« Demain, dès l'aube », Victor Hugo - Etude analytique du poème
Publié le 27/12/2011
Extrait du document
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élégiaque.
En effet il s'agit bien ici d'une plainte profonde et sonore, on y reviendra.
Le deuil l'obsède, l'accable, ledétruit, Hugo parvient à désirer la mort : le bonheur ineffable d'antan s'en est allé.
On peut facilement justifier cecipar la gradation ascendante éloquente du vers 7 qui aboutit à la position immobile du défunt : « Seul, inconnu, ledos courbé, les mains croisées,/Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
» (vers 7 et 8).
Dans ce dernier, onretrouve la fatalité de la mort à travers une comparaison à valeur oxymorique : « le jour » et « la nuit ».
Enfin, onpeut commenter l'ultime vers : celui-ci est en quelque sorte une chute - en effet jusque là jamais la mort n'estévoquée, pas même par une périphrase, cette sobriété voulue, présente de surcroît dans la ponctuation, impliqueune relecture du poème dans son intégralité, en outre ce procédé rappelle « L'albatros » de Baudelaire ou bien « Ledormeur du val » de Rimbaud.
Il rappelle deux grands symboles de la durée et de l'immortalité - le « houx vert » et la« bruyère en fleur »- que le poète dépose sur la « tombe » (vers 12) de sa fille, cette austérité et cette trivialitécontrastent avec la pudeur des premiers vers.
Par ailleurs, le poète ne parvint à assimiler l'injustice commise par leSeigneur -Hugo est très pieux- : pour quel motif avoir ramené à Lui sa fille si innocente, pleine de candeur (onprobablement faire le lien avec la pureté, le caractère virginal de la « campagne » au premier vers), irréprochable.C'est avec ce sentiment de lassitude infinie qu'Hugo parvient -enfin- à la sépulture de l'être cher.
Il ne s'agit ainsiplus seulement d'un voyage initiatique, mais d'un voyage métaphysique (l'effet de ce pèlerinage se redouble aumoment de la parution du recueil dès 1856 : l'exilé de Guernesey ne peut fouler le sol français).
Pour l'écrivain, sonexistence est parvenue à son terme, il n'a plus ni espoirs ni idéaux, et d'ailleurs, Hugo le précise dans la préface dece recueil de plus de cent dix mille vers : « Ce livre doit être lu comme on lirait le livre d'un mort.
».Avant de conclure, on peut étudier la versification, qui permet de comprendre les multiples intérêts du poème.
Dansles deux premiers quatrains, les vers sont majoritairement désarticulés créant ainsi un certain malaise.
On peutégalement relever l'unique rejet du poème au vers 2 - «Je partirai », reprenant la fermeté de la décision du poète,ou bien encore l'enjambement des vers 11 et 12 qui constitue un réel choc pour le lecteur.
Le poème se compose detrois quatrains d'alexandrins rimés ; ces rimes sont croisées et en alternance masculines et féminines, ce qui nousindique la volonté d'Hugo de respecter les exigences formelles de la poésie classique.
On alterne successivementrythmes ternaire (vers 1et 2), tétramètre (vers 4), trimètre (vers 5).
Les sonorités sont dures et accrochent : toutcomme les sentiments du poète.Ces Contemplations ou « Mémoires d'une âme », sont le récit d'une vie.
Avec « Demain, dès l'aube » Victor Hugonous relate finalement l'histoire d'une nature qui deviendra libératrice, qui immortalisera le deuil du poète et satendresse pour Léopoldine : l'infini du temps et de l'espace crée une ode à l'amour.
Ce texte, qui paraît bref etsimple aux premiers abords recèle en réalité de nombreux attraits, et permet dans sa complexité la compréhensiondes sentiments d'autrui.
Le livre quatrième des Contemplations d'où le poème ici analysé est extrait, est intituléPauca meae, que l'on pourrait traduire par « trop peu de vers pour ma fille ».
Rien « au terrestre séjour » («L'Isolement », in Méditations poétiques, Lamartine) n'est suffisamment grand et puissant pour traduire ses ressentis,toutefois, la poésie apaise et amène lentement le poète vers la résignation : rédiger ces vers, c'est se libérer d'unlourd fardeau, une renaissance.
Cependant avant celle-ci le poète est « En Marche » (livre cinquième) « Au Bord del'Infini » (livre sixième).
Le discours lyrique des Contemplations est à la fois réduction autobiographique (le deuil estexil intérieur) et agrandissement métaphysique (le corps est exil de l'âme).
Victor Hugo désire fortement que lelecteur de ses vers saisisse la dimension universelle de l'amour, de la mort, de la fuite du temps et de la vie qu'ilsprophétisent, et qu'ainsi il se retrouve dans le miroir que ceux-ci lui tendent.
Cette universalité résulte du choix duvocabulaire, de l'incantation obsédante des rythmes, ainsi que de la négation de la réalité.
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