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« Croyez-moi, ceux qui lisent sont plus intelligents, plus habiles, plus riches que ceux qui ne lisent pas. Et surtout, ils sont plus heureux. Ils ont toujours à portée de main un remède souverain pour combattre la tristesse, les soucis, le vide. » Michel TOURNIER. À l'aide d'exemples précis, commentez ce point de vue sur la lecture et dites dans quelle mesure vous le partagez.

Publié le 18/10/2010

Extrait du document

lecture

Comme le sujet parle de lecture (sans précision), on pourra — pour enri-chir la réflexion — étendre largement cette notion (donc ne pas se contenter d'évoquer « les livres «). On envisagera aussi les autres moyens possibles « pour combattre la tris-tesse, les soucis, les vides «. On sera particulièrement attentif aux termes du sujet, en accordant une importance extrême à la dernière partie de la phrase : le lecteur est un homme heureux.

II. Devenir un bon lecteur :

- refuser le livre unique ;

- constater la diversité des opinions et faire son choix ensuite ;

- savoir lire, c'est s'ouvrir : devenir plus intelligent, plus riche.

III. La lecture fait-elle le bonheur ?

- le livre est un objet de bonheur ;

- le bonheur dans la liberté ;

- il n'y a pas que des lecteurs heureux.

lecture

« être humain.

Tout le reste doit être brûlé.

Malheureusement, brûler les livres, ça n'est pas une attitude trèsheureuse.

Cela a même un fâcheux relent d'obscurantisme.

L'Émile (le livre), d'ailleurs, sera brûlé et son auteur poursuivi par la justice française, puis genevoise.

Un livre, c'est aussi dangereux.

C'est pour cela qu'on les faitflamber aujourd'hui encore où Salman Rushdie vit en proscrit. On imagine volontiers que les ennemis de Rushdie, comme ceux de Voltaire ou Rousseau autrefois, ne sont pas degrands lecteurs (pas davantage, d'ailleurs, les imagine-t-on regarder les films que nous avons précédemmentévoqués !).

On les croirait volontiers incultes, mais on aurait tort : leur problème serait plutôt de n'accepter de lirequ'un seul livre (comme Émile, mais lui n'avait aucun pouvoir) et de contraindre les autres à ne lire que celui-là eninterdisant tous les autres.

À certaines époques, ce fut la Bible (et encore, pas en entier) ou le Coran ou le petitlivre rouge de Mao ou les oeuvres presque complètes (car très expurgées) du camarade Lénine.

Il faut toujours seméfier des pays où l'on n'a qu'un seul livre à lire.

C'est un peu insuffisant, en effet, quelle que soit la qualité duditlivre, pour devenir intelligent, habile, riche et heureux.

À moins, naturellement, de penser que le bonheur consiste àne pas penser mais à se laisser aller tranquillement à l'obéissance passive, faire ce qu'on demande de faire, sans réfléchir outre mesure : lire seulement les ouvrages autorisés, le journal officiel, sans se poser de questions.

On a,ainsi, une seule idée dans la tête : on ne doute pas, on sait, on est heureux. Les ennuis commencent ensuite, lorsqu'on se rend compte qu'il n'y a pas un livre unique dans lequel serait résumé lesavoir complet de l'humanité (comme l'Encyclopédie universelle) mais des livres, tous différents, et que ces livres, justement, se contredisent tous.

On imagine les esprits un peu faibles devant cette diversité, cette pléthored'opinions divergentes, d'avis opposés : ces auteurs, philosophes, poètes, romanciers, polémistes, écrivent tout etle contraire de tout, sans se soucier d'accorder leurs violons, trouvant au contraire un malin plaisir à affirmer avecassurance des idées incompatibles avec celles de leurs prédé cesseurs.

Bref, ils sont toujours contre.

Et voilà Rousseau contre Voltaire, comme Boileau fut contre Ronsard, Racine contre Corneille, comme Hugo sera contre lesclassiques et Baudelaire contre les romantiques, puis Sartre contre Camus.

Alors, qui croire ? Pourquoi lire tous ceslivres quand on est en quête de vérité unique ? Comment s'assurer ? Comment savoir quel est celui qui dit vrai ? Onpeut comprendre le désarroi de certains, sans toutefois le partager ! Le jeune Rousseau trouvera la solution, nousraconte-t-il dans Les Confessions : lire chaque écrivain, chaque philosophe, en « sympathie », comme si on le suivait dans les méandres de sa pensée et qu'on l'approuvait toujours, ensuite, seulement ensuite, quand on acompris les idées de chacun, on s'efforce de prendre parti, au besoin, et on essaie de déterminer lequel nous sembleavoir raison.

