Dans quelle mesure peut-on dire qu’Ulysse est un héros épique ?

« Sujet: Comment Ulysse vous apparait-il comme un héros épique dans les chants au programme?L'Odyssée est une des plus anciennes épopées connues aujourd'hui.

L'épopée est un genre poétique, contant une histoire le plus souvent merveilleuse ou fantastique,ou un héros épique, un surhomme plus proche des divinités que du commun des mortels va d'aventure en aventure.

Ulysse est donc un héros épique en ce qu'il est lepersonnage principal d'une épopée.

Il doit donc être un surhomme proche des dieux, mais aussi un modèle de moralité de courage et de piété, un être quasimentparfait.

Nous verrons d'abord les caractéristiques communes à Ulysse et au modèle du héros épique, puis comment ces caractéristiques peuvent aussi le ramener auniveau du commun des mortels.

Enfin, nous verrons comment Ulysse est un héros épique d'un genre nouveau, qui prône de nouvelles valeurs. Le personnage d'Ulysse est tout d'abord rapproché du héros épique grâce à son physique surhumain.

Il semble en effet être meilleur que tous les autres mortels qu'ilrencontre pour ce qui est de la force et de l‘endurance, tant et si bien qu'il est souvent appelé « Ulysse l'endurant » On le remarque tout particulièrement quand ilsurpasse tous les Phéaciens aux épreuves sportives des jeux, et surtout au lancer de disque : « il prit un disque/plus grand, plus gros et de loin plus pesant /[…] ildépassa toutes les marques ».

L'Epithète homérique « Ulysse l'endurant » prend tout son sens quand Ulysse dérive en pleine tempête, après être parti de la demeure deCalypso, durant une vingtaine de jours, sans dormir, avant d'être fracassé contre les récifs de l'île des Phéaciens.

Mais son physique est aussi surhumain par sa beautéet sa prestance.

Il tend d'ailleurs à séduire la plupart des personnages féminins qu'il rencontre, comme Nausicaa, et mêmes les créatures surnaturelles et les divinités,comme Circé et Calypso.Mais le héros épique n'excelle pas que sur le plan physique : c'est aussi un modèle moral qui prône les valeurs de son temps.

On voit qu'Ulysse est un modèle sur ceplan-là par le respect des Dieux et des rites.

Par exemple, après avoir appris la mort d'Elpenor au pays des cimmériens, la première chose qu'Ulysse fait en retournantchez Circé, c'est incinérer son cadavre, avec les rites funéraires.

Il pleure d'ailleurs systématiquement ses compagnons morts.

Ulysse est aussi une image de la fidélitéenvers sa patrie et envers sa femme, qu'il préfère même à l'immortalité.

Au-delà de la morale, Ulysse est aussi un modèle d'intelligence.

On l'appelle fréquemment« Ulysse aux milles ruses », « Ulysse […] dont les ruses sont connues partout », ou « Ulysse l'ingénieux ».

Il est très bon stratège, entre autre quand il aveugle lecyclope après l'avoir rendu ivre.

Mais il est stratège et diplomate depuis l'Iliade, avec l'épisode du Cheval de Troie, qu'évoquera ensuite l'aède Démodocos.Comme tous les héros épiques, Ulysse tient ses qualités de surhomme d'un caractère divin.

On le dit en effet souvent « égal aux dieux », et c'est parce qu'il est en faitun héros au sens mythologique grec : le descendant d'une divinité et d'un mortel.

Les héros épiques trouvent tous leurs qualités dans le divin : Gilgamesh est aussil'enfant ou la création d'un Dieu, Énée, héros de l'Enéide de Virgile, est l'enfant d'Aphrodite, et Achille est le fils de la nymphe Thétis.

Même dans les chansons degeste, au Moyen-âge, les chevaliers tirent systématiquement leur force d'une foi inébranlable, et c'est en fait Dieu qui les inspire.

Ulysse est également souvent inspirépar Athéna, par exemple lorsqu'il réchappe de sa rencontre avec un récif autour des Phéaciens, « Il se serait écorché la peau, brisé les os/ Si Pallas Athéna ne l'avaitinspiré ». Cependant, certaines caractéristiques principales d'Ulysse peuvent l'éloigner du stéréotype du héros épique.

Sa ruse, par exemple, bien que traduisant sa supérioritésur les autres mortels, repose sur le mensonge et la tromperie.

