Dans un entretien accordé à André Warnod (Le Figaro, 11 mai 1937) Giraudoux présente Électre comme «une pièce policière; mais considérée non du point de vue du détective, mais du point de vue du juge. L'action se déroule en une nuit, en douze heures. Au matin, la vérité est découverte.» Qu'en pensez-vous?
Publié le 04/08/2014
Extrait du document
(INTRODUCTION)
La dimension «policière« d' Électre de Jean Giraudoux a été soulignée par
de nombreux critiques. Elle confère à la tragédie toute son originalité.
Cette caractéristique est reconnue par l'auteur lui-même, qui présente
Électre comme «une pièce policière; mais considérée non du point de vue
du détective, mais du point de vue du juge. L'action se déroule en une
nuit, en douze heures. Au matin, la vérité est découverte.« (dans un entretien
accordé à André Warnod, Le Figaro, 11 mai 1937).
Dans un entretien accordé à André Warnod (Le Figaro, 11 mai 1937) Giraudoux présente Électre comme «une pièce policière; mais considérée non du point de vue du détective, mais du point de vue du juge. L'action se déroule en une nuit, en douze heures. Au matin, la vérité est découverte.« Qu'en pensez-vous?
«
L'espace de l'enquête est divisé de manière très symbolique.
Le resser
rement tragique est suggéré par la clôture du lieu de l'action, présenté
d'emblée comme un lieu dangereux: le palais d'Agamemnon, qui a servi
de décor à tant de forfaits (1, 1 : festin monstrueux de Thyeste, assassinat
de Cassandre).
Le jardin, en revanche, semble à l'abri de la malédiction
qui pèse sur les Atrides car il se trouve en dehors de la ville : ce lieu natu
rel s'oppose à la concentration humaine de vices et de malheurs.
Le troi
sième lieu lié à l'action est celui d'où vient Oreste : lieu étranger (la
Thessalie), pays de l'ignorance mais aussi de l'innocence, qu'il quitte pour
découvrir des crimes passés (meurtre du père) et à venir (meurtre de la
mère et de l'usurpateur).
Le temps correspond au déroulement de l'enquête qui mène du secret
à la révélation du crime, en trois étapes : illumination d'Électre, aveux de
Clytemnestre, explications du Mendiant.
Il est marqué par un resserre
ment et une accélération dans le premier acte, jusqu'à la double pause: les
monologues-bilans du Mendiant et du jardinier, entre les deux actes (voir
Approche 5, p.
126).
L'accélération du temps est symboliquement repré
senté par les métamorphoses des Euménides.
Le moment des révélations
du second acte est beaucoup plus long : il retrace la résistance des suspects
refusant d'avouer (Il, 8 et 9).
Enfin, la découverte de la vérité, qui résulte
d'un rapprochement entre le présent rempli d'indices (gestes, paroles,
faits) et un passé mystérieux (visions, pressentiments, questions) est ache
vée en Il, 9, scène dans laquelle le Mendiant fait le récit des deux scènes
de meurtre.
La durée de l'action («douze heures» : Giraudoux respecte
l'unité de temps des classiques) suggère que la tragédie retrace les der
nières péripéties d'une enquête qui dure depuis des années.
Personnages et points de vue
Chaque personnage occupe une position particulière dans ce puzzle à
reconstituer, métaphoriquement représenté par la mosaïque du souvenir
d'enfance d'Oreste (1, 1) et chacun d'eux a un point de vue qui lui per
met de commenter et d'interpréter l'action.
Les personnages sont répartis par couples antithétiques, aux fonctions
opposées : la pureté de la jeunesse (Électre et Oreste sont juges et bour
reaux) condamne le crime de l'autre génération (Égisthe et Clytemnestre,
à la fois criminels et victimes).
Les acteurs aveugles (Oreste frappe "enfer
mant lRs yeux») s'opposent aux témoins clairvoyants et omniscients (les
Euménides, qui miment tout d'avance, le Mendiant, qui devine tout mais
veut confirmer ses intuitions de détail, et le jardinier, qui a tout compris,
en particulier l'amour de Clytemnestre pour sa fille).
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