Dans le Dictionnaire des littératures de langue française, à l'article «Naturalisme », Daniel Couty écrit : « De l'épopée, le roman naturaliste possède le schématisme manichéen : il y a le bien et le mal, les bons et les méchants, les mous et les énergiques, etc. Mais cette épopée est souvent dérisoire : les actions tentées échouent, les rêves ne tradui-sent aucune ambition grandiose. » Cette remarque vous semble-t-elle caractériser le roman naturaliste que vous avez étudié en classe ?

« du petit négoce. Cette volonté de dépeindre la société comme théâtre des ambitions et des intérêts exclut les nuances, lespositions intermédiaires ou ambiguës. Le projet naturaliste de classer les individus en fonction de leur hérédité et de leur appartenancesociale induit ce schématisme3. Le romancier naturaliste poursuit une grande enquête scientifique sur l'homme.

Il pose une hypothèse de départ,et conduit l'histoire de son personnage en respectant un enchaînement des causes et des effets, conforme aux loisdu déterminisme : celui de l'hérédité et celui du milieu social. - Chez Zola, chaque personnage est l'illustration du rôle de l'hérédité : Gervaise, l'héroïne de L'Assommoir, sombredans l'alcoolisme, d'une part parce qu'elle est entraînée par son mari Coupeau — c'est l'influence du milieu ouvrier—, d'autre part parce qu'elle est victime de l'hérédité paternelle d'Antoine Macquart. Ses enfants, Claude, Jacques et Anna (dite Nana) illustrent à leur tour l'hérédité de l'alcoolisme : Claude, le peintrede l'OEuvre, est atteint d'une névrose à la fois créatrice et destructrice ; son frère (héros de La Bête humaine)est frappé de crises de folie homicide ; quant à Nana, sa vie de débauche et d'excès serait imputable à l'alcoolismede ses parents. Il y a bien une forme de schématisme, chaque personnage entrant dans une catégorie pathologique. Les personnages de Zola peuvent donc se répartir entre êtres sains (Hélène, héroïne d'Une page d'amour, ÉtienneLantier dans Germinal), et êtres malades (folie provenant de l'ancêtre, Adélaïde Folique, « tante Dide », névrosesaux formes multiples). Transition Nous venons de vérifier que le roman naturaliste partage avec l'épopée une vision manichéenne en raison de sonprojet didactique.

Mais a-t-il rejeté complètement les valeurs traditionnelles du héros ? II.

Est-il vraiment une épopée dérisoire ? La bassesse des caractères.

Le triomphe de la médiocrité L'univers naturaliste nous présente des êtres le plus souvent dénués de générosité, d'idéalisme, de passions nobles. Les nouvelles de Maupassant nous livrent une image noire de la nature humaine : des paysans impitoyablesenvers les plus faibles (vieillards, enfants, infirmes), avides, la misère n'excusant pas complètement leurférocité et des petits bourgeois hypocrites et cupides. Quel personnage de Zola est resté dans notre mémoire pour son dévouement, sa générosité, ou par saconduite amoureuse ? Seule émerge peut-être la figure d'Étienne Lantier, un juste qui échappe à la maladie, àla violence sociale. Triomphe de la médiocrité : médiocrité morale de ceux qui réussissent dans Les Rougon-Macquart et qui ontpresque toujours « les mains sales ».

Les Rougon, Eugène et Aristide, sont à l'image du second Empire,régime exécré par Zola, qui voit le triomphe de la corruption, du crime, du vice. Médiocrité intellectuelle : que dire du monde du journalisme tel qu'il apparaît dans Bel-Ami de Maupassant ? Cesont des journalistes paresseux et ignorants.

Quant au milieu politique gravitant autour de M.

Walter, il secompose d'hommes médiocres et d'affairistes. 1. Le triomphe des égoïsmes 2. Le roman naturaliste évoque l'ascension de personnages sans scrupules.

On trouve souvent le type du jeunehomme séduisant, sans fortune au départ, toujours rusé, cynique. C'est bien sûr Aristide Rougon, dit Saccard, héros de La Curée.

Il néglige sa première femme, Angèle, et sesenfants, ne songe qu'à faire fortune à Paris.

C'est un oiseau de proie qui s'abat sur la capitale après le coup d'Étatde 1851.

Son seul désir est de s'enrichir, de prendre la part du gâteau qu'il estime mériter.

Rien chez lui n'est «une ambition grandiose ». C'est encore Octave Mouret, témoin lucide et amusé des bassesses de tout l'immeuble dans Pot-Bouille, qui certes ne manque pas d'ingéniosité, mais méprise les femmes qui ne sont pour luiqu'une source d'enrichissement, dans Au Bonheur des dames.. »