Quelle plus belle définition de la culture que celle-ci : il faut d'abord apprendre, connaître, s'ouvrir auxautres sans rien jeter ; il sera toujours temps, après, de se faire une idée personnelle.

Il faut aborder la lecture sanspréjugés, ne rien rejeter a priori, là est la vraie richesse : dans un éclectisme complet qui accueille aussi bien Françoise Sagan qu'Emmanuel Kant, Tristan Corbière que l'Ecclésiaste. L'intelligence, en effet, c'est « une ouverture » sur les autres, d'abord et avant tout ; être capable d'accueillir lesidées diverses — accueillir ne signifie nullement tout accepter — pour exercer ensuite son esprit critique.

Lecontraire même d'une fermeture sur un monde obtus, avec des œillères gigantesques.

Lire, c'est se rendre comptede la diversité du monde et des choses, acquérir le sens de la relativité.

Le rêve de l'Émile n'est qu'un rêve.

Chacunsait que le temps nous manque, que nous n'avons qu'une seule vie, que nous ne pourrons tout connaîtrepersonnellement : à notre expérience personnelle unique et forcément limitée, si l'on ne veut pas vivre « inutilement» on ajoutera, pierre à pierre, d'autres expériences, celles de nos semblables, nos frères, les auteurs des livres.Grâce à eux, chacun développera son intelligence du passé : on connaîtra la pensée grecque et romaine en lisantPlaton et Lucrèce, Homère nous emmènera sur de lointains rivages où nous apprendrons à penser autrement, nousvisiterons l'abbaye de Thélème avec Rabelais pour guide et le sérail oriental, grâce à Racine, n'aura plus de secretpour nous.

Chaque livre lève un voile sur un aspect de la vie que j'ignorais peut-être, ou que je connaissais mal.C'est aussi en moi, en effet, que se lèvent les voiles quand je découvre, comme Othello, que je suis aussi jaloux, oucomme Rastignac, que je suis avide de promotion sociale et de réussite.

Les époques défilent jusqu'à la nôtre, avecleur cortège de misérables et de nantis qui m'apprennent à voir plus juste, à penser mieux, à connaître, enfin.

L'on devient plus richegrâce à l'expérience des autres, plus intelligent parce qu'on a appris à penser, à douter (quelle plus belle école detolérance que la lecture : lire deux auteurs qu'on aime autant et qui disent pourtant exactement le contraire !).

Lavérité, au bout du chemin, n'est-elle pas l'addition de ces vérités successives et que l'on fait nôtres ? Le bonlecteur fait son miel de toute fleur qu'il butine.

Le miel, pourtant, est sien.

Le lecteur est-il pour autant une abeilleheureuse ? Si l'on en croit Montesquieu : « L'étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts, n'ayant jamais eu dechagrin qu'une heure de lecture ne m'ait ôté », la lecture, associée ici à l'étude, est en quelque sorte la meilleurethérapie qui soit.

Elle guérit des mauvaises pensées, des idées noires, cafard ou spleen.

Tristesse, soucis, videdisparaissent comme par enchantement pour peu que le lecteur s'isole, s'assoie dans un fauteuil confortable, loin dumonde, du bruit et de la fureur environnants, pour s'abstraire de tout cela et vivre autrement, par procuration ; ou,plus intensément, se découvrir soi-même.

Ainsi, Montaigne, dans sa « librairie » (bibliothèque) ou Montesquieu.Comment les imaginer autrement qu'heureux ? On les voit même éprouvant une indicible jouissance à prendre leslivres, à les choisir, les toucher, les caresser peut-être, les sentir (pourquoi pas ?).

Les livres sont vivants, ils ontune odeur, on peut les respirer, même si c'est moisi et poussière, c'est une odeur de vie, c'est un contact physiquequ'ils permettent (oserons-nous parler de sensualité ?).

Prendre un vieux livre qui a vécu, qui a été lu par lesgénérations qui ont précédé, c'est toucher du passé : le lecteur avec son livre a ce contact charnel que nul ne peutavoir avec l'image (attendons, pour juger, que se répandent les images virtuelles) toujours éloignée de nous, là où le. »

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