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DAUDET Alphonse : sa vie et son oeuvre

Publié le 22/11/2018

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daudet

DAUDET Alphonse (1840-1897). Le nom de Daudet évoque surtout, aujourd’hui, l’image d'un auteur régio-naliste : on se souvient de ses contes provençaux, mais on oublie trop qu’il fut aussi un romancier à succès, un dramaturge, un poète et surtout un observateur. Daudet est en effet attentif au monde sensible, il est amateur de ces figures drôles ou tragiques qui lui permettent de bâtir un monde où l’ironie se conjugue à la pitié. Ce n’est pas une erreur de le considérer comme un réaliste, un naturaliste même, disait Zola. Encore faut-il bien voir qu’il ne s’agit pas tant pour lui de montrer que de raconter, de conter justement des histoires qu’il veut aussi vraisemblables que merveilleuses.

 

Lorsque le Petit Chose réussit

 

La vie et la personne d’Alphonse Daudet méritent d'être connues, dans la mesure où elles sont, un peu comme chez Montaigne — son auteur de prédilection —, la matière de ses livres. Écrire, pour Daudet, c’est en effet peindre ce qu’il sent et ce qu’il voit, réinventer ses expériences et ses rencontres, retenir enfin par la littérature l’essentiel d’une réalité qui lui semble trop

 

réussie pour ne pas devoir prendre la forme d’un conte ou d’un roman : ainsi le lecteur du Petit Chose n’aura pas une idée trop fausse de ce que fut la jeunesse de Daudet. Il comprendra d’abord l’importance d’une enfance méridionale dans sa ville natale, Nîmes, avec son « soleil, pas mal de poussière, un couvent de carmélites et deux ou trois monuments romains » — l’importance aussi de cette famille de la bourgeoisie commerçante, royaliste et catholique, que Vincent, le père, mènera peu à peu à la ruine : une histoire, finalement, qui peut rappeler celle de Zola à Aix, avec probablement chez les deux auteurs la même idée d’une revanche à prendre sur ces premiers échecs. D’autant que les infortunes continuent : la famille « s’exile » à Lyon avant de se disperser complètement, et Daudet, sans même passer son bac, devient pour deux ans pion à Alès.

 

La période noire s’achève là, car Daudet accepte bientôt de rejoindre son frère Ernest à Paris : il y arrive en novembre 1857; il rencontre Rochefort, Gambetta, Barbey d’Aurevilly et Vallès, obtient ses premiers succès littéraires et mondains. Il publie aussi les Amoureuses (1858), des poésies qui plaisent aux lettrés, avant d’être contraint par le départ de son frère à collaborer au Figaro de Villemessant, où il publie des chroniques en prose et en vers.

 

Sa vraie chance va être d'intéresser le duc de Morny — une des puissances du régime —, au cabinet duquel il entre en 1860. Son travail, peu absorbant, lui laisse alors la possibilité d’écrire avec Lépine la Dernière Idole (février 1862), de revenir parfois en Provence, d’entreprendre aussi un voyage en Algérie puis un autre en Corse, que lui impose un début de tuberculose. En Provence, il séjourne au château de ses amis Ambroy, visite les moulins qui l’entourent et court le pays, en compagnie de Mistral, à la recherche de paysages, d’aventures et de folklore. A Paris, d’autre part, il publie dans la presse des ébauches de ses prochaines œuvres et fait représenter également quatre pièces.

 

Cette époque marque en effet le vrai début de la carrière de Daudet : on le voit ainsi entreprendre la rédaction du Petit Chose, qui paraîtra en feuilleton à l’automne 1867, puis donner, de 1866 à 1869, en partie avec Paul Arène, des nouvelles éditées en 1869 par Hetzel sous le titre des Lettres de mon moulin. La stabilité que lui apporte son mariage avec Julie Allard (1867) et le sentiment, surtout avec la guerre de 1870, qui le marque profondément, de n’avoir pas donné sa mesure, l'incitent désormais à travailler plus régulièrement : il publie les Contes du lundi (1873), Robert Helmont (1874), et devient aussi le chroniqueur dramatique du Journal officiel. Les Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon ont paru en 1872, mais n’ont guère obtenu plus de succès que son drame, F Artésienne, et une autre pièce de la même année. C’est que le public est réticent devant cette ambiance méridionale à laquelle il n’est pas habitué : il fera en revanche un succès considérable à Fromont jeune et Risler aîné (1874), primé d’ailleurs par l’Académie française. Le roman vient en effet à son heure puisqu’il donne à Daudet une place à part de réaliste « poétique », plus proche peut-être des goûts du public de l’époque que ses amis Flaubert, Edmond de Goncourt ou Zola (même si l’on accuse Daudet, d'ailleurs à tort, en 1887 d’avoir inspiré un manifeste hostile à ce dernier).

