Décors et détails dans Une partie de Campagne (Maupassant et Renoir)
Publié le 05/12/2019
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Les détails n'existent dans le texte ques'ilsont été choisis par l'écrivain. Cette évidence permet de prendre la mesure d'une différence importante avec le détail filmique : celui-ci, en effet, relève de deux modes, selon qu'il est concerté ou aléatoire. Le détail filmique aléatoire, ce sera tout ce qui, dans une image, est là sans projet -modelé précis des nuages, Jeu du soleil sur la peau, pli d'une robe dû à un mouvement - et qui, néanmoins, forme sens. Cette vie supplémentaire, contribuant puissamment à l'effet de réel, engage l'analyse de l'image vers une description théoriquement indéfinie. Où s'arrête la pertinence descriptive ? N'y a-t-il pas encore quelque chose à voir ? Un texte, à cet égard, paraît toujours mettre en œuvre une stratégie plus maîtrisée.
Au service des personnages
Le' système des détails de la nouvelle de Maupassant est globalement mis au service des personnages. À cet égard, l'écrivain use abondamment de l'effet de synecdoque : il se sert d'une partie pour représenter le tout, le détail grossi voulant peindre l'essence du motif. Le commis constamment représenté par sa chevelure jaune en est l'exemple le plus frappant. Mais la plupart des détails corporels se rapportant à Mme Dufour entrent également dans cette catégorie : la boutiquière devient ainsi, comme nous l'avons vu. une poitrine surabondante, un double menton, de la gelée sur un plat. ,
L'écrivain accorde en outre une attention particulière aux notations colorées : dans son système descriptif, les taches de couleur l'emportent ainsi sur le dessin des formes. Sans revenir sur le commis, qui est dans la nouvelle ce qu'une tache de jaune pur serait dans un tableau, on voit que Mme Dufour n'est figurée dans un premier temps que par sa « robe de soie cerise extraordinaire ». Elle est rouge comme le garçon est jaune, et de ce rouge rebondi et charnu tout son caractère sortira. Un autre détail semble indiquer que l'écrivain joue bien sur le symbolisme
«
pr
écédent, la natur e a dans les deux œuvres un rôle tel que
la notion de décor lui convient mal : elle est, à l'éga l des
hom mes, un per sonnage à pa rt entièr e et non une simple
to ile de fon d.
Une certaine sobrié té
Che z Mau passant, les indications purement fonction
nel les relatives au décor, celles qui disent où l'on est, sont
ré du ites au minimum.
Le resta urant Poulin, où se passe la
pr emiè re partie de l'ac tion, est ainsi très sobrement pré
senté : « C'é tait une auberge de campagne, blanche, plan
tée au bord de la route.
» La campagne elle-même, dès
lor s qu'elle ne participe pas à l'é motion des person nages,
n'e st en aucune façon détaillée.
À titr e d'e xemple, pas une
seule variété d'arbr es n'est nommé e, et le mot « cam
pagne » ser a répété sans changem ent, autant de fois que
né cessa ire.
Une telle économie est évidem ment à me ttre
en relation avec la brièveté de la nouv elle.
Un texte d'une
diz aine de pages ne peut avoir la même stratégie descrip
tive qu'un roman balzacien de cinq cents .
Che z Renoir , les cho ses se présentent un peu diffé rem
ment.
L'écrivain peut en effet s'abst enir de faire exister un
décor qui ne serait pas intégré au mou vement des senti
men ts ; ta ndis que le ciné aste filme nécessa irement dans
un lieu.
Il peut cependant éviter de mo ntrer ce lieu pour lui
même ; cela a été, nous l'av ons vu, le choix de Renoir
associant toujour s ac teurs et paysa ges.
L'év iterne nt des intérieur s*
C' est chez Maupassant, encore une fois, que la cho se
est le plus systé matique.
À aucun momen t de sa nouv elle
on n'en tre en effet à l'in tér ieur de l'aub erge.
Tout ce qu' on
voit d'elle, et c' est fort peu, est aperçu de l'extéri eur :
« Elle montrait, par la por te ouv erte, le zinc brillant du
comp toir devant lequel se tenai ent deux ouvrier s endi man
chés.
» Quan t à la bouti que de la rue des Martyrs, on y
pénè tre bien à la fin de la nouvelle, mais sans la vo ir le
moins du monde.
« Il entr a )), écrit Maup assant sans plus
70.
»
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