C'est une manière de combattre qui se rapproche de la lâcheté, comme le fait remarquerPolyphème quand il dit d'Ulysse que « c'est un petit homme, un lâche, un rien du tout/ qui vient me crever l'œil en me noyant de vin »De plus, l'épopée entière est déclenchée par un défaut du Héros, ce qui tendrait plus à le rapprocher du commun des mortels que du héros épique.

Il est en effet trèsfier.

Quand i vainc Polyphème après lui avoir lancé un « discours moqueur », ses compagnons voient le danger que la colère du cyclope représente, et tentent d'arrêterUlysse.

A ce moment, et selon les propres dires d'Ulysse, « ces mots ne dissuadèrent pas mon âme fière/ et je repris l'interpellant, plein de rancune ».

A ce moment,alors que la colère de Polyphème va déclencher tout les autres événements de l'Odyssée, par le biais de Poséidon, L'accent est mis sur la fierté d'Ulysse, le ramenantainsi au commun des mortels.

Il est bien un « petit homme » comme le dit Polyphème.Il est rabaissé au niveau des autres hommes par d'autres défauts.

Il est curieux de voir qui vit sur l'île de Polyphème, et d'entendre le chant des sirènes.

Il est colériqueet violent, quand il massacre et pille les cicones, et quand il hésite à décapiter Circé : « je délibérais dans mes entrailles/si, tirant mon épée au long de ma cuissepuissante,/J'allais lui trnacher la tête et la faire rouler par terre ».

De plus, toutes ses qualités de surhommes et de héros de la mythologie peuvent être en fait mises endoute quand on voit l'aide que lui fournit Athéna : A chaque fois qu'il est particulièrement endurant ou particulièrement beau et charismatique, c'est en fait Athénaqui l'inspire ou le rend meilleur.

Ainsi, s'il séduit Nausicaa, c'est aussi parce que « Pallas, fille de Zeus, le fit paraitre/ Plus grand, plus vigoureux, déroulant sur sanuque/ Une toison bouclée comme la fleur de la jacinthe.

» On peut tout de même dire qu'Ulysse est un héros épique d'un genre nouveau.

Il renoue avec la tradition du héros de la première Epopée, Gilgamesh, par bien desaspects.

Gilgamesh était aussi un roi, il avait aussi séduit une déesse, Ishtar, il descendait aussi d'une divinité, mais surtout, Gilgamesh ne voulait pas mourir.Gilgamesh est un personnage obsédé par la mort, qui est lancé dans une quête vaine pour accéder à l'immortalité.

Ulysse aussi tend à fuir la mort, dans l'optique de la« vie longue » qui consiste simplement à vivre e plus longtemps possible.

Cependant, le but ultime d'Ulysse n'est pas d'éviter totalement la mort, et il refuse à deuxreprises l'immortalité, au profit de sa fidélité envers sa patrie.On remarque, quand Ulysse va au pays des cimmériens, qu'il à en fait la même idéologie de la vie courte qu'Achille dans l'Iliade, et c'est le spectre d'Achille quirenonce à cette idée.

Ulysse pense que maintenant qu'il a eu une belle mort, Achille règne parmi les morts, et que personne ne fut ni ne sera aussi heureux que lui.C'est Achille qui surprend quand il répond « ne cherche pas à adoucir ma mort ».

Les deux héros épiques ont donc, de leurs vivant, la même idéologie, mais ce n'estque par ses actions qu'Ulysse diffère, car le plus important n'est pas la gloire, mais le retour dans sa patrie.On assiste donc avec Ulysse à la naissance d'un nouveau genre de héros épique, avec une nouvelle conception du courage.

On ne va pas se précipiter vers la mortpour ma gloire comme Achille, mais on ne s'inscrit pas non plus dans une fuite perpétuelle comme Gilgamesh.

C'est cette conception du courage qui est restée, et quel'on oppose aussi bien à la lâcheté qu'à la témérité.

C'est aussi ce modèle du héros épique qui sera repris plus tard dans la chanson de geste, avec l'importance dupatriotisme.

Les héros épiques des chansons de gestes sont en effet toujours des chevaliers dévoués à leur seigneur, et ils ne meurent pas pour la gloire, ni après unelongue fuite, mais pour leur patrie. On pouvait douter qu'Ulysse soit un héros épique à cause de ses défauts qui le rapprochent du commun des mortels, et ce malgré son caractère apparemmentsurhumain.

Cependant, on voit qu'il est bien conforme à un modèle du héros épique, mais au modèle qu'il définit lui-même, pour les prochaines épopées, comme lachanson de geste du Moyen-âge.. »