 

Puis vient la série des grands romans qui valent alors à leur auteur la célébrité : Jack ( 1876), où Daudet raconte l’histoire d’un enfant délaissé par sa mère et qui, peu à peu, d’abandons en découragements, sombrera dans l’alcool et mourra rongé par la phtisie; puis le Nabab (1878), histoire d’un aventurier riche à millions, qui revient d’Orient pensant acquérir à Paris estime et dignité, mais n’y trouvera que des rapaces et de faux amis; les Rois en exil (1879), qui montrent la déchéance d’une famille royale exilée à Paris, d'un roi sans volonté en butte aux escrocs, d’une reine qui veut sauver l’héritage et la couronne de son fils; enfin Numa Roumestan (1881), centré sur un personnage de politicien à la Gambetta et dont le Midi s’irrita quelque peu. Le succès de Daudet ne cesse de grandir et atteint alors ses ouvrages précédents : les Lettres de mon moulin, qui vont devenir l’œuvre la plus connue ne serait-ce que par son utilisation pédagogique qui fait de Daudet un inépuisable réservoir de dictées pour les écoles de la IIIe République, et Tartarin, dont notre auteur exploite le personnage avec Tartarin sur les Alpes (1885) et Port-Tarascon (1890), pourtant d’un ton amer aux antipodes de son point de départ.

 

D’un autre côté, on le voit poursuivre la série des romans de mœurs avec l’Évangéliste (1883), où Daudet décrit les ravages causés par une protestante au prosélytisme agressif, et Sapho (1884), qui raconte l’histoire mouvementée d’une liaison entre un jeune homme et Sapho, courtisane vieillissante. On retiendra aussi de cette époque l'immortel (1888), roman acide sur les mœurs académiques, deux livres de souvenirs, sortis la même année, enfin des pièces et des romans parmi lesquels on cite surtout Rose et Ninette (1892) et la Petite Paroisse (1895). La dernière réussite de Daudet n’est pourtant pas la : elle est bien davantage dans le Trésor d'Arlatan (1897), où l'on voit apparaître un Midi fantastique bien différent de celui de Tartarin, un Midi sombre et angoissé. Ces deux adjectifs s’appliquent d’ailleurs encore mieux au grand livre posthume de la Doulou, publié en 1931 et où l'on trouvera les notes prises par Daudet au cours de la longue maladie nerveuse qui le tourmenta, quinze années durant, avant de l'emporter en 1897.

 

L'ironie et la pitié

 

Malgré cette fin douloureuse, Daudet est paradoxalement un auteur gai. En effet, ses livres font souvent naître la gaieté grâce à des silhouettes devenues célèbres. Celles-ci ont entre elles un air de famille et forment une galerie réjouissante de fantoches imbus d'eux-mêmes. Tartarin est loin d'être le seul : il suffit de penser à l'illustre Delobelle, acteur sans rôle de Fromont jeune, à la série des ratés qui déploieront leur prétention devant Jack, Labassindre, professeur de chant, et Amaury d'Ar-genton, poète de son état, fruit sec au surplus, et néanmoins vicomte. Ces burlesques ont ceci de commun qu’ils jouent un rôle, celui du chasseur, de l'acteur ou de l'artiste génial, alors qu'ils ne sont qu'enflure et vanité. Le personnage devient une sorte de caricature à la Hoffmann, et Daudet s’amuse aux dépens d'un caractère dont il outre les ridicules. Le savant fou à l’odeur d’alcali, le domestique piétentieux, le garçon de bureau mémorialiste, l’académicien collectionneur : autant de figures qui provoquent un comique mécanique, répétitif en même temps qu’un peu bizarre. Même chose avec les accents, qui valent à Daudet des scènes très réussies lorsqu’un Suisse allemand s'exprime en français ou qu'un Sénégalais récite du Lamartine.

