DEUXIÈME PARTIE DE LA NOUVELLE HELOISE DE ROUSSEAU (analyse et résumé)
Publié le 30/04/2011
Extrait du document
Le désespoir de l'exilé. Ainsi le rêve de Saint-Preux est évanoui. Longtemps, dans sa soif d'être heureux, il s'est leurre d'une impossible chimère. Et puis il s'est heurté à l'inévitable et tragique réalité. Il a perdu Julie ; il l'a quittée sans doute pour toujours. Or, Rousseau a traversé la même situation. Le roman de Julie et de Saint-Preux n'a d'abord été pour lui qu'une sorte de rêve éveillé qu'il poursuivait, pour tromper la solitude de son cœur, dans les sentiers fleuris delà forêt de Montmorency. Puis, les hasards de sa destinée ont semblé, pendant de trop courts moments, réaliser son rêve. Il a rencontré Mme d'Houdelot. Il l'a aimée éperdument. Mme d'Houdelot a le cœur tendre, mais elle ne l'aime pas, elle aime Saint-Lambert, elle entend lui rester fidèle. Des bruits ont couru d'ailleurs, comme sur le compte de Julie et Saint-Preux. Saint-Lambert a été informé ; il s'inquiète et s'irrite, plus paisiblement d'ailleurs que M. d'Etange. Mais tout de même il se plaint à son amie. Mme d'Houdelot se fait défiante et réservée. Jean-Jacques comprend qu'il faut rompre. Il se résigne, en se désespérant, et il écrit à « Sophie « une lettre de séparation. La première lettre que Saint-Preux écrit après son départ, un départ qu'il sait probablement sans retour, est comme un écho de cette lettre de Rousseau à Mme d'Houdelot. L'auteur du roman et son héros, comme dans tant d'autres passages, se confondent profondément.
«
plaisirs aux regrets éternels : je touche encore au bonheur qui m'échappe...
j'y touche encore, et le perds pourjamais ! Ah ! si je le pouvais croire ! si les restes d'une espérance vaine me soutenaient...
O rochers de Meillerie,que mon œil égaré mesura tant de fois, que ne servîtes-vous mon désespoir ? J'aurais moins regretté la vie quand jen'en avais pas senti le prix.
Une épreuve redoutable.
Milord Edouard offre un asile aux deux amants.
Cependant Milord Edouard écrit à Claire pour la tenir au courant des événements.
Saint-Preux est tombé d'aborddans la « léthargie » des grandes douleurs ; puis, une sombre fureur a commencé à l'agiter.
Sans doute il entriomphera.
L'issue reste incertaine : « Je puis répondre de ses fureurs, mais non pas de son désespoir, et quoi qu'onfasse, tout homme est toujours maître de sa vie ».
Pourtant, « il est fait pour combattre et vaincre ».
Car, « unamour pareil au sien n'est pas tant une faiblesse qu'une force mal employée ».
Et le philosophe Rousseau prendprétexte de la situation pour disserter, par la bouche du philosophe Edouard, sur deux thèmes qui lui sont chers etqui n'étaient d'ailleurs pas tout à fait neufs.
Il n'y a pas de véritable philosophie si on ne sait pas allier la raison et lefeu du cœur ; « l'on ne sert dignement la philosophie qu'avec le même feu qu'on sent pour une maîtresse ».
Saint-Preux et Julie auraient donc été à la fois des gens heureux, de parfaits amants et de grands sages.
Mais un préjugéinsensé est venu « changer les directions éternelles » et bouleverser « l'harmonie des êtres pensants ».
Nouvellediscussion du préjugé dont Rousseau cite, dans une note, un exemple qui avait été retentissant.
Le jeune M.
de laBédoyère avait épousé, à l'insu de ses parents, en 1744, une actrice charmante et parfaitement honnête, AgatheSticotti.
Le père de M.
de la Bédoyère, bien qu'il y eût un enfant, obtint du Parlement, en 1745, qu'il cassât lemariage.
Le procès avait vivement ému l'opinion ; on avait mis l'histoire en roman larmoyant.
Le préjugé étaitpourtant assez fort pour que Malesherbes fît supprimer la note de Rousseau dans l'édition de la Nouvelle Héloïsequ'on imprima, expurgée, à Paris.
Mais la « grande âme » de Milord Edouard ne peut se résigner à l'injustice du préjugé.
Il voit dans les deux amantsun incomparable modèle d'amants parfaits.
Il s'est pris d'attachement pour cette perfection.
Puisque, ni Julie niSaint-Preux ne peuvent s'oublier, les tourments de leurs impossibles amours vont les jeter, de misère en misère,dans l'oubli de toutes leurs vertus.
Il faut donc qu'ils s'épousent.
Et il ne reste qu'un moyen.
Milord Edouard possèdedans le duché d'York une terre « assez considérable ».
