Cyrano de Bergerac (Savinien de)

Cyrano de Bergerac (Savinien de), écrivain français (Paris 1619 -id. 1655). De petite noblesse, il entra dans l'armée qu'il quitta en 1641, à la suite d'une grave blessure reçue au siège d'Arras. On lui doit deux excellentes pièces de théâtre, une comédie, le Pédant joué (1654), dont Molière faisait grand cas et dont il s'est inspiré, une tragédie, la Mort

d'Agrippine (1653), et deux romans utopiques dans la tradition de Thomas More, Histoire comique des États et Empires de la Lune (1657) et Histoire comique des États et Empires du Soleil (1662). Qu'il s'agisse de ses romans ou de ses Lettres (publiées en 1905 et 1926), Cyrano de Bergerac apparaît comme habité par le sentiment de la liberté. Comme Théophile de Viau, comme Tristan l'Hermite, il n'a d'autre projet « politique » que la liberté, indivisible, celle du chercheur, celle de l'épicurien, celle du visionnaire. Au lieu de ressasser les affres de l'histoire ou de l'éternité, il en fait un jeu de l'imagination. Assis entre les deux infinis, il oublie d'être angoissé. Il rêve aux changements possibles et, ni philosophe ni savant, il défend l'essence même et les conditions d'existence de la science et de la philosophie. Par son ironie et sa truculence, son génie du délié et son art de la densité, il est un critique à la fois lyrique et féroce. Tout ce qui n'admet pas le mouvement déplaît à ce poète de Tailleurs, qui se fraie un chemin parfois dangereux dans les maquis de l'hyperbole et de la métaphore. Amoureux de la « pointe », c'est un génie baroque : que brille l'imperfection, et elle est sauvée. Précurseur anticonformiste, il s'impose comme un ennemi de tous les enfermements.