DELILLE Jacques, dit l'abbé : sa vie et son oeuvre
Publié le 22/11/2018
Extrait du document
«
grands
arbres, «deuil de la nature» à l'automne; le
chien, « ami constant et compagnon fidèle», la violette,
« humble amante des prés ».
Mais parfois, cet anthropo
m orph isme apprêté se dégage de la convention, suscitant
par exemple l'image surréaliste d'une statue frisson
nante, quand des arbres abattus à Versailles ont privé des
dieux de marbre de leur « voile de verdure ».
Faut-il parler cependant de goût de la nature, ou d'une
recherche de l'homme ressaisi à travers la nature? Tel
passage des Jardins est consacré à la fontaine de
Vaucluse:
Mais ces eaux, ce beau ciel, ce vallon enchanteur
Moins que Pétrarque et Laure intéressaient mon cœur.
Contemplée tour à tour par les générations successi
ves, cette «rive» immuable est un miroir où chacun a
laissé son image.
De même le retour dans la Limagne
natale, après une description rapide ( « Et les riches
coteaux, et la plaine riante»), est-il l'occasion d'un
retour à soi : «Témoins de ma naissance, témoins de
mes beaux jours ...
» Ainsi possédée et dominée, la nature
donne lieu à une recréation imaginaire qui en est, finale
ment, une nouvelle reconquête.
Une bûche flambe : «Ce
chêne en feu nourrit ma rêverie.
Quelles mains l'ont
planté?>> etc.
Dans les Jardins, le chef-d'œuvre de
Delille, le contenu narratif coïncide parfaitement avec la
forme d'écriture, et l'art du jardinier rejoint celui du
poète :
Ainsi que les couleurs et les formes amies,
Connaissez les couleurs.
les formes ennemies.
Le frêne aux longs rameaux, dans les airs élancés,
Repousserait le saule aux longs rameaux baissés ...
Cette rhétorique végétale impose à la « verdure >> un
ordre cul tu rel, des harmonies qui lui sont étrangères et
qu'il faut emprunter aux peintres (Vernet, le Lorrain ...
),
de façon à « vaincre >> la nature pour la recomposer en
« tableaux >> différents selon « l'effet que votre art veut
pro duir e>>.
On pense au célèbre « élysée >>, le jardin de
Julie, dans la Nouvelle Héloi"se : « La nature a tout fait,
mais sous ma direction >>.
Il serait vain, dès lors, de poser
le problème de la sincérité du lyrisme del illien : les mots
servent moins à dire la nature qu'à la modeler et la
posséder par la rhéto riqu e pour en faire la source d'une
jouissance affective, et non plus seulement de satisfac
tions matérie ll es .
Mais toujours il s'agit, comme dans
l'Encyclopédie, de la constituer en bien propre de
l'homme, et d'en chasser tout mystère.
BIBLIOGRAPHIE L'œuvre de Delille n'a guèr e été rééditée depuis un sièc le.
On
trouvera quelques po èmes dans l' Amhologie poétique française,
xvut" siècle.
prés en té e par M.
A llem, Paris, Garnier-Flammarion,
1966.
A consulter.
-Delille est-il mort?, ouvrage collectif avec des
articles de J.
Fabre, E.
Guitton, R.
Mauzi ...
, Clermont-Ferrand,
G.
de Bus sa c , 1967; E.
Gui tt on , «De Delille à Lam art ine, péri
phrase, métaphore, mythe », dans Lamartine, le livre du cente
naire, Paris, Flammarion, 1971; E.
Guit ton , Jacques Delille et le
poème de la nature en France de 1750 à 1820, Paris ,
Klincksieck, 1974 (essentiel)..
»
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