 

Il y a donc dans ces romans des effets de comédie où Daudet s’amuse : il renouvelle le Matamore avec Tartarin, Nucingen avec Risler aîné, il fait même de son Nabab une sorte de Bourgeois Gentilhomme pillé par des parasites, victime des prestiges de la turquerie avec ses inutiles et carnavalesques fêtes du bey. Tout cela débouche sur un univers instable où l'on risque d'être dupe à tout moment d'un canular ou d'une machination. Significativement, Daudet s'est attaché, dans Fromont jeune, à décrire ces objets factices que fabriquent en série les industries du Marais, fausses fleurs, fausses perles ou encore ces « oiseaux et mouches pour modes » qui font

 

vivre Delobelle et lui permettent de plastronner sur le boulevard. La vie sociale est présentée comme un théâtre où la plupart des gens s’efforcent de se mettre en scène, de faire illusion pour snober ou impressionner autrui et plus encore pour se rassurer eux-mêmes : et telle est bien la folie douce qui intéresse le plus Daudet, cette fierté ou cette vantardise qui anime Tartarin ou Delobelle, peut-être aussi Maître Cornille qui, pour faire croire que son moulin tournait toujours, y transportait des gravats et de la terre blanche.

 

On peut — Daudet l’a fait lui-même — mettre tout cela sur le compte de la galéjade méridionale, mais il faut voir aussi en quoi ces caractères contribuent au côté féerique, parfois fantastique, des récits où ils figurent. Daudet le conteur adore créer en effet un climat d’étrangeté plaisante : la vie du Nabab ressemble à « l’accomplissement d'un conte des Mille et Une Nuits », le collège du Petit Chose est hanté par un surveillant auquel son trousseau de clés donne un air maléfique, et l’on ne peut résister à cette énumération des clients de l’hôtel que tient Sapho : deux écuyers de l'Hippodrome, une citha-riste de Stuttgart et son frère poitrinaire, des Péruviens et des Russes, sans oublier un riche Hollandais, marchand de corail. Cette gaieté se fonde sur un curieux réalisme, élaboré certes à partir de détails vrais, de modèles et de notes (comme Daudet l'explique dans ses préfaces), pour évoquer un monde irréel d’imposteurs, de comédiens et d’illuminés. Tous, ils vivent pour ce que les Provençaux appellent « le vent de bouche », et qui n’est, après tout, qu’une forme d’exagération épique : c’est ainsi que le baobab de Tartarin tient dans un pot de réséda; c’est ainsi que le Petit Chose peut se faire passer pour un fils de famille.

 

Car tout peut devenir farce : l'administration avec « le Sous-Préfet aux champs », la politique avec Numa Roumestan, l'amour avec les déconvenues algériennes de Tartarin, et jusqu'à la littérature avec la plaquette du Petit Chose dont presque tout le tirage servira à envelopper des coquetiers destinés à Madagascar. L’ironie de Daudet lui sert à dégonfler toutes les baudruches et à prendre avec humour ce qui, sans cela, serait si triste.

 

N'en concluons pas pour autant que Daudet est insensible. On comprend vite en effet que l'ironie est tempérée chez lui par la pitié. Dans les personnages les plus extravagants ou les plus risibles, Daudet éclaire une facette attendrissante, de même qu'il compense ses silhouettes burlesques par des rôles plus tristes, souvent même mélodramatiques : pensons au prince héritier des Rûw en exil, à la jeune boiteuse de Fromont jeune, au Petit Chose ou à Jack. Daudet n'hésite pas à montrer des victimes, des solitaires, des exploités : le Nabab lui-même, une fois dépouillé, est en fait la victime «d'une des plus grandes, des plus cruelles injustices que Paris ait jamais commises », de même que la jeune boiteuse privée d'amour, ou que Jack, qu'une éducation stupide mène à l’existence abrutissante du travail d'usine et à l’alcool. La vie. dans ces conditions, n'est plus une farce, mais une lutte désespérée qu’il faut mener à bien — un peu à la manière de la chèvre de M. Seguin qui lutta contre le loup jusqu'au matin avant de succomber. Le loup, c’est, en l’occurrence, une fatalité qui rabaisse ceux qui voudraient s’élever, faisant échec à leurs ambitions : le Nabab mourra d’apoplexie dans son théâtre, Jack expirera à l'hôpital, Risler se pendra; quant au Petit Chose, victime lui aussi de l'ironie du sort, il ne sera pas poète, mais quincaillier.

