Croyez-vous qu'il y ait quelque utilité à écrire un journal intime

« 112 PSYCHOLOGIE L Un Journal.

- Sa dénomination même l'indique : un journal intime est d'abord un journal.

a) Il constitue une occupation journalière ou quotidienne.

C'est-à-dire que, en principe, il doit être rédigé chaque jour, avec l'indication de la date et même de l'heure si l'on s'y prend à plusieurs fois au cours d'une même journée.

h) Il porte essentiellement sur des événements de ce jour-là qui peuvent d'ailleurs nous reporter a des époques lointaines; c'est ainsi que la lecture d'un livre d'histoire peut amener l'auteur d'un journal intime à consigner ses réflexions sur des civilisations disparues.

2.

Intime.

- Pour mériter le qualificatif d'intime, un journal doit remplir deux conditions qu'il est bien difficile sinon impossible de réaliser parfai- tement.

· a) Le véritable journal intime est centré sur la vie personnelle et pro­ fonde de celui qui le rédige et contient de ces réflexions qu'on ne se fait qu'à soi-même.

Sans doute, on y enregistre des faits extérieurs et des nouvelles d'intérêt général, mais pour noter les réactions secrètes qu'elles ont provoquées en soi et non pour se constituer une sorte de memento de la période historique durant laquelle on a vécu.

L'auteur du journal intime fixe sur le papier, avant que le souvenir ne s'en estompe et ne s'en déforme, moins les événements que le jugement qu'il porte sur eux et les états d'âme qu'ils ont provoqués en lui; ensuite, laissant libre cours à sa pensée, il note toutes les réflexions qui lui viennent à l'esprit.

b) Ce programme ne peut être loyalement rempli que si l'on écrit pour soi seul.

C'est là un second sens du qualificatif " intime " : un véritable journal intime n'est pas destiné au public, même pas à ceux qu'on appelle communément "les intimes n; tout au plus pourra-t-il être communiqué à un ami de cœur comme on ne s'en fait que fort rarement dans la vie, car la seule perspective de le voir tomber en des mains étrangères fausse sa sincérité qui est sa loi suprême.

Aussi est-ce « Journal », et non '' Journal intime.

"• que les écrivains par exemple, André GmE et Julien GREEN - intitulent ordinairement les livres reproduisant les notes qu'ils ont prises au jour le jour sur leurs car­ nets : leur véritable journal intime, si toutefois leur métier d'écrivain les laisse capables d'en écrire un qui mérite cette épithète, ne pourra paraître qu'après leur mort.

Ces journaux, même lorsque nous les soupçonnons d'une certaine insin­ cérité, constituent un document de premier ordre pour la connaissance de leurs auteurs.

Mais à l'âge où l'idée vient tout naturellement d'écrire un journal intime, il convient de se demander si cette œuvre est utile à celui qui l'entreprend.

II.- LES DANGERS DU JOURNAL INTIME Reconnaissons-le d'abord, l'entreprise d'un journal intime n'est pas exempte de risques.. »