Dans sa préface au Mariage de Figaro, Beaumarchais définit la comédie comme « cet art dont la loi première, et peut-être la seule, est d'amuser en instruisant ». Vous analyserez cette définition de la comédie, proposée par Beaumarchais et vous montrerez en quoi son œuvre théâtrale permet de bien la comprendre. Vous direz ensuite si cette formule rend compte de tous les aspects de la comédie, et si elle correspond à votre propre conception de ce genre théâtral.
Publié le 04/03/2011
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• L'influence de la commedia dell'arte : On peut repérer des jeux de masques, des travestissements, des jeux dedissimulation (I, 8) (II, 10 à 16) ; 20 et 21) ; des jeux de mots, des injures (III, 15) ; (IV, 10) — notons aussi que lapièce résiste mal à la tentation des soufflets et de la bastonnade (I, 1) ; (V, 8) ; - des intermèdes musicaux (II, 4); (II, 23) ; (IV, 9) ; (V, 19) ; vaudeville final.
• Le registre des parades : La parade est à l'origine du théâtre.
Spectacle de foire, elle utilise tous les procédéscomiques faciles, mascarades, cris, coups de bâton, emprunts à la langue populaire, burlesque et procédésoutranciers (II, 21-22), (III, 12-18) ; parodie (III, 15), (V, 8) ; comique de répétition (tirade de Godam ;bégaiement de Brid'Oison).
• Le comique de situation : quiproquo et imbroglio (V, 5 à 9 ; 12) ; coup de théâtre (III, 16).
On le voit, la pièce fait la part belle aux techniques les plus diverses du comique, elle peut même apparaître commeune somme tout à fait habile de ces techniques.
Une comédie didactique
• L'éducation sentimentale des personnages : Almaviva, la comtesse découvrent tout au long de la comédie lestentations diverses de l'incertitude amoureuse et la ligne sinueuse des désirs.
Almaviva : « Qui donc m'enchaîne àcette fantaisie ? j'ai voulu vingt fois y renoncer.
Étrange effet de l'irrésolution ! si je la voulais sans débat, je ladésirerais mille fois moins » (III, 4).
La comtesse : « laissons...
laissons ces folies ! » (II, 1).
• La punition du libertinage : l'échec du comte est non seulement un échec social, mais aussi un échec moral ; lesvertus qui triomphent à la fin de la comédie sont celles de la bourgeoisie : fidélité et sagesse.
• Les excès et les abus : Almaviva qui accepte de bonne grâce sa défaite est aussi celui qui reconnaît implicitementl'excès de ses prérogatives et l'injustice de ses abus ; il laisse à la comtesse le soin de l'exprimer : « Chacun aura cequi lui appartient» (V, 19).• La délivrance explicite d'un contenu moral : le vaudeville final permet à chaque personnage de délivrer sous formede sentence la leçon à laquelle l'a conduit la succession des événements.
Ainsi Suzanne parle-t-elle au nom de tous:
« Si ce gai, ce fol ouvrage Renfermait quelque leçon, En faveur du badinage Faites grâce à la raison.
»
Tout au long de la comédie, d'ailleurs, s'organisent des réparties d'ordre moral qui permettent de ne pas séparerbadinerie et didactisme : Marceline «...
la jalousie...
Figaro...
N'est qu'un sot enfant de l'orgueil, ou c'est la maladied'un fou » (IV, 13).
Figaro, une philosophie de la vie qui la transforme en comédie
• Le monologue de Figaro montre que pour lui la vie est un théâtre que l'homme peut habiter, à son gré, aussi bienen tant qu'acteur comique que tragique ; et le principe de gaieté est de loin le plus fécond : « Forcé de parcourir laroute où je suis entré sans le savoir, comme j'en sortirai sans le vouloir, je l'ai jonchée d'autant de fleurs que lagaieté me l'a permis...
» (V, 3).
Par l'intermédiaire de son personnage, Beaumarchais tout à la fois amuse lespectateur et l'instruit d'une fragile sagesse possible.
Ainsi la gaieté permet-elle d'offrir un heureux contrepoids auhasard ; quand Figaro disait dans Le Barbier de Séville : « Je me presse de rire de tout de peur d'être obligé d'en pleurer, il ne proclamait pas autre chose.
Le comte lui-même permet de rendre sensible l'image d'une vie organiséedans ses désordres et ses événements imprévus à l'instar d'une comédie diabolique : il s'écrie, en plein désarroi,acte IV scène 6 : « Jouons-nous une comédie ? » et un peu avant : « Il y a un mauvais génie qui tourne tout icicontre moi » (IV, 5).
Les principes d'autorité ou de désespoir n'ont pas cours en ce lieu théâtral qui sembleapprendre à chacun que, contre les incertitudes, les injustices et les difficultés, « l'esprit seul peut tout changer ».La comédie ne délivre pas l'image idéale et falsifiée d'un monde heureux : plus d'une scène du Mariage est proche dupéril, de l'angoisse et q de la tragédie.
Mais elle force à prendre la mesure du pouvoir fécond de la hardiesse et del'invention, du rire et de l'humour : « SUZANNE.
— Au lieu de t'affliger de nos chagrins...
FIGARO.
— N'est-ce pasassez que je m'en occupe ? ».
Il convient sans doute de ne pas s'illusionner sur la bonhomie 3 apparente desderniers mots : « Tout finit par des chansons...
» Le retour à l'ordre impose à plus d'un de renoncer à ses désirs, etla consécration du bonheur des valets instaure l'ordre prochain de la triomphante bourgeoisie dont le XIXe siècle diral'ennui et la fragilité.
La pièce amusante instruit, bien au-delà de ses apparences.
Le comique de Beaumarchais est diversifié, mais il n'est pas gratuit ; ralliés, sans exception, au rire et au bonheur,les personnages nous disent la fragilité de la gaieté.
Les autres aspects de la comédie
Le théâtre de Beaumarchais réunit, on le voit, plus d'un aspect de la comédie.
D'autres auteurs ont, par leur propretravail, contribué à approfondir telle ou telle dimension d'un genre dont le propre est de mettre à distance, par lerire, l'objet dont il se nourrit et de permettre alors au spectateur une réelle prise de conscience :.
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