 

Pour tous ces personnages, on sent, chez Daudet, une tendresse, qu'on peut trouver mièvre, mais qui n’en manifeste pas moins son angoisse; c’est que le sourire va de pair avec le drame, parfois dans un même personnage dont on se moque avant de reconnaître la méchanceté d'une telle moquerie : le cocu de « la Diligence de

daudet

« d'une famille royale exilée à Paris, d'un roi sans volonté en butte aux escrocs, d'une reine qui veut sauver l'héri­ tage et la couronne de son fils; enfin Numa Roumestan ( 1881 ), centré sur un personnage de politicien à la Gam­ betta et dont le Midi s'irrita quelque peu.

Le succès de Daudet ne cesse de grandir et atteint alors ses ouvrages précédents : les Lettres de mon moulin, qui vont devenir l'œuvre la plus connue ne serait-ce que par son utilisa­ tion pédagogique qui fait de Daudet un inépuisable réser­ voir de dictées pour les écoles de la m• République, et Tartarin, dont notre auteur exploite le personnage avec Tartarin sur les Alpes (1885) et Port-Tarascon (1890}, pourtant d'un ton amer aux antipodes de son point de départ.

D'un autre côté, on le.

voit pour uivre la série des romans de mœurs avec /' Evangéliste (1883), où Daudet décrit les ravages causés par une protestante au prosély­ tisme agressif.

et Sapho (1884), qui raconte l'histoire mouvementée d'une liaison entre un jeune homme et Sapho, courti�.ane vieillissante.

On retiendra aussi de cette époque l'I mm orte l ( 1888), roman acide sur les mœurs académiques, deux livres de souvenirs, sortis la même année, enfin des pièces et des romans parmi les­ quels on cite �urtout Rose er Ni nette ( 1892) et la Petite Paroisse (1895).

La dernière réussite de Daudet n'est pourtant pas lit : elle est bien davantage dans le Trésor d'Ar/aran (1897).

où l'on voit apparaître un Midi fantas­ tique bien différent de celui de Tartarin, un Midi sombre et angoissé.

Ces deux adjectifs s'appliquent d'ailleurs encore mieux au grand livre posthume de la Doul ou.

publié en 193 1 et où l'on trouvera les notes prises par Daudet au cours de la longue maladie nerveuse qui le tourmenta, quinze années durant.

avant de l'emporter en 1897.

L'ironie et la pitié Malgré cette fin douloureuse.

Daudet est paradoxale­ ment un auteur gai.

En effet, es livres font souvent naître la gaieté grâce à des silhouettes devenues célèbres.

Celles-ci ont entre elles un air de famille et forment une galerie réjoui�sante de fantoches imbus d'eux-mêmes.

Tartarin est !nin d'être le seul: il suffit de penser à l'illustre Delobelle, acteur sans rôle de Fromont jeune, à la série des ratés qui déploieront leur prétention devant Jack, Labassindre, professeur de chant.

et Amaury d'Ar­ genton, poète de son état, fruit sec au surplus, et néan­ moins vicomte.

Ces burlesques ont ceci de commun qu'ils jouent un rôle, celui du chasseur, de l'acteur ou de l'artiste génial.

alors qu'ils ne sont qu'enflure et vanité.

Le personnage devient une sorte de caricature à la Hoff­ mann, et Daudet s'amuse aux dépens d'un caractère dont il outre les ridicules.

Le savant fou à l'odeur d'alcali, le domestique ptétentieux, le garçon de bureau mémoria­ liste, l'académicien collectionneur : autant de figures qui provoquent Ull comique mécanique, répétitif en même temps qu'un J:eu bizarre.

Même chose avec les accents, qui valent à Daudet des scènes très réussies lorsqu'un Suisse allema11d s'exprime en français ou qu'un Sénéga­ lais récite du Lamartine.

Il y a donc dans ces romans des effets de comédie où Daudet s'amu;e : il renouvelle le Matamore avec Tarta­ rin, Nucingen avec Risler aîné, il fait même de son Nabab une sorte de Bourgeois Gentilhomme pillé par des parasites, vict1me des prestiges de la turquerie avec ses inutiles et carnavalesques fêtes du bey.

