Dans une lettre à un ami, après un rapide examen de la manière dont l'histoire était comprise avant lui, Augustin Thierry expose sa propre manière de la concevoir et de la traiter
Publié le 15/05/2012
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Tu te rappelles l'enthousiasme que provoqua chez moi la lecture du sixième livre des Martyrs. Ce moment a été décisif pour ma vocation. Je serai historien, mais je veux faire quelque chose de tout à fait nouveau...
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132 LETrRES ET DISCOURS
franques et 1a monarchie du xvm• siècle, entre la cour de Louis XV et celle de Childéric'; il nous parle des cl1armes de ce prince, de son cœur tendre 1 On croirait lire un roman de Mlle de Scudéry.
2.
Fausseté de point de vue.
On ne s'est intéressé jusqu'ici qu'aux rois, aux 0grands At aux conquérants.
On a fait l'histoire des guerres et des cours
on n'a point fait celle de la nation.
Sans doute Voltaire a peint
la civilisation, les lettres et les arts, Montesquieu décrit les
institutions.
Mais le peuple, pour eux, ne compte pas.
Qui s'est
préoccupé de dire ses
souffranees, ses misères, ses luttes? Il nous
manque l'histoire des sujets, des masses populaires, qui reste
ensevelie dans la poussière des archives.
Il.
Voilà ce que je veux écrire.
Je renouvellerai 1.
Le fond.
Je montrerai la Révolution en marche dès les
origines, la revanche des vaincus sur les vainqueurs, la persis tance des races.
Depuis plus de treize siècles la France conte nait deux races, deux peuples : les nobles, descendants des
Franks, et le Tiers, descendant des Gallo-Romains subjugués.
Après bien des efforts pour secouer le joug, une bataille déci sive a été livrée, elle s'appelle la Révolution.
2.
La forme.
Je peindrai le passé sous des couleurs exactes,
marquant bien les différences des époques.
Je ferai revivre
les barbares et les Gallo-Romains, rn 'attachant à bien rendre
sensibles le décor, les costumes, le genre de vie, les âmes.
Mon livre sera vivant et dramatique.
(On peut se souvenir ici des
passages que l'on connatt des Récits des temps méropingiens.)
Voilà quels sont mes projets.
Si je réussis, j'aurai bien snrvi mon pays ....
En attendant, je passe des moments délir.ieux dans les bibliothèquçs de Sainte-Geneviève et de l'Arsenal.
Je vis vraiment avec les morts, et je t'assure que les misères
des masses populaires me paraissent plus touchantes que celles :• des rois dépossédés.
l.
t.
Cf.
Julli~'ll, Extraits des Historiens du XIX• Siècle, particu leremeut p.
38, ~7, 37 et 21.
Chevaillier et Audiat, XIX• Siecle, p.
1283 à 1347..
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