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DELILLE Jacques, dit l'abbé : sa vie et son oeuvre

Publié le 22/11/2018

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DELILLE Jacques, dit l'abbé (1738-1813). La nature, omniprésente dans les vers de Jacques Delille, ne s’y donne à voir qu’au travers d’un écran rhétorique épais et indigeste. Telle est l’ambiguïté de cette poésie « descriptive » du xviiie siècle : contrepoint lyrique et affectif du bel esprit philosophique, elle en reproduit pourtant la démarche en imposant
la « main » de l’homme au monde extérieur; la métaphore est au poète ce que l’outil est à l'Encyclopédie.
 
Un illustre poète
 
Né à Aigueperse en Auvergne, enfant naturel, Delille est à la fois tenu à l’écart et protégé par ses deux familles, l’une riche et l’autre blasonnée. A dix ans, on l’envoie à Paris, au collège de Lisieux; il y accumule les succès, et Mme Geoffrin l’exhibe dans son salon comme un enfant prodige. Après de brillantes études, il entre dans la carrière universitaire et, sans quitter l’état laïc, prend le titre d’« abbé », qui restera toujours accolé à son nom. Dès 1757, il commence une traduction en vers des Géorgi-ques de Virgile; Louis Racine, consulté, l’encourage puis le fait connaître. Années d’apprentissage où Delille médite l’ouvrage de Marmontel, Poétique française (1763), et donne une série d’épîtres, dont l’Épître sur les voyages (1765) : poème engagé, qui invite le lecteur à quitter une France peuplée d’« indolents citoyens » et de « zélés courtisans » : « Chez les républicains allez puiser ces flammes/Que le patriotisme allume dans leurs âmes! » Puis vient un éloge de Catherine II. Il satisfait Voltaire, et l’auteur est annexé par le clan philosophique. En 1770 paraissent enfin les Géorgiques : l’accueil est triomphal. Au reproche d’infidélité, Delille répond par avance dans un Discours préliminaire, véritable théorie de la traduction : son texte et celui de Virgile ne doivent pas être comparés vers à vers; « c’est sur l’effet total de chaque morceau qu’il faut juger de son mérite ».


« grands arbres, «deuil de la nature» à l'automne; le chien, « ami constant et compagnon fidèle», la violette, « humble amante des prés ».

Mais parfois, cet anthropo­ m orph isme apprêté se dégage de la convention, suscitant par exemple l'image surréaliste d'une statue frisson­ nante, quand des arbres abattus à Versailles ont privé des dieux de marbre de leur « voile de verdure ».

Faut-il parler cependant de goût de la nature, ou d'une recherche de l'homme ressaisi à travers la nature? Tel passage des Jardins est consacré à la fontaine de Vaucluse: Mais ces eaux, ce beau ciel, ce vallon enchanteur Moins que Pétrarque et Laure intéressaient mon cœur.

Contemplée tour à tour par les générations successi­ ves, cette «rive» immuable est un miroir où chacun a laissé son image.

De même le retour dans la Limagne natale, après une description rapide ( « Et les riches coteaux, et la plaine riante»), est-il l'occasion d'un retour à soi : «Témoins de ma naissance, témoins de mes beaux jours ...

» Ainsi possédée et dominée, la nature donne lieu à une recréation imaginaire qui en est, finale­ ment, une nouvelle reconquête.

Une bûche flambe : «Ce chêne en feu nourrit ma rêverie.

Quelles mains l'ont planté?>> etc.

Dans les Jardins, le chef-d'œuvre de Delille, le contenu narratif coïncide parfaitement avec la forme d'écriture, et l'art du jardinier rejoint celui du poète : Ainsi que les couleurs et les formes amies, Connaissez les couleurs.

les formes ennemies.

Le frêne aux longs rameaux, dans les airs élancés, Repousserait le saule aux longs rameaux baissés ...

Cette rhétorique végétale impose à la « verdure >> un ordre cul tu rel, des harmonies qui lui sont étrangères et qu'il faut emprunter aux peintres (Vernet, le Lorrain ...

), de façon à « vaincre >> la nature pour la recomposer en « tableaux >> différents selon « l'effet que votre art veut pro duir e>>.

On pense au célèbre « élysée >>, le jardin de Julie, dans la Nouvelle Héloi"se : « La nature a tout fait, mais sous ma direction >>.

Il serait vain, dès lors, de poser le problème de la sincérité du lyrisme del illien : les mots servent moins à dire la nature qu'à la modeler et la posséder par la rhéto riqu e pour en faire la source d'une jouissance affective, et non plus seulement de satisfac­ tions matérie ll es .

Mais toujours il s'agit, comme dans l'Encyclopédie, de la constituer en bien propre de l'homme, et d'en chasser tout mystère.

BIBLIOGRAPHIE L'œuvre de Delille n'a guèr e été rééditée depuis un sièc le.

On trouvera quelques po èmes dans l' Amhologie poétique française, xvut" siècle.

prés en té e par M.

A llem, Paris, Garnier-Flammarion, 1966.

A consulter.

-Delille est-il mort?, ouvrage collectif avec des articles de J.

Fabre, E.

Guitton, R.

Mauzi ...

, Clermont-Ferrand, G.

de Bus sa c , 1967; E.

Gui tt on , «De Delille à Lam art ine, péri­ phrase, métaphore, mythe », dans Lamartine, le livre du cente­ naire, Paris, Flammarion, 1971; E.

Guit ton , Jacques Delille et le poème de la nature en France de 1750 à 1820, Paris , Klincksieck, 1974 (essentiel).. »

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