Devoir de Philosophie

D'après VICTOR HUGO : Le Satyre (v. 709-726) - Commentaire

Publié le 15/02/2011

Extrait du document

hugo

Montrer que, contrairement à ce que prétendent les partisans de l'art pour l'art, la poésie peut aborder des sujets philosophiques et moraux sans rien perdre de sa qualité.  

Il cria : « L'avenir, tel que les cieux le font, C'est l'élargissement dans l'infini sans fond, C'est l'esprit pénétrant de toutes parts la chose ! On mutile l'effet en limitant la cause ; Monde, tout le mal vient de la forme des dieux. On fait du ténébreux avec le radieux ; Pourquoi mettre au-dessus de l'Etre des fantômes ? Les clartés, les éthers ne sont pas des royaumes. Place au fourmillement éternel des cieux noirs, Des cieux bleus, des midis, des aurores, des soirs ! Place à l'atome saint, qui brûle ou qui ruisselle ! Place au rayonnement de l'âme universelle ! Un roi c'est de la guerre, un dieu c'est de la nuit. Liberté, vie et foi, sur le dogme détruit ! Partout une lumière et partout un génie ! Amour ! tout s'entendra, tout étant l'harmonie ! L'azur du ciel sera l'apaisement des loups. Place à Tout ! Je suis Pan ; Jupiter ! à genoux. «

Baudelaire, dans une étude célèbre sur Th. Gautier, prend nettement position contre la poésie qui prétend enseigner quoi que ce soit. « Il est une autre hérésie... une erreur qui a la vie plus dure, je veux parler de l'hérésie de l'enseignement, laquelle comprend comme corollaires inévitables, les hérésies de la passion, de la vérité et de la morale. Une foule de gens se figurent que le but de la poésie est un enseignement quelconque, qu'elle doit tantôt fortifier la conscience, tantôt perfectionner les mœurs, tantôt enfin démontrer quoi que ce soit d'utile. « Et pourtant, que de recueils abordant des sujets philosophiques, depuis les Hymnes de Ronsard jusqu'aux Destinées de Vigny ou La Légende des Siècles de V. Hugo, l'apôtre de « l'Art pour le Progrès « ! — En donnant les raisons de sa condamnation Baudelaire signale les écueils que doit éviter le poète-philosophe : « La vérité n'a rien à faire avec les chansons. Tout ce qui fait le charme, la grâce, l'irrésistible d'une chanson, enlèverait à la vérité son autorité et son pouvoir. Froide, calme, impassible, l'humeur démonstrative repousse les diamants et les fleurs de la Muse ; elle est donc absolument l'inverse de l'humeur poétique «. Toutefois, dans la fin du Satyre (v. 709-726) par exemple, V. Hugo n'a-t-il pas su éviter les écueils du genre ? N'y retrouvons-nous pas tout ce que l'on attend ordinairement de la poésie ? — Les dieux de l'Olympe, pour se moquer du Satyre, le forcent à chanter. Celui-ci, être bestial et grotesque, mais « rêveur «, chante les progrès de l'âme qui transforme le chaos en monde organisé :     

hugo

« Transfigure-toi ! va ! sois de plus en plus l'âme ! (v.

632). A la fin, transfiguré lui-même, devenu par anticipation « l'âme universelle », il annonce la victoire finale dupanthéisme (Je suis Pan) sur les dieux à forme humaine, c'est-à-dire sur les superstitions. 1.

— La foi de Victor Hugo : panthéisme et progrès. A la suite de ses expériences spirites de 1863-65, V.

Hugo s'intéresse à l'occultisme.

Il croit à la présence d'une âmedans tout être : homme, plante, caillou...

Il croit, en dépit des hésitations et des rechutes, à « un immensemouvement d'ascension vers la lumière » (Préface de la Légende), à la force de la Bonté, dont il chante l'épopéedans La Légende des Siècles, à la Liberté, condition de tout progrès.

(C'est l'ange Liberté qui jouera le rôlerédempteur dans La Fin de Satan). Liberté, vie et foi... Amour ! tout s'entendra, tout étant l'harmonie. Inversement, il condamne ce qui fait obstacle au progrès moral : l'orgueil, source de cruauté, le mensonge, et, ici, àla suite de Voltaire et de Diderot, les conceptions anthropomorphiques de Dieu (= celles qui lui donnent formehumaine). Monde, tout le mal vient de la forme des dieux. Donner une forme à Dieu, c'est en faire « un dieu », le dieu d'un pays, sinon d'un parti ; c'est créer des dogmes etdévelopper ainsi le fanatisme, l'oppression, la guerre.

Et l'on voit ici les rapports qui unissent la pensée religieuse deV.

Hugo et sa pensée politique : Liberté, vie et foi sur le dogme détruit. Les comparaisons des vers 721 et 716 sont un écho des anathèmes souvent lancés par V.

Hugo contre lescompromissions des Eglises avec les Tyrannies. Un roi c'est de la guerre, un dieu c'est de la nuit. Les clartés, les éthers ne sont pas des royaumes. En dégradant Dieu (la cause) en un dieu, en faisant de l'Etre c un fantôme », on dégrade la religion (l'effet) ensuperstition : On mutile l'effet en mutilant la cause, On fait du ténébreux avec le radieux. Le Dieu que V.

Hugo annonce, C'est l'esprit pénétrant de toutes parts la chose. Le verbe pénétrer implique que le Bien dissipera totalement le Mal, que Dieu, qui est l'Ame, résorbera en lui-même lamatière, le mal ...

et — ce à quoi s'attache ici particulièrement Hugo — les superstitions.

Jupiter, symbole des dieuxà forme humaine, disparaîtra devant le grand Tout, ou Pan, ou l'âme universelle, ou l'atome saint...

(tous ces termessont synonymes) : L'avenir, tel que les cieux le font, C'est l'élargissement dans l'infini sans fond, C'est l'espritpénétrant de toutes parts la chose...

Place au rayonnement de l'âme universelle ! Partout une lumière et partout ungénie ! Amour ! tout s'entendra, tout étant l'harmonie 1 Place à Tout ! Je suis Pan ; Jupiter ! à genoux ! 2.

— Foi et poésie. Ne se prêtant pas, ou ne se prêtant guère au raisonnement, la foi est favorable à « l'humeur poétique » par cequ'elle comporte de mystérieux et de passionné. 1.

— Mystère de la foi et étrangeté poétique. S'il est vrai, comme l'affirme Baudelaire, que la poésie vit surtout de mystère, la foi, avec ses mystérieusesintuitions, constitue un des domaines rêvés de la poésie.

V.

Hugo offre ici à l'imagination une vision de Dieu étrangepour qui n'est pas initié.

Parallèlement le poète visionnaire « exprime avec l'obscurité indispensable ce qui est obscuret confusément révélé ».

Plusieurs expressions de style sibyllin s'adressent à l'imagination plutôt qu'à l'intelligenceclaire et sont fondées souvent sur des rapprochements analogiques : L'avenir, tel que les cieux le font, C'estl'élargissement dans l'infini sans fond, veut dire, sans qu'on puisse mettre en regard terme à terme le texte et sa «traduction » : Dieu, quand les forces du Bien auront. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles