Dans le roman d'Italo Calvino, Si par une nuit d'hiver un voyageur (1981), des personnages parlent de leurs expériences de lecteurs. L'un d'eux s'exprime ainsi : « Le moment le plus important, à mes yeux, c'est celui qui précède la lecture. Parfois le titre suffit pour allumer en moi le désir d'un livre qui peut-être n'existe pas. Parfois, c'est l'incipit du livre, ses premières phrases... » En vous référant à votre propre expérience, vous réfléchirez au rôle que peut jouer la façon do
Publié le 22/02/2011
Extrait du document
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Goriot n'aimera pas L'Elixir de longue vie ou Les Mémoires de deux jeunes mariés.
Rien ne dit non plus que le point de vue nechange pas avec l'âge et qu'à quelques années d'intervalle on n'apprécie pas ce qui a déplu.
En ce sens le « moment » dont parlele libellé intervient.• Le titre appartient déjà à l'ouvrage lui-même : il en est la clef, la synthèse, le reflet, la cristallisation.
En ce sens, il fait rêver etcrée un certain climat.
L'élève peut ici donner des titres qui chantent en lui.
Même s'il s'agit d'une traduction, le titre Si par une nuitd'hiver un voyageur...
peut être étudié.
Il constitue un début de phrase, une hypothèse et semble ouvert, plein de promesses.
Lelecteur attend une suite.
L'indétermination « une » nuit, « un » voyageur crée une attente assez charmeuse.• Le titre de la collection a une autre fonction : il classe les ouvrages par genres.
Le lecteur potentiel sait d'avance qu'il va seplonger dans un monde fantastique, dans une aventure policière, etc.
Ce renseignement permet donc de choisir le livre en fonction de ses goûts du moment, il infléchit aussi la lecture en préparant lelecteur à vivre dans un certain climat ; il le rend réceptif.
(Nous avions vu dans le texte de Francis Ponge (Épreuve 13), commentle titre de la collection induisait une certaine sensibilité.)• La langue dans laquelle s'exprime l'auteur, sa nationalité prédisposent aussi à une certain type de lecture.Le lecteur se fait, par exemple, une idée de la littérature russe et, s'il connaît Pouchkine, il en déduit que Tchékhov ouTourgueniev appartiennent à la même famille d'écrivains ou du moins il sera curieux de comparer avec ce qu'il a déjà apprécié.On objectera que l'assimilation est trop rapide parce qu'elle conduirait à confondre Racine et Corneille, Stendhal et Balzac.Cependant, on ne peut nier qu'au travers d'une histoire, d'une langue, il existe une famille d'esprit, une parenté entre des écrivainsqui semblent pourtant éloignés.Dès lors en fonction de ce que l'on connaît, on s'attend à un certain type d'écriture ou de problématique.• Le résumé a pour fonction essentielle d'informer, parfois d'éveiller la curiosité du lecteur : il donne un aperçu sur l'histoire,l'époque, les problèmes soulevés et oriente le choix.Deux problèmes se posent à son propos : le candidat qui s'adonne au sujet type 1 sait combien il est difficile de rester fidèle autexte.
Ce qui est vrai d'une page que l'on contracte en une dizaine de lignes, l'est à fortiori d'un ouvrage d'une centaine de pages.Le résumé accentuerait, alors, l'écart qui existe déjà entre l'idée que l'on se fait de l'ouvrage et le livre lui-même.
Mais le résuméencourt un deuxième reproche : le lecteur peut souhaiter ne pas être informé.
Parfois, les quelques lignes qui figurent au dos de lacouverture révèlent une fin, un cheminement qui devaient constituer l'un des plaisirs de la lecture.
Ce type de révélation se trouveaussi dans des préfaces dommageables aux agréments de la découverte.• La couverture, l'illustration doublent souvent le titre et le rendent plus explicite.Le dessin qui illustre la couverture du Baron perché d'Italo Calvino, dans la collection « Points », représente un jeune garçonhabillé avec soin, à la mode de l'Ancien Régime.
Posté sur un arbre, il domine la mer au loin, un village et un peu plus près troispetits personnages qui lui font signes...
Voici précisés le sens de l'adjectif « perché » et l'époque, le XVIIIe siècle.
Le futur lecteur peut rêver devant cette gravure et imaginer toute une histoire.On peut ajouter le plaisir de tenir entre ses mains un beau livre, plaisir tactile, plaisir des yeux qui présagent heureusement de lalecture.• Les prix littéraires signalent à l'attention du public des ouvrages de qualité.
Cette indication se présente pour beaucoup commeune garantie et guide le choix de l'acheteur.Les émissions littéraires, les textes critiques, les appréciations des amis jouent dans le même sens pour inciter à la lecture...
oupour en dissuader.• L'incipit, les premières lignes donnent souvent le ton.
Les épigraphes ont, parfois, une fonction assez voisine de celle des titres.Nous avions noté dans le texte de Hugo comment les premières lignes donnaient la clef du roman, et même du passage à étudier.• Enfin, au-delà de ces conditions matérielles, propres aux livres, le libellé demande de réfléchir sur le lieu et le moment de lalecture.
On ne lit pas n'importe où et n'importe quand.
C'est ce que dit fort bien Marthe Robert dans la citation donnée plus loin.Pour que le livre donne toute sa saveur, il faut un accord entre l'ouvrage, son contenu et les circonstances qui président à lalecture.
Certains textes difficiles exigent une concentration.Par exemple, les transports en commun offrent l'occasion de lire quelques pages, mais le bruit, la présence d'autrui, le souci de nepas laisser passer « sa » station, tout distrait et gêne l'appréhension d'un livre de haute tenue.De plus, tel moment de la vie personnelle, telle préoccupation ou telle joie, tel âge, peut-être, rendent peu perceptibles certainesœuvres.• L'élève dira aussi dans quelle mesure il est sensible à F« apparence du livre » : on sort un peu des moments qui précèdent lalecture, mais c'est tout de même la façon dont un livre « se présente et s'offre » : la qualité du papier, la texture de la couvertureinfluent aussi sur le plaisir de la lecture.• Puisque le libellé parle des « moments », il convient peut-être de distinguer les lectures menées pour un travail scolaire et cellesqui sont « librement » choisies..
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