Dans quelle mesure le spectateur est-il partie prenante de la représentation théâtrale ? Vous répondrez en faisant référence au corpus, aux oeuvres étudiées en classe, et à celles que vous avez vues ou lues.
Publié le 22/12/2012
Extrait du document
La mise en scène, très pensée, très théorisée au cours du 20e siècle fait la part belle au spectateur tandis
que le théâtre contemporain se renouvelle. Chéreau, dans sa mise en scène de Phèdre en 2003 choisit
les ateliers Berthier et non une salle à l'italienne classique, afin entre autres, de pouvoir mêler les
spectateurs aux acteurs qui en émergent au début de la représentation (Eric Ruf, qui joue Hippolyte sort
du lot des spectateurs en I, 1) en surgissant des gradins, sans formalité particulière, avec naturel voire
brutalité. Le cas le plus exemplaire d'intégration du spectateur dans la représentation est le théâtre
d'Arianne Mnouchkine où les acteurs se mêlant aux spectateurs, servant le repas à ces derniers avant la
représentation, incarnent un théâtre totalisant, où ceux qui voient et ceux qui sont vus sont mis sur un
pied d'égalité. Pourquoi un tel théâtre, déroutant, qui rend les frontières du réel et de la fiction si
poreuses?
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mentale du spectateur, ce dernier est peut -être
moins visé qu'un lecteur, lui plus apte, dans le temps long de la lecture, avec la possibilité de revenir en
arrière dans les pages, à saisir les revirements de situation, la poétisation de l'action, la portée
symbolique propre au théâtre romantique, hugolien en particulier.
Le point culminant de cette esthétique
dramatique romantique qui préfère un lecteur rêveur à un spectateur attentif est le recueil Un Spectacle
dans un fauteuil, de Musset, à mi chemin entre théâtre et poésie, qui comme son nom l'indique se passe
de la scène et du spectateur pour proposer un spectacle puisqu'un lecteur dans un fauteuil suffit.
On
pourrait aussi se demander si les longues didascalies chez Ionesco (dans Rhinocéros, la très longue
didascalie en ouverture du deuxième tableau), chez Anouilh (la didascalie initiale d'Antigone, qui fait
office d'exposition mais sur un mode narré, donc), ou encore chez Beckett (Fin de partie) ne font pas fi du
spectateur: une didascalie ne se dit pas à haute voix, le spectateur
passe donc à côté d'une page de l'auteur, c'est donc le lecteur qui a réellement accès à la totalité du texte
du dramaturge, comme si ces textes-là s'adressaient à des lecteurs plutôt qu'à des spectateurs.
On peut
donc se passer d'un spectateur pour le spectacle théâtral, et même si les pièces citées sont jouées, elles
se prêtent tout aussi bien à la lecture.
Non seulement le spectateur n'est pas forcément partie prenante
dans ces pièces sérieuses où les réactions du spectateur resteront discrètes (on ne se roulera pas par
terre devant du Beckett) mais il peut même devenir, en tant que spectateur, facultatif.
Il faudrait à présent
se demander pourquoi le spectateur peut à l'inverse et de plus en plus être placé au coeur du dispositif
théâtral et même scénique.
Malgré l'ambiguïté du théâtre de l'absurde dans le statut qu'il accorde au
spectateur, la tendance du théâtre du 20e siècle est à la mise à l'honneur du spectateur.
A la toute fin du
19e siècle et au cours du 20e siècle, le spectateur est de nouveau directement sollicité par l'acteur qui est
son complice.
Le Boulevard permet de nombreux appartés, et l'exemple le plus contemporain est peut -
être l'actrice Jacqueline Maillan qui multipliait les clins d'oeil destinés au spectateur, brouillant ainsi les
niveaux d'énonciation.
Le spectateur, réel, était invité à participer à la dynamique comique alors en place
sur scène, et à rejoindre l'espace de la fiction animé par l'acteur -personnage.
La mise en scène, très pensée, très théorisée au cours du 20e siècle fait la part belle au spectateur tandis
que le théâtre contemporain se renouvelle.
Chéreau, dans sa mise en scène de Phèdre en 2003 choisit
les ateliers Berthier et non une salle à l'italienne classique, afin entre autres, de pouvoir mêler les
spectateurs aux acteurs qui en émergent au début de la représentation (Eric Ruf, qui joue Hippolyte sort
du lot des spectateurs en I, 1) en surgissant des gradins, sans formalité particulière, avec naturel voire
brutalité.
Le cas le plus exemplaire d'intégration du spectateur dans la représentation est le théâtre
d'Arianne Mnouchkine où les acteurs se mêlant aux spectateurs, servant le repas à ces derniers avant la
représentation, incarnent un théâtre totalisant, où ceux qui voient et ceux qui sont vus sont mis sur un
pied d'égalité.
Pourquoi un tel théâtre, déroutant, qui rend les frontières du réel et de la fiction si
poreuses? Les catégories tendent à se confondre ou du moins à perdre de leur pertinence au 20e siècle,
dans tous les genres littéraires et pour le cas du genre dramatique on peut aussi y voir une relecture de
l'idée de « theatrum mundi »: puisque la vie est une comédie, alors il faut aussi entraîner les spectateurs
faits de chair et d'os dans la fiction et les inviter dans la représentation.
Au 20e siècle, le spectateur est
amené à s'imiscer dans la représentation et à en assumer le présupposé philosophique: l'homme-
spectateur
doit s'activer, doit contribuer à sa mesure à la construction de la pièce sous ses yeux; il ne doit plus se
contenter de voir : l'individu du 20e siècle, très activiste et défenseur du sujet agissant, devient alors
naturellement, lorsqu'il est spectateur, un spectateur-acteur.
La relation entre spectateur et représentation
est moins rigide qu'il n'y paraît: bien sûr il y a les théâtres traditionnels, classiques où la collaboration
entre spectateur et scène est requise, à des fins conventionnelles d'efficacité des ressorts comiques ou
tragiques de la pièce.
Mais il y a aussi un questionnement accrû des relations spectateurs/spectacle au fil.
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