettent une « âme » à nu.
C'est
le cas dans « Les Oiseaux » :
Je rêvais dans un grand cimetière désert ;
De mon âme et des morts j'écoutais le concert,
Parmi les fleurs de l'herbe et les croix de la tombe.
[…] Autour de moi, nombreux,
[…] Des moineaux francs faisaient l'école buissonnière.
Non seulement l'âme du poète est la source de la rêverie, mais c'est bien autour du
« moi » que gravitent les oiseaux et le reste du poème.
Victor Hugo va plus loin en
mettant un événement intime au centre des Contemplations : la mort de sa fille
Léopoldine.
Si le recueil s'assombrit peu à peu, le début de « Pauca meae » marque
bien une rupture.
Le poète, pourtant si prolixe, devient même silencieux dès lors qu'il
s'agit d'évoquer le 4 septembre 1843, date de la mort de sa fille et de son gendre.
Les mots ne semblent plus capables de traduire son trouble.
Il poursuit tout de
même son chemin et fait revivre un passé chéri pour oublier un morne présent :
Oh ! je l'avais, si jeune encore,
Vue apparaître en mon destin !
C'était l'enfant de mon aurore,
Et mon étoile du matin ! (IV, 6)
Ce recueil peut alors rappeler les Méditations poétiques de Lamartine.
Ce dernier
évoque lui aussi, dans « Le Lac », une douloureuse disparition :
Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !
De la musique avant toute chose
Il ne faut cependant pas considérer le poème comme un récit autobiographique.
Il ne
s'agit pas seulement de raconter une série de souvenirs personnels : il importe avant
tout de les sublimer par la beauté du chant poétique.
Le poète devient ici l'égal
d'Orphée, qui utilisait lui aussi sa lyre pour charmer et évoquer sa peine.
Hugo fait
souvent référence à ce mythe dans son recueil, à tel point qu'il écrit : « j'entends ce
qu'Orphée entendit ».
Le lyrisme ne repose donc pas seulement sur l'expression de
sentiments personnels.
Il s'accompagne d'une musicalité que les vers parviennent à
restituer.
Les cordes de la lyre deviennent alors, pour le poète, « les fibres mêmes
du cœur de l'homme », comme l'écrit Lamartine.
Dans « La Fête chez Thérèse », la
musique vient même de la nature, et le poème de Victor Hugo s'en fait l'écho :
Si bien qu'à ce concert gracieux et classique,
La nature mêlait un peu de sa musique.
« De la musique avant toute chose », conseille justement Verlaine au début de son
célèbre « Art poétique ».
Cette musicalité est intimement liée au travail sur les
rythmes et les sonorités.
C'est pourquoi Hugo, loin de s'en tenir à un seul type de
vers, manie aussi bien un vers court comme l'octosyllabe qu'un vers long comme
l'alexandrin.
Il utilise également différents schémas de rimes.
C'est aussi ce travail
formel qui doit mettre en valeur les émotions du « moi » en leur permettant de
trouver une nouvelle forme, capable de toucher les lecteurs.
On comprend dès lors
pourquoi Hugo peut affirmer, dans la préface des Contemplations, que le recueil
renferme « les mémoires d'une âme ».
Mais cette plongée dans l'intime n'exclut pas
le détour par l'altérité.
Un cri de révolte
La voix des sans voix
On sait combien Victor Hugo, dans ses romans ou ses discours, a accordé
d'importance aux « misérables », pour reprendre le titre d'une de ses plus célèbres
œuvres.
On se tromperait en pensant que ses poèmes font exception.
Parler de lui
n'empêche pas le poète de penser aux autres.
C'est aussi en ce sens qu'il a «
charge d'âmes ».
Ainsi, même si son recueil se compose d'éléments très intimes,
Hugo se fait le porte-parole de ceux qui sont condamnés au silence.
La misère qu'il
évoque contribue à obscurcir cette « Aurore » qui semblait pourtant si lumineuse au
début du recueil.
« Écoutez », nous ordonne-t-il dans « Melancholia ».
Il nous invite
à tendre l'oreille, pour entendre la douleur d'« une femme au profil décharné, /
maigre, blême, portant un enfant étonné / […] qui se lamente au milieu de la rue ».
Il
dénonce également le travail des enfants :....
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