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Discours du vieux Tahitien_Supplément au voyage de Bougainville_DIDEROT

Publié le 12/11/2012

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discours
DIDEROT, Supplément au voyage de Bougainville (1772). Mythe du bon sauvage En 1771, paraissait le Voyage autour du monde, écrit par le navigateur Bougainville qui venait, de novembre 1766 à mars 1769, de faire un long périple autour du monde. Bougainville avait ramené avec lui un Tahitien, Aotourou, qu'il 'promena' dans Paris et qui provoqua un véritable engouement. Diderot trouva dans le récit du voyageur et dans les témoignages du Tahitien l'occasion d'une double réflexion sur le problème politique et social de la colonisation et sur la question, morale et sociale, de la liberté sexuelle. La remise en cause d'institutions telles que le mariage, la mise en évidence de la relativité des coutumes rejoignent les préoccupations sociales et philosophiques de Diderot. OEuvre polémique, le Supplément au voyage de Bougainville pose les bases d'une société dans laquelle le respect de la nature se rapproche du mythe du bon sauvage. Il ne faut pas y voir, cependant, le modèle unique prôné par le philosophe. Genre hybride entre l'essai philosophique et la fable, inventé par Diderot. Complément à un autre texte, le Voyage autour du monde, écrit par le navigateur Bougainville, qui a périt en mer. Ce livre a beaucoup intéressé Diderot. OEuvre polémique dans laquelle Diderot s'attaque à la religion, et c'est aussi une réflexion sur la morale sexuelle. Le Supplément au voyage de Bougainville est composé de cinq parties. Dans la seconde, intitulée « Les adieux du vieillard «, Diderot met en scène un personnage qui figure dans le récit de Bougainville. En apparence indifférent à la présence des Européens pendant leur séjour à Tahiti, il leur adresse une violente invective au moment de leur départ. Situation. Extrait situé dans la section II du livre. Discours du vieillard tahitien qui constitue la première partie de cette section, la deuxième partie étant formée d'un dialogue entre A et B, qui échangent rapidement leurs impressions sur ce discours et c'est aussi l'occasion pour B de donner des informations sur cette prétendue copie inédite du Supplément qu'il possède, ainsi qu'une anecdote sur la Bourguignonne déguisée en homme et convoitée par les jeunes Tahitiens. Double originalité du discours du vieillard tahitien : A la fin de la section I, B conseille à A de passer un certain nombre de pages du Supplément pour concentrer son attention sur le discours d'adieux adressé par le vieux Tahitien à Bougainville et son équipage. Diderot bouleverse la chronologie : au lieu de commencer par évoquer l'année des Français sur l'île de Tahiti, il commence par la fin, en traitant la fin de leu séjour sur l'île. Stratégie habile de Diderot : c'est un discours virulent qui lui permet immédiatement d'exposer sa thèse : le colonialisme est illégitime. Autre fantaisie de Diderot : le texte du discours du vieillard aurait été traduit par Orou du tahitien en espagnol et Bougainville en aurait eu une copie au moment même où le vieillard prononçait son discours ! Illusion, effet de réel qui permet à Diderot de faire croire qu'il n'est pas lui-même l'auteur de ce discours et de contourner la censure. L'orateur est un vieillard de plus de 90 ans qui n'a pas de pouvoir politique mais qui détient une grande autorité familiale. De manière générale, grand respect de la tribu pour les vieillards, auxquels sont offerts 1/6ème de la récolte des fruits sur l'île. Après s'être adressé à ses compatriotes et leur avoir prédit un sinistre avenir, le vieillard s'adresse à Bougainville. « C'est un vieillard qui parle. Il était père d'une famille nombreuse. A l'arrivée des Européens, il laissa tomber des regards de dédain sur eux, sans marquer ni étonnement, ni frayeur, ni curiosité. Ils l'abordèrent; il leur tourna le dos et se retira dans sa cabane son silence et son souci ne décelaient que trop sa pensée: il gémissait en lui-même sur les beaux jours de son pays éclipsés. Au départ de Bougainville, lorsque les habitants accouraient en foule sur le rivage, s'attachaient à ses vêtements, serraient ses camarades entre leurs bras, et pleuraient, ce vieillard s'avança d'un air sévère, et dit pleurez, malheureux Tahitiens! « Pleurez; mais que ce soit de l'arrivée, et non du départ de ces hommes ambitieux et méchants: un jour, vous les connaîtrez mieux. Un jour, ils reviendront, le morceau de bois que vous voyez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l'autre, vous enchaîner, vous gorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices; un jour vous servirez sous eux, aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu'eux. Mais je me console; je touche à la fin de ma carrière; et la calamité que je vous annonce, je ne la verrai point. O tahitiens! mes amis! vous auriez mi moyen d'échapper à un funeste avenir; mais ...
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« vieillard prononçait son discours ! Illusion, effet de réel qui permet à Diderot de faire croire qu’il n’est pas lui-même l’auteur de ce discours et de contourner la censure. L’orateur est un vieillard de plus de 90 ans qui n’a pas de pouvoir politique mais qui détient une grande autorité familiale.

