"Dans toutes les littératures, les auteurs subjectifs ont été nombreux. Et c'est une vérité élémentaire que de dire qu'en un sens tout écrivain est subjectif, quels que puissent être ses efforts pour éliminer le coefficient personnel dans la peinture qu'il fait des choses et de l'homme. Mais il n'est pas moins vrai que les différences à cet égard sont infiniment graduées, et que les termes extrêmes de l'échec en arrivent à représenter deux fonctions de l'écrivain qui sont presque sans
Publié le 17/01/2022
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C'est pourquoi la littérature d'inspiration égoïste, ou même proprement subjective, ne saurait absorberlongtemps ce genre d'auteurs : ils évoluent vite (Lamartine, Hugo, Aragon, Eluard) vers la littératured'inspiration morale, sociale ou politique.
c.
Enfin, quelles que soient la nature et l'évolution d'une inspiration subjective, ne pas oublier que celle-ci nesaurait se passer de formes souvent fort rigoureuses et qui, en tout cas, relèvent de structures objectives :même le déchaînement du «moi» chez un Lautréamont utilise la forme du poème en prose en six chants, et unAndré Breton se sert d'une langue d'autant plus objective et analytique qu'il cherche à plonger davantage dansles secrets de son inconscient.
d.
3 Les causes
a) Les bouleversements sociaux.
Révolution et Empire ont exalté de jeunes enthousiasmes, puis la Restauration les a laissés désemparés, d'où ce «mal du siècle» qui porte chacun à se regarder comme exceptionnellement atteint etcomme digne d'un intérêt particulier aux yeux des autres, également touchés et dont il prétend chanter le mal.
«Jene parlerais pas si j'étais seul malade» (Musset).
De même, après la guerre de 1914-1918, le mouvement Dada etl'Ecole surréaliste représentèrent un effort rarement égalé pour libérer le «moi», mais, ainsi que le montre MarcelArland dans un article célèbre, il s'agissait d'un «nouveau mal du siècle» dont les causes historiques étaientévidentes au cours de ce qu'on a appelé les années folles de l'entre-deux-guerres.
On pourrait présenter deanalyses analogues à propos de La Nausée de Sartre et des inquiétudes existentialistes.
Au moment où l'on se croit le plus seul dans son angoisse, c'est souvent toute une génération qui souffre.
b) Le rôle de l'imagination et de la sensibilité.
Aussi les générations souffrantes tendent-elles à donner la première place à l'imagination et à la sensibilité, qui font les grands poètes, mais qui tolèrent difficilement les exi gences et les limites de la raison.
Une preuve en est dans le choix des précurseurs que ces générations se cherchent : Villon,Rousseau et les préromantiques étrangers pour les romantiques français, Nerval et Lautréamont pour lessurréalistes, etc.
Le courant est assez fort pour que des genres qui admettent peu la subjectivité (comme le roman, puisque ceux qui font de l'autobiographie n'en écrivent qu'un ou se redisent) ou qui répugnent à l'admettre (commele théâtre, puisque le dramaturge doit créer des êtres détachés de soi, qu' «il doit être les autres», selon le mot de Hugo) en soient saturés.
Et c'est sans doute là une des causes de l'échec relatif des romantiques et dessurréalistes dans le drame.
Ces excès ne tardent pas à susciter une violente réaction: on passe, souvent sanstransition, à l'autre «terme extrême».
II L'autre terme extrême de l'échelle
L'impersonnalité, est proposée comme idéal.
On pense, bien sûr, au réalisme pour la prose, au Parnasse pour lapoésie : «L'artiste ne doit pas plus apparaître dans son oeuvre que Dieu dans la nature...
Il doit s'arranger de façonà faire croire à la postérité qu'il n'a pas vécu» (Haubert).
Aux excès de l'intimisme symboliste succède la froiderigueur de Valéry.
Après les romans angoissés des années 1940-1950 (La Nausée, L'Etranger, La Peste) viennent en contraste les constructions géométriques d'un Robbe-Grillet ou d'un Butor.
1 Les causes
Réaction contre les abus du sentiment : les confidences de Musset et de Lamartine passent pour une extension impudente et exaspérante de la personnalité.
On clame désormais son dégoût devant ceux quivendent leur ivresse ou leur mal (cf.
Leconte de Lisle, Les Montreurs).
Dès les années 50, l'angoisse sartrienne, par exemple, commence à sembler démodée à certains jeunes romanciers, qui, à la suite d'un RogerNimier, réhabilitent l'énergie et l'ironie.
a.
Changement de la «mode» : l'intelligence aspire à dominer la sensibilité.
Dès la fin des années romantiques on assiste au développement de la philosophie positiviste, laquelle exige une observation méticuleuse des faits etcroit au Progrès par la Science.
Au XXe siècle, c'est la révolution industrielle et le développement destechniques qui semblent à beaucoup d'écrivains devoir marquer une littérature néo-réaliste.
b.
2 Les conséquences
a) Le thème d'inspiration devient donc le réel ; soit celui du passé, reconstitué grâce à d' érudites recherches (Salammbô de Flaubert, Les Trophées de Heredia, La Semaine sainte d'Aragon), soit celui du présent (Germinal de Zola, Histoire de Claude Simon, Mobile de Michel Butor).
Ce qui paraît mériter l'attention, ce n'est pas un individu particulier, mais les hommes, les civilisations, les classes sociales, la vie de chaque jour, etc.
b) Le but qu'on se propose, qu'il s'agisse de la prose de Flaubert, du vers des poètes de l'Art pour l'Art, des recherches de structures du Nouveau Roman, c'est la quête passionnée de la perfection formelle par un «travailatroce» (Flaubert).
La Poésie doit se suffire à elle-même, le roman apparaît, depuis Les Faux-Monnayeurs de Gide, comme un monde clos, l'Art n'a d'autre fin que lui-même et il doit, sans aucun souci d'utilité sordide, viser àl'impassibilité (cf.
Gautier : Préfaces d'Albertus et de Mademoiselle de Maupin ).
3 Les limites
a..
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