On peut y mener une vie innocente et bienheureuse.
QueJulie vienne y rejoindre Saint-Preux.
Les « sages lois » anglaises leur permettront de se marier.
Tentation redoutable, digne de Corneille ou plutôt de Plutarque dont Rousseau faisait une lecture assidue.
Problèmede « vertu » qui devait démontrer que le roman n'était pas une leçon de libertinage, ni même de passion, mais uneécole de sagesse et de sacrifice.
Si Julie rejette la proposition de Milord Edouard, elle plonge dans le désespoir « leplus digne amant que la terre ait jamais porté ».
Si elle l'accepte, elle couvre les vieux jours de ses parents « dedouleur et d'opprobre ».
« Tant de combats, écrit-elle, à Claire, passent ma force et troublent ma raison ; je perdsà la fois le courage et le sens.
Je n'ai plus d'espoir qu'en toi seule, ou choisis ou laisse-moi mourir ».
Claire, bien entendu, est incapable de résoudre le dilemme : sacrifier Saint-Preux ou les parents de Julie.
Mais elleprend du moins une décision : si Julie reste près des siens, elle restera près de Julie.
Si elle part avec Saint-Preux,elle quittera tout pour la suivre.
Rien ne l'emportera dans son cœur sur l'amitié qui la lie pour toujours à sa cousine.Son père se consolera aisément de son départ.
M.
d'Orbe, qu'elle doit épouser, n'est pas de ceux qui meurent d'amour, et elle n'a d'ailleurs pour lui que del'attachement.
Cette résolution est justifiée par une longue digression, ou plutôt, par une longue dissertation quin'est ni la première ni la dernière, sur l'attrait que Julie exerce sur tous ceux qui l'approchent.
« Ce n'est ni labeauté, ni son esprit, ni la grâce, ni rien de tout ce qu'on entend par le don de plaire ».
C'est seulement « cetteâme tendre et cette douceur d'attachement qui n'a pas d'égale ».
C'est aussi la « trempe » de son caractère ; carJulie est de ces grandes âmes qui « de leur sublime élévation attirent à elles tout ce qui les environne ».
Ladissertation est un peu longue ; nous aimons que les héros de roman fassent sentir leurs attraits et non pas qu'onnous les démontre.
Elle n'est même pas toujours très claire.
Mais Rousseau y tenait parce qu'il écrivait pour Sophied'Houdelot et parce qu'il faisait ou croyait faire son portrait.
Les dieux, disait Sophie d'elle-même, « m'ont fait lecœur le plus tendre.
Ils l'ont rendu le plus heureux ».
Et elle avait prouvé à Rousseau qu'elle était vertueuse, aumoins à sa façon.
Victoire de la vertu.
Julie a compris la leçon du silence de Claire : « Je t'entends, amie incomparable, et je te remercie.
Au moins, unefois, j'aurai fait mon devoir, et ne serai pas en tout indigne de toi ».
Elle écrit donc à Milord Edouard pour leremercier et pour refuser.
Dans l'asile qu'il lui offre, elle trouverait l'amour et la sécurité.
Mais « est-ce assez pour lafélicité ? » Non, pour elle qui n'a pas perdu toute conscience et qui serait torturée par le remords.
Elle a failli, maiselle a gardé l'amour du devoir et cette noblesse des âmes généreuses qui ne peuvent trouver le bonheur dans lafaute.
Son refus jette Saint-Preux dans une nouvelle crise de désespoir.
Il gémit, il l'accuse.
Avec une tendrefermeté, une énergie contenue et pathétique, Julie se justifie et maintient ses résolutions « tu m'oses faire desreproches ? tu t'oses plaindre de moi ?...
de ta Julie ?...
barbare !...
comment ces remords n'ont-ils pas retenu tamain ? » Le sort de Julie n'est-il pas plus cruel que le sien ? Elle souffre, comme lui, de la séparation ; elle estdestinée, sans doute, à un mariage dont elle déteste la pensée.
Claire joint ses reproches à ceux de Julie.
Saint-Preux torture celle qu'il aime : « changez de langage avec Julie si vous voulez qu'elle vive »..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- ANALYSE DE LA QUATRIÈME PARTIE DE LA NOUVELLE HELOISE DE ROUSSEAU
- JULIE OU LA NOUVELLE HÉLOÏSE de Jean-Jacques Rousseau (résumé & analyse)
- Julie ou la Nouvelle Héloïse (résumé & analyse) de Rousseau
- ROUSSEAU: Julie ou la nouvelle Héloïse. (Résumé & Analyse)
- JULIE OU LA NOUVELLE HÉLOISE LETTRES DE DEUX AMANTS, HABITANTS D'UNE PETITE VILLE AU PIED DES ALPES. RECUEILLIES OU PUBLIEES PAR JEAN-JACQUES ROUSSEAU. PREMIÈRE PARTIE (analyse)