D'après Casamayor, La Tolérance, Gallimard
Publié le 24/02/2011
Extrait du document
L'intolérance prend souvent la forme de la sévérité, ce pis-aller... Punir, c'est gagner du temps. Et regretter de n'avoir pas puni sans avoir recherché les autres carences, c'est montrer son aveuglement. J'entends un père dont le désespoir ne parvient pas à avoir raison de sa perplexité. Il me disait : «Je n'ai pas été assez sévère «. C'était le mot qui lui venait aux lèvres et pourtant il possédait un vaste vocabulaire et il était expert dans l'art de l'utiliser. Cependant c'était à la notion de sévérité qu'il avait recours pour juger sa propre conduite, comme si ses relations avec ses enfants n'existaient qu'en termes de permission et d'interdiction. De tout le tissu qui s'étend entre les parents et les enfants, il ne retenait qu'un fil. Il ne voyait pas l'effroyable «amaigrissement« qu'il imposait à la réalité en la réduisant à une seule ligne de forces, alors qu'il suffît d'une seconde de réflexion pour s'apercevoir qu'il ne s'agit pas seulement de tolérer ou d'interdire, mais aussi de nourrir, de caresser, de soigner, de montrer, de distraire, de faire le plein, de faire le vide, d'être présent ou de s'absenter à bon escient, d'instruire, de reposer, de fatiguer, de promettre, de tenir, de prévoir, de « vivre avec «, en un mot d'aimer. Lorsque le vol, la drogue, parfois le meurtre, se sont abattus sur un être, la phrase «je n'ai pas été assez sévère« condamne celui qui la prononce, non seulement parce qu'il n'a retenu qu'une petite part de ses devoirs, mais aussi parce qu'elle éclaire son inconsciente duplicité. En effet, la phrase est à double sens, à la fois désespérée et valorisante... c'est montrer qu'on est triste. On se décore, on se fait plaindre, c'est aussi tenter de mettre la faute sur le dos de l'autre, c'est s'en tirer avec honneur, c'est gagner sur le plan de la respectabilité, c'est s'attirer la connivence du public. D'après Casamayor, La Tolérance, Gallimard, 1975, pages 101 et 102 QUESTIONS 1) Résumez ce texte en une dizaine de lignes. 2) Expliquez : carence, perplexité, à bon escient, duplicité, connivence du public. 3) Pensez-vous que les contraintes matérielles et sociales de la vie actuelle soient déterminantes dans «l'amaigrissement« signalé par l'auteur, de tout le « tissu qui s'étend entre les parents et les enfants«? Vous présenterez vos réflexions sous forme d'un développement composé de trente à cinquante lignes.
«
A bon escient.
La locution signifie : en sachant bien ce que l'on fait.
Dans l'éducation parentale, il convient desavoir s'adapter aux besoins, aux désirs de l'enfant.
S'il a besoin d'être en compagnie, il faut être présent, s'il abesoin d'être seul, il faut s'absenter.
L'essentiel est de ne pas agir à contretemps.
Duplicité.
Le terme provient de duplex, double.
Il est donc synonyme d'hypocrisie.
Le dernier paragraphe expliqueen quoi elle consiste : le père regrette d'avoir mal assumé son rôle — ou ce qu'il croit être son rôle, mais en mêmetemps il cherche à se disculper.
En effet, dire que l'on n'a pas assez aimé son fils, c'est faire de celui-ci un être quia souffert dans sa sensibilité.
C'est véritablement reconnaître sa part de responsabilité et c'est excuser unemauvaise conduite d'adolescent mal aimé.
En revanche, dire que l'on a manqué de sévérité suppose qu'il fallaitjuguler les actes inconscients ou mauvais de son enfant.
Dans ce cas, on s'accuse d'avoir été trop indulgent envers un être qui ne le méritait pas ou qui était faible, etc.
Connivence.
Dans l'explication du mot précédent, nous avons vu comment les remords trahissaient une hypocrisieinconsciente.
En se disculpant, en valorisant l'autorité souvent bien vue de l'opinion publique, le père établit unecomplicité avec son entourage.
REMARQUES
Le sujet précédent recherchait les causes de la délinquance.
Le rôle de l'école étant mis au premier plan.
Nousavions vu que l'évolution de la famille devait être prise en compte.
Le présent texte dénonce «l'amaigrissement» de «tout le tissu qui s'étend entre les parents et les enfants».
Eneffet, l'auteur remarque que des liens affectifs divers doivent rattacher les membres de la famille.
Le texte nousfournit des indications : l'amour tout d'abord, l'exemple ensuite.
Les conseils visent à former, à instruire.
Les jeux,les loisirs à distraire, à exprimer une joie de vivre ensemble.
Comme nous l'avons vu dans le résumé, le père néglige ces relations.
Il estime que le facteur dominant et exclusifest l'autorité.
Il faudra remarquer toutefois que la réduction de la vie familiale est parfois telle que même cesrapports d'obéissance et de sévérité disparaissent.
Dans les pires des cas, comme le note le rapport sur la violence,l'enfant est rejeté, livré à lui-même.
Les causes matérielles et sociales sont assez faciles à déterminer : fatigue du travail, des transports.
Exiguïté desappartements et mauvaises conditions d'urbanisme entraînent une promiscuité difficilement supportable.
Captationdu temps par la télévision, etc.
Enfin un contresens à éviter : l'auteur ne prône pas la « permissivité », « l'indulgence » à tout prix, il dit que lesrelations familiales sont ailleurs, dans l'intérêt et l'attention que chacun se porte.
Dans la conclusion, l'élève pourra enfin porter un jugement sur la sévérité.
Est-elle un aveuglement total? Faut-iltout permettre ? Que penser du « Qui aime bien châtie bien » ?
En ce sens, on peut rapprocher ce texte de celui d'Alain (épreuve 2) qui n'exclut pas une autorité, la sévéritéenvers soi-même, une contrainte imposée et acceptée..
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