De manière générale, grand respect de la tribu pour les vieillards, auxquels sont offerts 1/6 ème de la récolte des fruits sur l’île.

Après s’être adressé à ses compatriotes et leur avoir prédit un sinistre avenir, le vieillard s’adresse à Bougainville. « C'est un vieillard qui parle.

Il était père d'une famille nombreuse.

A l'arrivée des Européens, il laissa tomber des regards de dédain sur eux, sans marquer ni étonnement, ni frayeur, ni curiosité.

Ils l'abordèrent; il leur tourna le dos et se retira dans sa cabane son silence et son souci ne décelaient que trop sa pensée: il gémissait en lui-même sur les beaux jours de son pays éclipsés.

Au départ de Bougainville, lorsque les habitants accouraient en foule sur le rivage, s'attachaient à ses vêtements, serraient ses camarades entre leurs bras, et pleuraient, ce vieillard s'avança d'un air sévère, et dit pleurez, malheureux Tahitiens! « Pleurez; mais que ce soit de l'arrivée, et non du départ de ces hommes ambitieux et méchants: un jour, vous les connaîtrez mieux.

Un jour, ils reviendront, le morceau de bois que vous voyez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l'autre, vous enchaîner, vous gorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices; un jour vous servirez sous eux, aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu'eux.

Mais je me console; je touche à la fin de ma carrière; et la calamité que je vous annonce, je ne la verrai point.

O tahitiens! mes amis! vous auriez mi moyen d'échapper à un funeste avenir; mais aimerai mieux mourir que de vous en donner le conseil.

Qu'ils s'éloignent, et qu'ils vivent.

» Puis s'adressant à Bougainville, il ajouta: « Et toi, chef des brigands qui t'obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive: nous sommes innocents, nous sommes heureux; et tu ne peux que nuire à notre bonheur.

Nous suivons le pur instinct de la nature; et tu as tenté d'effacer de nos âmes son caractère.

Ici tout est à tous et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien.

Nos filles et nos femmes nous sont communes; tu as partagé ce privilège avec nous; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues.

Elles sont devenues folles dans tes bras; tu es devenu féroce entre les leurs.

Elles ont commencé à se haïr; vous vous êtes égorgés pour elles; et elles nous sont revenues teintes de votre sang.

Nous sommes libres; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage.

Tu n'es ni un dieu, ni un démon qui es-tu donc, pour faire des esclaves? Orou! toi qui entends la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous, comme tu me l'as dit à moi-même, ce qu'ils ont écrit sur cette lame de métal: Ce pays est a nous.

Ce pays est à toi! et pourquoi? parce que tu y as mis le pied? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu'il gravât sur une de vos pierres ou sur l'écorce d'un de vos arbres.

Ce pays est aux habitants de Tahiti, qu'en penserais-tu? Tu es le plus fort! Et qu'est-ce que cela fait? Lorsqu'on t'a enlevé une des méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli, tu t'es récrié, tu t'es vengé; et dans le même instant tu as projeté au fond de ton coeur le vol de toute une contrée! Tu n'es pas esclave: tu souffrirais plutôt la mort que de l'être, et tu veux nous asservir! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir? Celui dont tu veux t'emparer comme de la brute, le Tahitien est ton frère.

Vous êtes deux enfants de la nature; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi? Tu es venu; nous sommes-nous jetés sur ta personne? avons-nous pillé ton vaisseau? t'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis? t'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux? Nous avons respecté notre image en toi.

Laisserons nos moeurs; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières.

Tout ce qui nous est nécessaire et bon, nous le possédons.

Sommes-nous dignes de mépris, parce que nous n'avons pas su nous faire des besoins superflus? Lorsque nous avons faim, nous avons de quoi manger; Lorsque nous avons froid, nous avons de quoi nous vêtir.

Tu. »

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