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dissertation juste la fin du monde: crise familiale et crise du langage

Publié le 18/06/2023

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« Le 11 février 1988, dans son journal, Jean-Luc Lagarce rédigeait « je vais m’atteler très vite à une pièce.

Le fils vient, revient.

Il va mourir, il est encore jeune.

Il n’a jamais vraiment parlé.

Il vient écouter.

On ne le dit pas, mais on sait qu’on ne se reverra jamais ».

Il écrivait là les prémices de sa pièce Juste la fin du monde qu’il achèvera en 1990.

Après sa mort, elle deviendra une des pièces les plus jouées dans le monde.

Dans cette œuvre, Louis revient après douze ans d’absence parmi sa famille pour annoncer sa mort, ce qui ravive les tensions au sein de cette dernière.

Le dramaturge Jean-Pierre Sarrazac qualifie la pièce de « drame qui n’advient pas, qui restera l’affaire intime d’un seul en butte à l’impossibilité se faire entendre – ou celle de s’exprimer ».

Le mot drame, du latin drama désigne l’action, la pièce de théâtre autant qu’un événement triste qui arrive à un être humain.

La question d’intimité est intéressante car dans cette pièce, personnel se mêle à familial.

Nous pouvons nous demander en quoi le drame intime de Louis n’a pas lieu de par son incommunicabilité tout en provoquant les drames individuels des membres de sa famille qui s'expriment dans une crise du langage.

Pour répondre à cette problématique, nous verrons que s'il est vrai que dans cette pièce, l'événement triste n'a pas lieu et reste intime à Louis de par l'incommunicabilité dont il est victime, cependant, la pièce est également le théâtre d'une crise familiale qui révèle le drame de chacun dans une crise du langage. Pour commencer, nous allons voir que cette citation peut s'appliquer à la pièce.

Pour cela, nous étudierons tout d'abord le manque d'action de la pièce, le drame attendu qui n'arrive finalement pas, puis nous verrons que ce drame est celui de Louis, avant d'analyser l'incommunicabilité de ce dernier. En premier lieu, nous pouvons dire que dans cette pièce, il n'y a pas d'action réelle : il y a un effet de boucle entre le prologue et l'épilogue en raison de la construction spiralaire du récit.

En effet, les personnages reformulent sans cesse leurs propos à l’aide d’épanorthoses.

Une pièce de théâtre est habituellement composée d'une exposition d'un nœud, de péripéties et d'un dénouement qui correspond dans un drame à la fin tragique.

Cependant, dans cette pièce, ces étapes ne sont pas présentes et la parole devient l’enjeu de la pièce.

Effectivement, dès le début de la pièce, Louis exprime sa volonté d’annoncer à sa famille « [sa] mort prochaine et irrémédiable ».

Dès ce prologue, à travers le long monologue de Louis, on comprend l’importance de cette annonce, qui est le cœur de la pièce, et notamment par les nombreuses occurrences des verbes « dire » et « annoncer », mais également l’attention que Louis donne à cette annonce, à laquelle il réfléchit énormément comme le démontre les adverbes employés pour définir la manière dont il dira sa déclaration : « lentement », « calmement ».

Et pourtant, la pièce se termine sans que Louis n’ai annoncé sa mort.

Alors que la pièce commence sur l’annonce du projet de Louis, elle se conclue sur l’échec de celui-ci.

Ainsi , en ce sens, le « drame n’advient pas », Louis n’annonce pas sa mort prochaine à sa famille. En second lieu, nous pouvons remarquer que le bouleversement vécu par Louis dans cette pièce est d’autant plus grand qu’il reste toute la pièce un secret pour lui.

Il se sent différent des autres membres de sa famille et ne révèle pas la raison de sa venue.

Seul le spectateur connaît son secret.

Il est devenu un étranger au sein de sa famille après tant d’années d’absence. Il est seul au milieu des siens, isolé.

Malgré le fait que ce soit le personnage principal, Louis s’efface totalement face aux autres.

Ce n’est que lors des monologues auxquels il se livre plusieurs fois dans l’œuvre qu’il se révèle.

Dans le monologue de la scène 10 de l’acte 1, Louis exprime sa peur de mourir : « ce que l’on croit toujours, je l’imagine/ c’est rassurant, c’est pour avoir moins peur (…) c’est que le reste du monde disparaîtra avec soi ».

En effet, si Louis traverse une crise personnelle, c’est avant tout parce que la menace de sa mort prochaine plane au dessus de lui.

Sa mort est juste la fin d’un monde, le sien.

Le reste lui survivra. Louis a beaucoup de mal a accepter cela, et dans cette scène, comme un enfant qui pense que lorsqu’il ferme les yeux tout son monde disparaît, il avoue avoir d’abord espéré que le monde entier parte avec lui, « et [qu’il] ne soit pas seul ».

Il est effrayé par sa solitude prochaine.

Pourtant, en faisant partie des vivants, Louis se retranche dans la solitude lors de cette réunion de famille.

Louis ne parvient pas à annoncer sa mort et ce drame reste donc « l’affaire d’un seul ». Si ce drame reste secret, c’est surtout parce que Louis ne parvient pas à se faire entendre.

Pourtant écrivain sachant manier la langue, ce dernier reste durant toute la pièce muré dans un silence assourdissant.

Confronté aux reproches de sa famille, le droit à la parole lui est retiré.

Il se contente de dire des banalités, contournant ainsi le plus important : l’annonce de sa mort.

Le silence de Louis lui est reproché par tous les membres de sa famille.

Ainsi, dans la scène 8 de l’acte 1, la mère livre un long soliloque dans lequel elle demande à Louis de prendre sa place d’aîné de la famille et d’encourager Antoine et Suzanne dans leurs voies.

Elle prévoit la façon dont Louis va réagir à ce que vont lui dire son frère et sa sœur : « tu répondras à peine deux ou trois mots/ ou tu souriras, la même chose/ tu leur souriras (…) ce sourire (…) sera comme la trace du mépris ».

En anticipant ses actions, elle le condamne à rester silencieux, et même à être méprisant.

Elle l’empêche de choisir par lui même, lui enlevant la possibilité de se livrer.

De cette façon, en le forçant à parler, les membres de sa famille le réduisent au silence.

Il est dans « l’impossibilité de se faire entendre ». Nous avons donc vu que cette citation peut s’appliquer à la pièce, de par le fait que l’enjeu de la pièce soit dans la parole et non dans les péripéties, mais également car Louis est un héros tragique qui vit un drame intime en silence. Nous allons à présent voir que cette citation a des limites.

Pour cela, nous verrons tout d’abord la crise familiale qui est au cœur de cette œuvre, puis nous nous pencherons sur les drames individuels des membres de la famille.

Enfin, nous analyserons la crise du langage qui traduit cette crise familiale. Dans cette pièce, le drame s’exprime de diverses façons.

Une d’entre elle est le drame familial.

On rencontre une tension dramatique croissante qui est la conséquence de tous les conflits qui éclatent.

Ces crises sont.... »

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