Dans la comédie du XVIIIe siècle que vous avez lue, pouvez-vous dire que maître et valet s'opposent réellement ?
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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De plus, le maître peut tout : pour lui, vouloir c'est pouvoir : il désire Suzanne ? il n'a qu'à rétablir le « droit du seigneur » aboli avant son mariage par amour pour Rosine mais également parce qu'il le souhaitait ; il veut punirFigaro ? il le condamne à « épouser la duègne » ; il veut éloigner un jeune page bien assidu auprès de son épouse ?il l'envoie à l'armée...
Il décide de l'avenir de tous (Figaro peut-être valet ou concierge, Chérubin doit partir...), atous les pouvoirs, peut même régenter les vies privées (il veut être le premier à aimer Suzanne le jour de ses noces,peut refuser son consentement à ce mariage, décider du sort de Marceline notamment).
En revanche, le valet, face à lui, n'est qu'un exécutant, il doit obéir, ses seules ressources sont la ruse et l'intelligence.
Sa supériorité n'est que de parole, son brio, sa verve ne lui permettent pas de vaincre le Comte,seulement de le dominer dans quelques scènes de confrontation mais sans jamais parvenir à remporter une victoiredéfinitive.
Il « l'enfile et le paie en sa monnaie » à la fin de la cinquième scène de l'acte trois, mais emporté par sonéloquence, lui révèle, par exemple, que Suzanne lui a tout dit et permet au Comte d'élaborer sa stratégiepersonnelle.
S'il a souvent le dernier mot dans leurs joutes oratoires, il ne parvient pas à manœuvrer le Comte(seules la Comtesse et sa servante y réussissent et inventent le stratagème victorieux du dénouement).
Transition
Leur rivalité éclate donc au grand jour : ils sont à l'opposé dans l'échelle sociale, ne disposent pas de pouvoirs identiques.
Pourtant, cet antagonisme social est quelque peu modifié par leur rivalité humaine.
II.
L'opposition principale, qui constitue le ressort de la comédie, est évidemment amoureuse.
Le maître s'avise de concurrencer le valet et décide de lui disputer les faveurs de Suzanne.
Parce qu'il est tout-puissant, Almaviva peut passer à l'offensive, choisir de revenir sur sa parole, de rétablir un «droit honteux » alors que Figaro, lui, doit seulement essayer de résister.
Mais leur opposition prend une autre forme: si l'un peut tout, tente d'acheter la jeune fille par une bourse, une promesse de dot, l'autre en est aimé.
Si lenoble peut imposer, les domestiques rusent, s'organisent.
Si le Comte s'enferme dans la duperie et le mensonge, leserviteur est franc et sa future femme ne lui cache rien.
Si les deux hommes convoitent la même femme, Almavivaest du côté du mal puisqu'il veut rétablir un droit ancestral inique, puisqu'il utilise la corruption ou des adjuvantsgrotesques comme Bazile alors que le couple de valets est honnête, sincère, positif, amoureux et aidé par laComtesse, vertueuse malgré son trouble face à Chérubin.
Mais, s'ils s'opposent c'est peut-être, justement, parce qu'ils ont des aspirations communes.
Tous deux désirent la même femme, tous deux veulent s'affirmer comme libres de s'adonner à leurs passions, tous deux veulent agir sur lesautres.
Cependant, une fois de plus, leur différence éclate aux yeux du spectateur : le Comte est dévoyé, marié,jaloux de son épouse, il veut suborner la fiancée d'un autre tandis que Figaro est amoureux, veut épouser celle qu'ilaime.
Au bon vouloir de l'aristocrate dont la seule règle est celle du plaisir, s'opposent les valeurs honnêtes etrespectueuses d'autrui du roturier.
Leur antagonisme éclate d'ailleurs nettement dans les scènes de confrontations ou dans le monologue de Figaro qui n'hésite pas à « convoquer » l'image fictive du Comte devant lui pour lui dire ce qu'il pense.
Le fondement duthéâtre est le conflit et cette pièce le démontre aisément : deux volontés se heurtent à propos d'un objet unique,s'appuient sur des moyens moralement antagonistes.
Le valet, socialement, financièrement et professionnellementdépendant, ne peut que résister en se servant de sa qualité principale, « l'intrigue », en ne « marchant jamais droit» comme le lui reproche son maître.
Le roturier, dépourvu de tout, est moins condamnable, pour le spectateur,parce que s'il dupe, c'est contraint et forcé.
Il se heurte au pouvoir absolu et arbitraire, seuls la tromperie et lecalcul peuvent le faire triompher.
Transition
Ainsi, si le public contemporain de Beaumarchais s'est enthousiasmé pour la pièce, c'est peut-être aussi parce quel'opposition maître-valet dépassait largement celle qu'il avait l'habitude de voir au théâtre.
Le tiers état estvertueux mais les menées et les privilèges des nobles le conduisent à employer tous les moyens dont il disposepour résister.
Toutefois, ne peut-on jamais trouver de points communs à ces deux caractères ?
III.
En effet, les deux personnages constituent un couple traditionnel dans les comédies et leur antagonisme ne dissimule pas totalement çertaines ressemblances.
Si dissemblables qu'ils soient, ils ont pourtant des traits identiques : tous deux veulent s'affirmer, l'un comme maître investi de tous les pouvoirs, l'autre comme un homme de savoir.
Tous deux sont attirés par les mêmes personnes,Suzanne les séduit, tous deux veulent l'aimer et en être aimés.
Si leurs comportements sont différents, c'est parceque leur situation les différencie : l'un peut tout, a tout, sauf l'amour de la servante, l'autre n'a aucune puissance,mais est intelligent, éloquent et aimé de la confidente de la Comtesse.
Figaro use de subterfuges pour tenterd'arracher sa fiancée aux griffes d'Almaviva, tout comme le Comte le fit pour enlever Rosine à Bartholo dans Le Barbier de Séville.
En fait, leur opposition se déroule au théâtre, les différences sociales sont estompées par les nécessités dramaturgiques.
La tradition fait du valet un personnage habile, agile, rusé, capable de mener le jeu et de tromperson maître ; Figaro le tente, veut y parvenir, il l'affirme dès la première scène.
Le maître, autoritaire, est souvent lavictime de son serviteur, Almaviva devra s'avouer vaincu et s'excuser auprès de sa femme à la fin.
Mais nous.
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- Selon le metteur en scène Jean-Pierre Vincent, « le valet est d'abord un vengeur. Il nous venge de tout ce que nous n'osons ou ne pouvons pas faire, comme battre son maître, mentir effrontément pour s'en tirer, être désintéressé, faire des actes gratuits, n'être que du jeu... » En vous appuyant sur des exemples précis, vous vous demanderez si la comédie du XVIIIe siècle que vous avez étudiée cette année vérifie cette affirmation.
- BIOGRAPHIE Il y avait en Allemagne, à Dessau, au début du XVIIIe siècle, un petit juif du nom de Mendel, qui était maître d'école et qui craignait Dieu.