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De l'Histoire à la chronique - Etude de La Peste de Camus

Publié le 08/08/2014

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histoire

 

Un enracinement complexe dans l'Histoire

Plus qu'aucun autre ouvrage de Camus, peut-être, La Peste s'enracine dans l'Histoire. Mais cet enracine­ment est complexe qui interdit qu'on fasse de ce livre un classique «roman historique «. Le XXe siècle n'a connu aucune grande peste semblable à celle qui, chez Camus, ravage la ville d'Oran. Il est donc impossible de mettre en évidence un parallèle direct avec la réalité historique du type de celui qui est à l'origine des Justes voire de Caligula. A la différence du jeune empereur romain ou de Kaliayev, Rieux, Tarrou ou Grand n'ont jamais existé hors de l'esprit de l'auteur et Camus, avec La Peste, semble avoir pris sans retenue le parti de la fiction : il a monté de toutes pièces l'histoire d'une épidémie, il a créé librement la figure imaginaire de ceux qui la combattent.

La Peste, cependant, est tout le contraire d'un pas fait hors de l'Histoire. De manière évidente et calculée, le livre, tout d'abord, résonne du souvenir des grandes épidémies du passé : il est en quelque sorte l'exacte « transposition « romanesque de ce fléau dans le décor du monde moderne.

Mais, faisant signe vers le passé, le roman nous dési­gne également le présent. Camus a choisi de peindre sous les traits de la peste la catastrophe historique dont il a été le témoin et l'acteur : la maladie est pour lui l'autre nom de la guerre. Son roman se veut ainsi témoignage sur les années sombres qu'entre 1939 et 1945, l'Europe a connues.

 

La « transposition « à laquelle se livre La Peste est donc double : elle vise à projeter dans le présent le

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« souvenir du passé; elle consiste à poser sur le visage du présent le masque d'une métaphore qui en dira la vé­ rité.

Les grandes épidémies du passé Oran, telle que nous la décrit Camus, est une ville sans histoire ni mémoire.

A l'image de l'Algérie, elle vit dans un perpétuel présent qui l'isole et la sépare du passé.

Frappés par l'épidémie, les habitants se tourne­ ront vers l'alcool, la distraction ou la superstition mais ils accorderont peu d'intérêt aux témoignages de ceux que l'épidémie a frappés avant eux.

Ceux-ci sont sans valeur à leurs yeux car la mort reste abstraite tant qu'on n'en fait pas l'expérience directe.

Les chiffres que contiennent les récits des anciennes épidémies restent sans signification.

Lorsque l'épidémie se déclare, Rieux tente de rappeler à lui ses souvenirs et ses connaissances pour donner un visage au fléau qui s'annonce.

Mais c'est en vain: «Il essayait de rassembler dans son esprit ce qu'il savait de cette maladie.

Des chiffres flottaient dans sa mémoire, et il se disait que la trentaine de grandes pestes que l'histoire a connues avait fait près de cent millions de morts.

Mais qu'est-ce que cent millions de morts? Quand on a fait la guerre, c'est à peine si on sait déjà ce qu'est un mort.

Et puisqu'un homme mort n'a de poids que si on l'a vu mort, cent millions de cadavres semés à travers l'histoire ne sont qu'une fumée dans l'imagination.» Cette fumée doit être cependant bien épaisse et bien lourde puisque, à la page suivante, elle suffit à plonger Rieux dans une sorte d'hallucination où le saisissent tous les fantômes que le seul mot de «peste» fait se lever: «< ••• Athènes empestée et désertée par les oiseaux, les villes chinoises remplies d'agonisants silencieux, les. »

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