Dans la Semaison, Philippe Jaccottet déclare que sa poésie a pour ambition de « parler avec la voix du jour ». En quoi votre lecture du recueil A la lumière d'hiver vous permet-t-elle d'étayer cette affirmation ?
Publié le 03/01/2013
Extrait du document
A la lumière d’hiver de Philippe Jaccottet (1977) est un recueil poétique publié au moment de la crise littéraire de la « Nouveauté «. A partir des années 1950, des poètes postmodernes tels Yves Bonnefoy, Jacques Dupin et André Du Bouchet lancèrent un style d’écriture préférant l’accord avec le monde, aussi complexe soit-il, et se caractérisant par des vers simplifiés et des textes brefs. Le recueil suivant se trouve ainsi influencé par ce type d’écriture minimaliste, qui se veut courte mais dense et explicite. En ce sens, Jaccottet formule des attentes exigeantes sur sa plume, mais aussi sur son contenu, par cette volonté de correspondance du réel, guidée par les observations issues de sa vie personnelle. Dans la Semaison, il déclare que sa poésie a pour ambition de « parler avec la voix du jour «. Quels sont les différents sens de « jour « sur lesquels il s’appuie pour concrétiser cette parole ? De quelles manières parvient-il à donner à son écrit une allure « lumineuse « ?
Cet aspect sera d’abord illustré littéralement, puis les aspirations morales et littéraires symboliques qu’on peut en dégager seront analysées, en filant la métaphore du jour et de ce qu’il véhicule principalement, à savoir la lumière.
«
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Jaccottet évoque aussi les quatre éléments pour contri buer à célébrer la luminosité.
A
part la terre où sont rattachées des matières opaques, les autres permettent de la faire ressortir.
Le feu en brûlant donne des « reflets » (p.94), l’air est comparé au « cristal » (p.85) et l’eau
qualifiée de « transparente » brille dans les torrents.
On trouve encore pour soutenir cette idée de jour, l’évocation d’êtres vivants diurnes qui
l’animent.
Dans le champ lexical de la nature, celui des oiseaux est d’importance primordiale.
Les oiseaux, habitants par excellence du ciel et par conséquent les plus proches du jour, car du
soleil, sont très largement mentionnés.
Tous ces éléments naturels ont donc pour vocation de
valoriser la lumière.
Le jour perçu à première lecture superficielle n’a donc qu’à être pris à la lettre , comme
source de lumière naturelle, dont l’auteur est ébloui par sa clarté et s’émerveille du monde
naturel qui évolue en lui et le met en valeur.
Nous pouvons ensuite distinguer de cette
expérience sensible fulgurante un sens métaphorique, celui du « jour » de l’esprit de l’auteur,
de ce qui allume sa conscience.
Ensuite, il est question dans le recueil de lucidité.
Jaccottet possède une grande
ambition morale, celle d’accepter la mort.
Pour parvenir à ce triomphe, il oppose le jour
figurant la vie à la nuit qui symbolise la mort.
Un de ses premiers objectifs est ainsi celui d’admettre la mort et sa réalité.
Il rédige
Leçons et Chants d’en bas comme deux livres de deuils, abordant le décès de ses proches.
Le
regroupement des textes du recueil témoigne d’une évolution de sa prise de conscience de la
perte.
L’absent n’est réellement plus là.
Après cette découverte, il s’agirait alors de passer de
la voix de la plainte et de la lamentation, à celle de l’acceptation du cours naturel de toute vie,
menant à la disparition.
Les Leçons forment comme une chronique de la mor t en procédant à
la description du corps en décomposition.
Empiriquement, le poète a déjà compris ce qui se
passe : il a suivi progressivement l’affaiblissement, l’agonie, le décès puis le cadavre d’un
homme.
Comme le titre l’indique et au vu du champ lexi cal de l’apprentissage, le poète a un
enseignement à tirer.
Il s’agit d’adopter une attitude mâture devant cet évènement : le poète,
en s’ infantilisant, exprime par ce parallèle qu’il ne faut pas préserver l’enfant de la vue de la
mort (« dors en aveugle, /oh encore un moment ignore », p.55) et chercher à fuir, mais
affronter l’évènement.
Il s’agit donc d’une part de ne pas ignorer sciemment la réalité.
D’autre part, une trop grande considération de celle -ci se traduisant par une émotivité trop
profonde e t persistante serait démesurée.
Dans Chants d’en bas , il choisit d’écrire sans se
dérober à la douleur.
Il est naturellement humain d’éprouver de la tristesse à la mort d’un être
aimé, ( cf.
le vocabulaire des pleurs et des larmes qui témoignent de la spont anéité
sentimentale du poète à cette évocation), mais après celle -ci, il faut s’avouer le phénomène et
ne pas s’enfermer dans la douleur.
Il dénonce un hypothétique « retrait » du monde
(p.43,44,51).
Mais la souffrance perce toutefois fortement, visible par un important champ
lexical de la déchirure et de la lame, créatrice de plaies sévères, et l’emploi d’une des rares
marques de lyrisme présente dans l’œuvre par l’interjection « oh ».
L’expérience de l a mort,
tout comme le temps, n’est pas une blessure in guérissable, cela « se referme » (p.79).
L’esprit
de l’auteur ne doit pas en être complètement écrasé, ce doit être simplement « un trouble du
jour intérieur » (p.93).
En rester au stade des jérémiades est puéril et inefficace, comme
l’illustre la proposit ion conditionnelle des pleurs sur la tombe qui permettraient -au moins -
d’y faire pousser du blé (p.92- 93).
Le zénith consiste ainsi en la réflexion adulte.
Une autre
possibilité de comportement comme celui de vouloir contrer la mort serait tout aussi absu rde.
Il faut accepter le temps et ce qu’il entraîne.
Il cogne, il déchire, et absolument rien n’y
résiste, pas même les dieux (p.79).
Que l’on refuse , cela est vain, il faut accepter notre
impuissance.
Quand l’arbitraire du cours naturel frappe , il ne faut pas chercher à le justifier, à.
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- Raymond Queneau déclare : "je n'ai jamais vu de différences essentielles entre le roman, tel que j'ai envie d'en écrire, et la poésie." Vous commenterez et éventuellement discuterez de cette affirmation en vous fondant sur la lecture de Zazie dans le métro, des textes du corpus ainsi que de vos lectures personnelles.