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Des Cannibales, Essais, Livre I, Chap 1, Montaigne

Publié le 11/08/2012

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montaigne

Tous ces procédés d’insistance, associés à un discours audacieux sur un  sujet sensible, confèrent au discours un ton polémique. Ce registre est  assuré par la virulence lexicale : Montaigne utilise, notamment pour blâmer  la culture, des expressions très vives : « abâtardies «, « corrompu «,  « étouffée «, « vaines et frivoles «. La plupart de ces termes appartiennent  en outre au champ lexical de la corruption (maladie), de la putréfaction.  Et le registre polémique est également soutenu par l’ironie : « Là  est toujours la parfaite religion, la parfaite police, le parfait et accompli  usage de toutes choses «. La suite du propos met en évidence le fait qu’il  s’agit là d’une antiphrase : Montaigne tourne en dérision les certitudes  des Européens, en montrant qu’il s’agit là de préjugés.

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« Cet intérêt pour les Indiens cannibales est d'autant plus vif qu'il s'inscritdans la conversation que Montaigne instaure avec son lecteur :avec les Essais, il renouvelle la relation entre l'auteur et son lecteur,l'écriture instaurant un « colloque ».

Ainsi, la stimulation du lecteurest constante et le discours s'inscrit dans une conversation libre,comme le signale l'expression : « pour revenir à mon propos ».

Montaigneaime les excursions et digressions que permet le développementd'une conversation entre interlocuteurs de confiance : l'essaiest une forme libre, qui s'écrit « à sauts et à gambades ».

Il fait aussiintervenir d'autres discours que le sien, invitant dans cette conversationdes interlocuteurs absents : « à ce qu'on m'en a rapporté ».Cette implication constante du lecteur se manifeste par l'usage dela première personne du pluriel, qui associe l'auteur et le lecteur :« nous ».Ces différentes caractéristiques confirment la parenté entre l'essai etl'épistolaire, son ancêtre : l'auteur s'inscrit dans un dialogue ; le destinataireest un interlocuteur potentiel ; la communication littéraires'établit sur un mode d'égalité.Ces trois données fondent l'essai ; elles en assurent également l'efficacitépédagogique. Un regard critique sur les Européens a) La remise en cause de la toute-puissance des EuropéensMontaigne énonce la thèse qu'il va défendre au début de l'extrait :« il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu'onm'en a rapporté : sinon que chacun appelle barbarie, ce qui n'estpas de son usage ».

L'essayiste refuse donc d'établir une hiérarchieentre Européens et Indiens.

La remise en question des valeurs estla conséquence d'une attitude humaniste : elle découle du développementd'un esprit critique guidé par le libre arbitre.

Il y a uneapparente contradiction dans le fait que cette attitude va jusqu'àmettre en doute la confiance dans la culture de la société de sontemps.

Ainsi, par une mise en œuvre et une maîtrise rigoureusesdes concepts humanistes, Montaigne en balaie les certitudes etouvre l'ère du doute.

Cependant, cette table rase se verra complétéepar un autre chapitre des Essais (« Des Coches », III, 6), danslequel Montaigne, déplorant le sort réservé aux Indiens d'Amériquepar les Espagnols, exprime son souhait irréalisable que « cemonde enfant » fût tombé « sous Alexandre ou sous ces anciensGrecs et Romains », « sous des mains qui eussent poli et défrichéce qu'il y avait de sauvage, et eussent conforté et promu les bonnessemences que nature y avait produites, mêlant non seulement àla culture des terres et à l'ornement des villes les arts de deçà, entant qu'elles y eussent été nécessaires, mais aussi mêlant les vertusgrecques et romaines.

» b) Le duel entre Nature et CultureLe renversement des conceptions acquises par la Renaissance,qui célèbrent la puissance et la vertu de la culture, repose, dans letexte, sur une opposition terme à terme.

Le tableau suivant permetde mettre en évidence cette opposition :État de culture État de nature En vivant selon la nature, les sauvages nous rappellent qu'elle est lamère nourrice des hommes.

Montaigne rappelle aussi que suivre la nature,c'est suivre le bien et la raison.

En effet, les besoins naturels sont limités; en les satisfaisant, les hommes se rendent heureux et gardent entoutes choses la mesure et la modération : « Ils sont encore en cet heureuxpoint, de ne désirer qu'autant que leurs nécessités naturelles leurordonnent ».

Le mode de vie qui semble le mieux convenir aux hommesest donc celui qui se rapproche le plus de l'état de nature. c) Le tableau de l'âge d'orCet ordre naturel n'est pas sans évoquer le mythe de l'âge d'or,exposé par Hésiode, poète grec du VIIIe siècle avant Jésus-Christ,et transmis par la culture classique.

Ce mythe suppose qu'aux originesl'homme vivait dans un état paradisiaque, jouissant de tousles bonheurs de la nature en même temps que d'une éternelle jeunesse;il suppose également la régression de l'humanité à causedes progrès techniques.

Après cet âge d'or viennent, nous dit Hésiode,l'âge d'argent, puis de bronze, puis de fer...La référence à l'âge d'or sous-tend toute l'évocation du monde amérindien,dans le deuxième paragraphe, qui en reprend tous les aspects :. »

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