Dans le récit autobiographique, à quoi sert l'aveu? Pour répondre à cette question, vous vous appuierez sur des exemples précis tirés des livres I à IV des Confessions.
Publié le 02/08/2014
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Dans le récit autobiographique, à quoi sert l'aveu? Pour répondre à cette question, vous vous appuierez sur des exemples précis tirés des livres I à IV des Confessions.
INTRODUCTION
Dans les traditions judiciaire et religieuse de notre civilisation, la valorisa-tion de l'aveu comme preuve de culpabilité est essentielle : longtemps, on a essayé d'obtenir d'un accusé, parfois par la violence, qu'il avoue ses péchés ou ses crimes. Quand Rousseau entreprend les Confessions, c'est parce qu'il a été publiquement accusé d'avoir abandonné ses enfants. Pour répondre, devancer d'autres attaques, rétablir publiquement la vérité sur lui-même, il décide de tout dire, de plaider coupable sur certains points de sorte que son souci de sincérité soit évident, irréfutable. Mais les Confessions sont une oeuvre littéraire qui déborde largement du cadre judi¬ciaire ou religieux. L'aveu n'y a pas que cette valeur de preuve d'une cul¬pabilité (ou d'une innocence) : résultat d'une démarche volontaire, expression d'une nécessité intérieure, il est un moment intense où l'écri¬vain, en s'exposant, prend des risques, crée un rapport singulier avec son lecteur et invente, à travers son expérience individuelle, une façon origi¬nale de regarder l'homme.
«
grand personnage, à se peindre sous le bon profil (voir les critiques adres
sés à
Montaigne).
Il cherche à nous convaincre qu'il est un être authen
tique, qu'il n'est pas un personnage fabriqué.
Avouer ses fautes, ses fai
blesses,
c'est nous dire : voilà comme je suis, sans fard ni masque.
L'aveu
est moins une preuve de culpabilité qu'une preuve de sincérité.
Établir ses
fautes révèle la
transparence de ce cœur et de cette conscience qui se
dévoilent.
Rousseau
s'accuse ponctuellement pour prouver son innocence
globale : voyez sa conclusion sur le mensonge à propos du ruban volé
("mon aversion pour /,e mensonge me vient en grande partie du regret d'en avoir
pu .faire un aussi noir").
Le comble du dévoilement : l'aveu sur la sexualité.
Dans !~es Confessions,
le premier aveu (les fessées de Mlle Lambercier) est d'ordre sexuel (voir
Texte 1, p.
41).
L'aveu sexuel met le lecteur en contact avec ce qu'il y a de
plus honteux, de plus inavouable.
Culturellernent, la chair, le sexe sont des
objets tabous -on ne parle pas des réalités charnelles sinon à travers des
codes biens établis, les conventions admises ou tolérées du libertinage ou
de la pornographie; Rousseau se démarque de cette tradition, et porte à
la lu1nière ce qu'il y a de plus intime et troublant dans ses comportements
sensuels et sexuels avec sérieux, application et franchise.
Les limites
du dévoilement.
En approchant de ce qu'il y a de plus ohs
cur dans l'être, Rousseau sent qu'il touche parfois les limites du dévoile
ment.
Il nous montre des actes, des attitudes, des pulsions irrépressibles -
qualifiés
par des ter1nes comme «extravagance», a bizarrerie» etc.
- dont il
avoue qu'ils lui restent inco1npréhensibles (voir Approche 3, p.
20).
Il se
heurte à des zones obscures de sa personnalité, qui sans re1nettre en cause
la cohérence ou l'unité de son être, échappent cependant à l'analyse.
L'abandon.
Cette part obscure de soi, que Rousseau aborde en pion
nier (et que la psychanalyse éclaircira à partir des découvertes de Freud au
début du xxe siècle, notamment celle de l'inconscient), le conforte dans
son désir de ne pas conclure : il préfère livrer les éléments capables de
donner de lui l'image la plus complète et la plus juste, et laisser au lecteur
le soin de faire le travail de synthèse («C'est à lui d'assembler ces éliments et de
déterminer l'être qu'il~ composent; /,e résultat doit être son ouvrage.»).
Il nous dit
en quelque sorte : voilà comme je suis, faites-en ce que vous voulez.
EJ Valeur esthétique de l'aveu
Les aveux des Confessions sont aussi des moments douloureux : Rousseau
ne cache pas la difficulté qu'il a à se dévoiler.
Non seulement il ne la cache
pas, mais il la met en valeur et la transforme en une chance pour l 'écrivain
et pour son art.
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