Dans la seconde préface de Thérèse Raquin, Émile Zola déclare : « Dans Thérèse Raquin, j'ai voulu étudier des tempéraments et non des caractères. Là est le livre entier. J'ai choisi des personnages souverainement dominés par leurs nerfs et leur sang, dépourvus de libre arbitre, entraînés à chaque acte de leur vie par les fatalités de leur chair. » Vous estimerez la validité de ces intentions en les vérifiant dans l'oeuvre de Zola que vous avez étudiée.
Publié le 06/09/2006
Extrait du document
Il s'agit autant ici de traiter le sujet proposé que de vous faire réviser votre programme, surtout si vous avez étudié Thérèse Raquin. Le corrigé semi-rédigé qui vous est proposé est destiné à revoir l'essentiel du roman, mais aussi et surtout à en décrypter les rouages et les enjeux. Au fond, qu'est-ce que le naturalisme ? À voir comme Zola parvient irrésistiblement au bout des expériences qu'il a lui-même imaginées, on mesure à la fois l'immensité de son labeur et la force de ses convictions. Comme ses personnages, le narrateur va jusqu'au bout de lui-même. Apprenez quelques citations : elles seront fort utiles pendant l'examen et pourront être l'illustration d'un tout autre sujet portant sur le naturalisme.
«
élevée dans le lit d'un malade ; mais elle vécut intérieurement une existence brûlante et emportée » (II).
2.
Le cercle de famille
a) Une vie recluse :
Vernon : « C'était une demeure close et discrète qui avait de vagues senteurs de cloître » (II).
Paris, passage du Pont-Neuf : « À gauche, se creusent des boutiques obscures, basses, écrasées, laissantéchapper des souffles froids de caveau » (I).
On peut ici faire un rapprochement avec la boutique des Baudu,« Au Vieil Elbeuf », dans Au Bonheur des Dames.
Une demeure à l'image de madame Raquin : « Elle put se croire encore en province, elle respira, elle pensa queses chers enfants seraient heureux dans ce coin ignoré » (III).
b) Les soirées du jeudi :
Une fête dérisoire : soulignons l'oxymore fortement ironique.
« Cette soirée-là tranchait sur les autres : elleavait passé dans les habitudes de la famille comme une orgie bourgeoise d'une gaieté folle » (IV).
Y a-t-il transposition des fameuses « soirées de Médan », qu'organisaient Zola et son épouse, comme le suggère A.Dezalay ? En tout cas, ce type de soirées se retrouve dans La Fortune des Rougon et dans L'Oeuvre.
Des activités passionnantes (!) : « Quand la réunion se trouvait au complet, madame Raquin versait le thé.Camille vidait la boîte de dominos sur la toile cirée, chacun s'enfonçait dans son jeu.
On n'entendait plus que lecliquetis des dominos » (IV).
Des invités sinistres : il suffit de relever quelques expressions qualifiant Michaud (« une de ces faces mortes devieillard tombé en enfance »), Grivet (« les lèvres minces d'un crétin »), Olivier (« une tête roide et insignifiante »)ou Suzanne (« le visage mou »), pour se convaincre que Thérèse n'est pas vraiment à la fête : « elle se croyaitenfouie au fond d'un caveau, en compagnie de cadavres mécaniques remuant la tête, agitant les jambes et les bras,lorsqu'on tirait les ficelles » (IV).
c) Le taureau dans l'arène :
Camille est-il un impuissant ? Avant le mariage, « il était resté petit garçon devant sa cousine, il l'embrassaitcomme il embrassait sa mère, sans rien perdre de sa tranquillité égoïste » (II).
Il semble que la nuit de nocesait été de tout repos (« Et, le lendemain, lorsque les jeunes époux redescendirent, Camille avait encore salangueur maladive, sa sainte tranquillité d'égoïste.
Thérèse gardait toujours son indifférence douce, son visagecontenu, effrayant de calme », (II).
D'ailleurs, il est précisé au chapitre VII qu'elle était « presque viergeencore ».
Inversement, Laurent est un puissant mâle : « Elle n'avait jamais vu un homme (...) Puis elle s'oublia àconsidérer les grosses mains qu'il tenait étalées sur ses genoux ; les doigts en étaient carrés ; le poing fermédevait être énorme et aurait pu assommer un boeuf.
(...) Et Thérèse l'examinait avec curiosité, allant de sespoings à sa face, éprouvant de petits frissons lorsque ses yeux rencontraient son cou de taureau » (V).
Lamétaphore filée du boeuf (Camille) et du taureau (Laurent) est d'ailleurs explicitée au chapitre VI, lorsqueLaurent envisage d'assommer son ami « d'un coup de poing, s'il faisait le méchant » en découvrant qu'il avaitséduit Thérèse.
Thérèse est au demeurant fort sensible à l'odeur du mâle : « La nature sanguine de ce garçon, sa voix pleine, sesrires gras, les senteurs âcres et puissantes qui s'échappaient de sa personne, troublaient la jeune femme et lajetaient dans une sorte d'angoisse nerveuse » (V).
3.
Sexe, folie et mort
a) Sexe :
Le désir de Thérèse s'accroît sans cesse : « Grave toujours, oppressée, plus pâle et plus muette, elle (...)frissonnait...
» (VI).
Laurent s'en est bien aperçu : « Voilà une petite femme, se disait-il, qui sera ma maîtresse quand je le voudrai.(...) À coup sûr, elle a besoin d'un amant ; cela se voit dans ses yeux...
Il faut dire que Camille est un pauvresire » (VI).
Voici qui nous éloigne clairement du romantisme : c'est bien de sexe, et non d'amour, dont il estquestion.
Et cela ne traîne guère : « Il lui renversa la tête, lui écrasant les lèvres sous les siennes.
Elle eut unmouvement de révolte, sauvage, emportée, et, tout d'un coup, elle s'abandonna, glissant par terre, sur le.
»
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