Tout cela débou­ che sur un umvers instable où l'on risque d'être dupe à tout moment d'un canular ou d'une machination.

Signifi­ cativement.

Daudet s'est attaché, dans Fromont jeune, à décrire ces objets factices que fabriquent en série les industries du Marais, fausses fleurs, fausses perles ou encore ces «oiseaux et mouches pour modes» qui font vivre Delobelle et lui permettent de plastronner sur le boulevard.

La vie sociale est présentée comme un théâtre où la plupart des gens s'efforcent de se meure en scène, de faire illusion pour snober ou impressionner autrui et plus encore pour se rassurer eux-mêmes : et telle est bien la folie douce qui intéresse le plus Daudet, cette fierté ou cette vantardise qui anime Tartarin ou Delobelle, peut-être aussi Maître Cornille qui, pour faire croire que son moulin tournait toujours, y transportait des gravats et de la terre blanche.

On peut- Daudet l'a fait lui-même -mettre tout cela sur le compte de la galéjade méridionale, mais il faut voir aussi en quoi ces caractères contribuent au côté féerique, parfois fantastique.

des récits où ils figurent.

Daudet le conteur adore créer en effet un climat d'étran­ geté plaisante : la vie du Nabab ressemble à « l'accom­ plissement d'un conte des Mille et Une Nuits », le collège du Petit Chose est hanté par un surveillant auquel son trousseau de clés donne un air maléfique, et l'on ne peut résister à cette énumération des clients de l'hôtel que tient Sapho: deux écuyers de l'Hippodrome, une citha­ riste de Stuttgart et son frère poitrinaire, des Péruviens et des Russes, sans oublier un riche Hollandais, mar­ chand de corail.

Cette gaieté se fonde sur un curieux réalisme.

élaboré certes à partir de détails vrais, de modèles et de notes (comme Daudet l'explique dans ses préfaces), pour évoquer un monde irréel d'imposteurs.

de comédiens et d'illuminés.

Tous, ils vivent pour ce que les Provençaux appellent >, la politique avec Numa Rou­ mestan.

l'amour avec les déconvenues algériennes de Tartarin, et jusqu'à la littérature avec la plaquette du Petit Chose dont presque tout le tirage servira à envelop­ per des coquetiers destinés à Madagascar.

L'ironie de Daudet lui sert à dégonfler toutes les baudruches et à prendre avec humour ce qui, sans cela, serait si triste.

N'en concluons pas pour autant que Daudet est insen­ sible.

On comprend vite en effet que l'ironie est tempérée chez lui par la pitié.

Dans les personnages les plus extra­ vagants ou les plus risibles, Daudet éclaire une facette attendrissante, de même qu' i 1 compense ses silhouettes burlesques par des rôles plus tristes, souvent même mélodramatiques : pensons au prince héritier des Rois en exi 1.

à la jeune boiteuse de Fromollf jeune, au Petit Chose ou à Jack.

Daudet n'hésite pas à montrer des victimes, de.

solitaires, des exploités : le Nabab lui-même, une fois dépouillé.

est en fait la victime «d'une des plus grandes.

des plus cruelles injustices que Paris ait jamais commises», de même que la jeune boiteuse privée d'amour, ou que Jack, qu'une éducation stupide mène à l'existence abrutissante du travail d'usine ct à l'alcool.

La vie.

dans ces conditions.

n'est plus une farce, mais une lutte désespérée qu'il faut mener à bien -un peu à la manière de la chèvre de M.

Seguin qui lutta contre le loup jusqu'au matin avant de succomber.

Le loup, c'est, en l'occurrence, une fatalité qui rabaisse ceux qui vou­ draient s'élever, faisant échec à leurs ambitions : le Nabab mourra d'apoplexie dans son théâtre, Jack expi­ rera à l'hôpital, Risler se pendra; quant au Petit Chose, victime lui aussi de l'ironie du sort, il ne sera pas poète, mais quincaillier.

Pour tous ces personnages, on sent.

chez Daudet, une tendresse.

qu'on peut trouver mièvre, mais qui n'en manifeste pas moins son angoisse; c'est que le sourire va de pair avec le drame, parfois dans un même person­ nage dont on se moque avant de reconnaître la méchan­ ceté d'une telle moquerie : le cocu de« la Diligence de. »

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